Dans cet ouvrage collectif, les contributions de Mohammed Yefsah, Malika-Fatima Boukhelou, Malika Assam et Djemâa Maazouzi ressuscitent la pensée de Mammeri et interrogent la place qu'était celle de l'amusnaw d'Ath Yenni dans la mémoire collective. L'éloge au centenaire de Mouloud Mammeri se prolonge avec l'apport d'une étude collective conçue et dirigée par le docteur ès lettres et arts de l'université Lumière Lyon 2 Mohammed Yefsah, intitulée Mouloud Mammeri. Intellectuel enchanté. Romancier désillusionné (Frantz-Fanon 2020). Pensée et élaborée en deux parties, cette analyse se veut l'étincelle pour attiser l'oriflamme de Mammeri, avec comme axe principal La Colline oubliée. Mieux, ce traité littéraire s'interroge sur la place qu'était celle de l'amusnaw d'Ath Yenni au fil des pages de son œuvre romanesque et de la littérature algérienne. De même que la réflexion échafaude d'aller sur l'itinéraire de l'anthropologue et de son œuvre mémorielle L'Opium et le Bâton. À cet égard, l'enfant de Taourirt Mimoun (Ath Yenni) a été "l'un des premiers auteurs à être porté à l'écran dans le jeune cinéma algérien par Ahmed Rachedi en 1969 et sorti en salle en 1971", a déclaré Ahmed Bedjaoui. Se voulant un almanach de l'œuvre du fondateur de la revue Awal (la parole), la deuxième partie de l'Etude va sur la voie de La Traversée (Plon, 1982). Et en ce qui a trait à l'hommage, s'esquisse en cinq actes, dont "L'épreuve de la libération dans L'Opium et le Bâton" par l'écrivaine Djemâa Mazouzi et "Le désert dans La Traversée de Mouloud Mammeri. Espace de la découverte du Pharmakon" de l'autrice Malika Fatima Boukhelou. Et dans l'optique de questionner la mémoire, il y a aussi l'acte intitulé "Mouloud Mammeri dans la mémoire collective. Du savant au héros de la revendication identitaire amazighe" de Malika Assam. À noter que le maître de conférences à l'université d'Oran 2, Mohammed Yefsah, a fait don de la "Réception de La Colline oubliée" et d'un entretien qu'il a réalisé avec le cinéaste Ahmed Rachedi sous l'intitulé Mammeri est un intellectuel par excellence. À cette fin, la présente expertise littéraire opère un come-back sur le regretté docteur honoris causa à la Sorbonne (1988), qui est issu de l'incandescent siècle de guerre et de joug. D'où le devoir de l'intellectuel Mouloud Mammeri de son nom de guerre "Kaddour" de désenchaîner les siens des fers du hideux apartheid en ces termes : "Vous pouvez dormir, monsieur le juge : il est bon après tout que le sommeil du juste suive le sommeil de la justice." C'est dire toute la chance du peuple algérien d'avoir eu à ses côtés Brahim Bouakaz ou ce guerrier armé d'un bâton : "Quand on est un intello, forcément, on croit au pouvoir des idées (...)" (Escales). Sur ce point, autant la perte du grenier Algérie était fatale à l'oppresseur français, autant le sacre de la souveraineté de l'Algérie augurait de la fin de l'expression controversée : "Nos ancêtres les Gaulois (...)" à laquelle il a opposé "ur ilaq" (il n'est pas permis, voire pas convenable) dans son innovant énoncé La Société berbère (1938), "puisqu'après vingt-cinq siècles de civilisation étrangère les Berbères sont restés eux-mêmes". "C'est la victoire de la vérité sur le mensonge", écrit Mohammed Yefsah en guise d'avant-propos. Seulement, "la libération, c'est comme les beaux rêves (...) ça chatoie un temps (...) Mais il y a toujours un réveil après (...)" (Escales), puisqu'il était pris dans le tourment d'une ère tumultueuse, où le droit à l'équité et à l'émancipation constituait l'enjeu du destin de l'humanité. D'autant qu'il irriguait à la sueur de son front la diversité linguistique de son peuple qu'il avait ensemencé dans les sillons de l'unité et de l'émancipation. Donc, autant lire Mammeri pour s'initier à l'humanisme. Louhal Nourreddine
Mouloud Mammeri. Intellectuel enchanté. Romancier désillusionné, un ouvrage collectif dirigé par Mohammed Yefsah, éditions Frantz-Fanon 2020, 143 pages, 600 DA.