Le président turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié hier l'action de l'Egypte en Libye d'"illégale", en référence aux initiatives du Caire en direction des autorités parallèles de l'Est libyen et de Haftar. Le Caire a réitéré, jeudi, via le président Abdel Fattah al-Sissi, ses menaces d'intervenir militairement en Libye, si la sécurité de l'Egypte était menacée, ont rapporté les agences de presse. Ce pays, farouche soutien du général Khalifa Haftar, a accueilli, jeudi, une réunion du président al-Sissi avec des représentants de certaines tribus libyennes acquises aux autorités parallèles de l'Est, installées à Tobrouk et à Benghazi. "Le Caire ne restera pas inerte devant tout mouvement qui constituerait une menace directe pour la sécurité nationale de l'Egypte", a déclaré M. Sissi, dont le pays est en guerre froide avec la Turquie, qui appuie militairement le Gouvernement libyen d'union nationale (GNA) à Tripoli depuis début janvier dernier. Le Parlement libyen, siégeant à Tobrouk, a validé lui aussi le principe d'une intervention du Caire, dans un texte adopté, mardi, et qui constitue un appel direct à une ingérence étrangère, déjà en place depuis la révolte populaire de 2011 ayant conduit à la chute de l'ancien régime de Tripoli et à la mort du guide libyen Mouammar Kadhafi. Jeudi, c'était au tour de ces chefs de tribu de demander à al-Sissi d'intervenir militairement, en cas de menace, disent-il, alors qu'autour de Syrte, ville natale de M. Kadhafi, une nouvelle bataille déterminante se prépare depuis quelques semaines, selon les médias libyens. Le GNA amasse d'un côté ses troupes à l'entrée ouest et sud-ouest de Syrte, tout comme Haftar qui a déplacé ses soldats vers Syrte qu'il contrôle déjà. Le Caire considère cette ville stratégique, qui ouvre l'accès aux gisements pétroliers libyens, comme une "ligne rouge". Si le GNA venait à reprendre le contrôle de Syrte, ce serait une porte ouverte vers la reprise par Tripoli de son contrôle du croissant pétrolier (long de 205 km), actuellement sous domination quasi totale des autorités de l'Est, où des mercenaires soudanais, russes et syriens travaillant pour la société de sécurité Wagner ont été dépêchés récemment, selon plusieurs sources. Pour rappel, l'Egypte a lancé une initiative politique en juin dernier, après avoir reçu le général Haftar et le président du Parlement Akila Salah, sans en inviter toutefois le GNA. Le Caire avait proposé l'élection de nouveaux membres du GNA, un cessez-le-feu durable et le démantèlement des milices. Mais le GNA, victorieux face à Haftar qui a perdu sa guerre de conquête de Tripoli et de l'Ouest libyen, a rejeté l'initiative égyptienne, la qualifiant d'un vol au secours au controversé général. Une partie de la communauté internationale a émis aussi des réserves ou rejeté carrément la proposition égyptienne, dont la neutralité est remise en cause. Actuellement, d'importants efforts sont dirigés vers la reprise du dialogue politique interlibyen, loin de toute ingérence étrangère qui, jusqu'à maintenant, a empêché toute avancée politique notable.