Pour que la commune devienne le centre de décision au niveau local, Mohamed Elkamel Hannachi, P/APC de Bordj Bou-Arréridj, plaide pour une dépénalisation de l'acte de gestion Liberté : Comment votre commune a-t-elle fait face à la crise du coronavirus ? Elkamel Hannachi : Comme tous les maires d'Algérie, je réponds présent. L'implication des élus dans cette période délicate a sans doute été une bonne chose pour gérer plus rapidement la crise sanitaire. Et je le fais très volontiers en espérant que cela ne dure pas trop longtemps. Par mes responsabilités et mes relations avec le monde de la santé, nous avons pu, avec les professionnels de la santé de notre wilaya, être très réactifs pour alerter rapidement les autorités sanitaires, communiquer rapidement sur le besoin de confinement, mettre en place un centre de consultations dédiées, mettre en réseau beaucoup de bénévoles pour fabriquer et trouver des équipements de protection... Dès mars, nous avons veillé, avec l'ensemble des élus et responsables administratifs, au maintien du maximum de services à la mairie. Nous nous retrouvons en réunions téléphoniques entre les élus et les responsables des services de la commune pour gérer au mieux cette période où il faut sans cesse adapter nos actions en fonction des consignes reçues de l'Etat, des autorités sanitaires et de la wilaya. Nous avons débloqué le 17 mars une somme d'un milliard de centimes pour acheter des produits de désinfection. Il faut rappeler que notre commune est l'une des plus riches d'Algérie, nous n'avons pas eu de problèmes financiers pour gérer la crise sanitaire. Avec nos moyens, nous avons assuré toutes les tâches de désinfection au niveau des administrations, hôpitaux, infrastructures publiques et même privées. Les citoyens de votre commune se sont-ils impliqués dans la lutte contre le virus ? Quel a été leur rôle ? Les tâches quotidiennes sont accomplies par les agents : collecte des ordures ménagère, nettoyage des voies publiques, entretien des espaces verts... de même pour les tâches administratives, paiement des fournisseurs, arrêtés municipaux, marchés publics, suivi des dossiers d'urbanisme... Le plan spécial a été activé, et tous les jours, avec les élus et fonctionnaires qui le composent, avec le renfort des bénévoles, nous agissons pour répondre au mieux aux inquiétudes de la population. Je souhaite remercier tous les agents présents au quotidien, qui respectent parfaitement les mesures sanitaires et continuent à servir la commune, en particulier un groupe de nos agents qui sont chargés d'enterrer les morts de la Covid-19. Nous avons bien sûr tout mis en œuvre pour accueillir les bénévoles qui ont beaucoup apporté depuis trois mois sans relâche. La pandémie a révélé des failles en matière de gestion de situation de crise au niveau local. Faut-il, à la faveur de cette crise, revoir le statut de la commune en lui accordant des compétences larges pouvant leur permettre de mieux gérer les affaires publiques ? Qui connaît mieux la commune que le maire ? Au regard de ce que l'Algérie traverse aujourd'hui, ne faudra-t-il pas repenser le rôle du maire demain ? J'estime qu'un élargissement des prérogatives des présidents d'APC, de sorte que la commune devienne le centre de décision au niveau local, et une dépénalisation "effective" de l'acte de gestion constituent les deux conditions essentielles pour relancer l'investissement, la croissance et le développement sur le plan local et national. Les P/APC ne prennent pas d'initiatives par crainte de se retrouver sanctionnés ou emprisonnés. Par exemple, devant cette crise sanitaire, l'APC est responsable de la santé du citoyen, nous avons décidé d'acheter des produits de désinfection, malgré la délibération du conseil, il faut aussi attendre l'accord de la daïra. Pour moi, il faut une décentralisation générale et totale de ces prérogatives et une dépénalisation de l'acte de gestion communale. La commune doit être le vrai moteur de développement du pays. Comment vous envisagez le devenir de votre commune après la pandémie ? Pour le moment, je suis à l'écoute des citoyens. C'est à partir de leurs doléances et préoccupations que nous devons monter un plan pour le déconfinement et même après. J'espère que l'Etat va nous aider à apporter un peu de réconfort à ceux qui ont perdu leur gagne-pain, à ceux qui depuis trois mois sont sans ressource, à ceux qui attendent un simple geste pour relancer leur activité. C'est maintenant que commence le vrai travail d'écoute, de soutien et d'aide.