Le procès en appel de l'ex-DGSN, Abdelghani Hamel, à la Cour d'Alger, et qui a abouti, hier, à sa condamnation à 12 ans de prison ferme, a ouvert une nouvelle brèche, et pas des moindres d'ailleurs, dans les arcanes de l'ancien régime. La justice qui devait initialement statuer sur des affaires liées au "blanchiment d'argent", à l'"enrichissement illicite", au "trafic d'influence" et à l'"obtention de foncier par des moyens illégaux", pour classer définitivement un dossier où d'anciens ministres et walis sont notamment impliqués, se retrouve, de surcroît, avec un scandale encore plus lourd sur les bras : une affaire de drogue qui avait défrayé la chronique dans les années 2000, dite "Zendjabil", refait surface. En effet, les révélations de l'ex-"puissant" patron de la police à la barre de la Cour d'Alger, sur ceux qu'il nomme "le groupe d'Oran de la drogue" et qu'il accuse d'abord de "complot contre sa personne et sa famille", et ensuite d'"accointance avec des milieux mafieux", du temps où ils assumaient de lourdes responsabilités, a fait sortir de hauts gradés de l'armée et de la Gendarmerie nationale de leur paisible retraite, pour s'inviter à l'heure du grand déballage. Aux graves accusations donc de "complicité" avec un grand trafiquant de drogue, l'ancien chef d'état-major au 2e commandement régional de la Gendarmerie nationale d'Oran, le colonel Allal Taifour, et l'ex-chef de la 2e Région militaire (Oran), le général-major à la retraite Kamel Abderrahmane, se sont exprimés tour à tour, mardi et mercredi, dans les colonnes du quotidien El Watan, pour faire toute la lumière sur une affaire que l'on croyait définitivement close. Mais voilà qu'une dizaine d'années plus tard, de nouveau le dossier éclate à la figure des personnes mises en cause. Un surprenant rebondissement ! L'ancien chef de la 2e Région militaire, le général-major à la retraite, Kamel Abderrahmane, annonce déposer plainte contre l'ex-directeur général de la police, et en appelle, officiellement, au premier magistrat du pays "d'ouvrir une enquête pour élucider cette affaire". Ça promet. Et ce n'est pas tout, puisque les étalages gravissimes du colonel Allal Taifour, sur celui que "son fantasme a poussé au délire de se voir président de la République", sont de nature à revisiter, dans les tribunaux de justice, de bien scabreuses affaires du temps où Abdelghani Hamel était en poste à l'ouest du pays. "En novembre 2005 (Hamel était commandant régional d'Oran), les enquêteurs du service régional de lutte contre les stupéfiants ont saisi à Ghazaouet une quantité de plus de trois (3) tonnes de kif prête à être embarquée sur le bateau en partance vers Almeria, en Espagne. Les auteurs qui ont pris la fuite ont été formellement identifiés par les enquêteurs de ce service. Deux fonctionnaires de police ont été également arrêtés dans cette affaire", écrit l'ancien chef d'état-major au 2e commandement régional de la Gendarmerie nationale d'Oran. Il poursuit : "Quelques mois après, les auteurs ont été arrêtés et présentés au parquet de Sidi Bel-Abbès. L'exploitation de leurs téléphones portables a permis d'établir que le prévenu Hamel était en contact permanent avec eux lors de la saisie ainsi que pendant leur cavale. Ils ont été condamnés à la perpétuité par la Cour de Sidi Bel-Abbès, condamnation confirmée par la Cour de Médéa. Cette condamnation a été finalement commuée en vingt (20) ans de réclusion lors d'un second appel." Mais voilà que "le commissaire divisionnaire Boumadani Mustapha, brillant fonctionnaire de police, docteur en Lettres qui a diligenté cette enquête entre 2005 et 2006, révèle l'auteur de la tribune, a été la première victime de Hamel Abdelghani qui l'a muté à Jijel dès son arrivée en 2010 à la tête de la DGSN, après lui avoir fait subir les pires exactions et humiliations entre 2010 et 2013". Le colonel Taifour cite également une seconde affaire, plus importante celle-là, selon lui, et qui "concerne la saisie en 2013 d'une quantité de plus de vingt (20) tonnes de kif traité dissimulée dans la cocotte (bétonnière) d'un camion par les éléments du même service régional de lutte contre les stupéfiants". Le nommé Bahraoui, raconte-t-il, "arrêté à bord du camion a formellement menacé les policiers en leur déclarant qu'ils payeraient très cher leur acte". C'est ainsi que "dans la semaine qui a suivi la saisie et l'arrestation de l'auteur, confesse l'ancien responsable du 2e CRGN d'Oran, l'ensemble du personnel du service de lutte contre les stupéfiants a été muté, leur chef, le commissaire principal Belbachir Ali a été affecté à Sfisia dans la wilaya de Naâma en qualité de chef de sûreté de daïra après de loyaux services confirmés par la saisie de pas moins de cent (100) tonnes de kif traité en l'espace de trois (3) années (...)". Autant dire que le système Bouteflika, et avec tous les procès de ses anciens collaborateurs, tenus depuis sa déchéance, n'a encore révélé qu'une infime partie de l'état de déchéance dans lequel ont été entraînées les institutions du pays. Reste à savoir si cette affaire déterrée re-trouvera son chemin vers un autre procès. Mehdi Mehenni