Depuis quatre mois, les nouvelles en provenance du "monde schisteux" aux Etats-Unis ne sont pas bonnes : les faillites se multiplient. Dimanche 28 juin, c'est la compagnie Chesapeake, deuxième producteur de gaz des Etats-Unis, qui a déposé le bilan. Avec cette grosse faillite, l'industrie américaine est prise dans une bourrasque, sombrant dans le rouge. C'est du jamais vu au cours de la longue histoire de l'industrie du schiste américain. Fondée en 1989, l'entreprise est la pionnière de la fracturation hydraulique, une technique qui consiste à utiliser des volumes d'eau considérables dans l'extraction du gaz ou du pétrole. La pression fait circuler le pétrole de force dans la roche, le faisant remonter jusqu'aux structures de surface. L'entreprise a ainsi fait faillite car elle n'a pas pu rembourser une créance de 12 milliards d'euros. Elle sollicite de la justice de l'Etat du Texas un accord de restructuration pour tenter d'effacer 6,2 milliards d'euros de dettes. Chesapeake employait environ 2 000 salariés. Aux dires de beaucoup d'experts, la fracturation hydraulique n'a jamais vraiment été rentable. Quand le marché pétrolier était calme, avec des prix caracolant à 80 ou à 100 dollars, des compagnies américaines investissaient massivement dans ce secteur. Elles se sont rendu compte à quel point il était rentable pour elles de commercialiser le pétrole et le gaz de schiste qu'elles avaient déjà découverts. Aujourd'hui, le marché est beaucoup plus complexe et les prix dépriment, rendant peu attractif l'investissement dans cette industrie. Le schiste américain n'est rentable que si les prix du pétrole se maintiennent au-dessus de 45 dollars le baril. Or, les cours de l'or noir sont descendus au-dessous de ce seuil, pendant plusieurs mois. Fin avril dernier, ils avaient même plongé dans le négatif, à cause de l'arrêt des économies du monde, du fait de la Covid-19. Il faut dire que les compagnies américaines n'ont pas réussi à offrir un environnement plus sûr à une industrie fragile et à risque élevé liés aux aléas du marché. Et du coup, elles ne peuvent tenir sur la durée et miser sur la continuité. Selon les experts, cette grande fragilité du secteur tient aussi à la forte hausse des coûts de production aux Etats-Unis, malgré le fait que les moyens technologiques aient beaucoup évolué. Cette hausse des coûts s'explique également par une pénurie de pipelines qui oblige de plus en plus les pétroliers à acheminer leur production via des camions et des trains, une logistique plus onéreuse. Cela entraîne un manque à gagner de 18 dollars par baril pour les producteurs, analyse Benjamin Louvet, cité par des médias. Par ailleurs, la chute de la production fait partie des grandes difficultés que connaissent les pétroliers américains. Pendant les années fastes, elle a décuplé. Elle est toutefois très disparate et suit actuellement une tendance baissière. Outre le bassin permien, les gisements du Bakken, de Niobrara ou d'Anadarko stagnent. À cela s'ajoute un déficit chronique de productivité des puits de pétrole de schiste. Les experts brossent ainsi un tableau qui donne à réfléchir sur les répercussions réelles d'une industrie fragile. Cela refroidit les ardeurs des pays intéressés par l'exploitation du schiste.