Trois semaines après le décès de Moussa Benhamadi, en prison, sa famille sort du silence. Par le biais d'un encart publicitaire publié dans les quotidiens El Watan et El Khabar, la famille de l'ancien ministre de la Poste révèle les conditions inhumaines dans lesquelles l'homme avait vécu quelques jours avant son décès. À cause notamment des poursuites dont font l'objet ses membres, la famille Benhamadi n'a pas fait de bruit. Elle a publié, hier dans la presse, un encart publicitaire sous couvert de "remerciements" pour ceux qui ont compati à sa douleur, suite à la disparition de Moussa Benhamadi, le 17 juillet dernier. Mais le message cache mal la colère. On y lit, qu'avant de rendre l'âme, l'ancien ministre a subi un véritable supplice : le 3 juillet, sentant les premiers symptômes de la Covid-19, le défunt s'est rendu à l'infirmerie du pénitencier, mais n'a pas subi de "diagnostic précis". Les symptômes étant toujours là, Moussa Benhamadi retourne, une nouvelle fois, à l'infirmerie, le 9 juillet, d'autant plus qu'il "avait de la fièvre et toussait", et "avait perdu le goût et l'odorat", ressentant, en outre, une "forte fatigue". Malgré cela, "il n'a pas été pris en charge". Sa situation se dégradant, Benhamadi retourne, une troisième et dernière fois, à l'infirmerie le 12 juillet, après "son retour" de la Cour Suprême où il était entendu par le juge-conseiller, détaille la famille. En vain. Le lendemain, le défunt "s'effondre" dans la cour de la prison. "Il avait perdu connaissance", précise le document, ce qui a poussé l'administration à le conduire à l'hôpital Mustapha-Pacha d'Alger, qui a diagnostiqué une charge virale de 75%. Il y mourra le 17 juillet. Plus grave encore, la famille Benhamadi raconte, citant ses avocats, que malgré "une situation sanitaire délicate" caractérisée notamment par "une forte fièvre", "une transpiration abondante" et "une forte toux", le juge-conseiller près la Cour suprême a "refusé de reporter l'audition". Pourquoi ? On ne le saura peut-être jamais. Plus que cela, les avocats ont demandé à l'administration de "la prison d'El-Harrach" et "à la Cour suprême" le dossier médical. En vain. Ces révélations confortent ainsi les revendications des défenseurs des droits de l'Homme qui réclament "l'humanisation" de la justice dans le pays. Surtout que cette affaire est loin d'être un cas isolé, car Moussa Benhamadi n'a pas été le seul à mourir en prison, avant même qu'il ne soit jugé ou condamné. Kamel-Eddine Fekhar est décédé, en 2019, des suites d'une grève de la faim, tout comme Mohamed Tamalt, mort en décembre 2016. Par ailleurs, un détenu issu du mouvement populaire, dans la région de Ghardaïa, s'est vu refuser par le juge le droit d'assister à l'enterrement de sa femme et de ses filles, décédées des suites d'une intoxication au monoxyde de carbone. Ali Boukhlef