Un tel dispositif organisationnel devrait définir un cadre de travail global pour structurer l'activité, sans s'immiscer dans la production industrielle de l'opérateur économique. Le décret exécutif n°20-226 du 19 août 2020 fixant les conditions et les modalités d'exercice de l'activité de construction de véhicules n'a pas suscité un débat comme on s'y attendait du côté des opérateurs. Pourtant, il y a matière à débat et à enrichissement de ce texte qui, au demeurant, mérite une lecture approfondie sur deux points essentiels du cahier des charges. Il s'agit en premier lieu du préalable posé à l'obtention de la décision d'évaluation technique, c'est-à-dire l'inclusion d'une chaîne d'emboutissage, de soudure et de peinture au départ de l'activité pour la fabrication de la "caisse en blanc", autrement dit la carrosserie. Ensuite la nécessité pour le constructeur de lister les principaux composants qui devront être fabriqués localement. Concernant le premier point, il y a lieu de relever, comble d'incompréhension et ou/absence de consultation des professionnels du métier pour l'élaboration de ce cahier des charges, que l'article 9 manque de visibilité. En effet, la fabrication de la caisse est présentée comme l'élément central de l'intégration locale alors même que ce process a toujours été de l'unique compétence du constructeur. Tout comme le "design du véhicule", ce sont là les deux seuls corps de métiers que le constructeur ne sous-traite pas. D'aucuns pourraient soutenir que la caisse, qui fait appel aux process de l'emboutissage, de la soudure et de la peinture, nécessiterait une quelconque sous-traitance, mais bien au contraire, il s'agit là d'un savoir-faire que le constructeur ne transfère quasiment jamais même en Europe. Pour ce qui concerne le deuxième point, on peut énoncer que dans toute usine qui se respecte, l'instauration d'une zone interne de fournisseurs (ZIF) aurait pour objectif de mettre à la disposition du constructeur les composants que ce dernier ne fabrique pas (en dehors de la fabrication de la carrosserie). Le process de sous-traitance est, entre autres, défini dans l'article 5 de la même loi qui stipule que l'opérateur doit indiquer la liste des principaux composants, pièces et parties qui seraient fabriqués localement (soit par intégration interne, soit en sous-traitance) et ceux qui seraient importés. Mais voilà le hic ! Si l'on se fie à cet article dans son essence et/ou sa genèse, le constructeur doit forcément sortir du cadre du taux d'intégration pour s'intéresser aux composants et, par ricochet, au process de production et de fabrication. Si on approfondit la réflexion, cet aspect ne relève guère du rôle de l'Etat, mais du seul ressort du constructeur, responsable de sa démarche managériale avec ses fournisseurs et sous-traitants. C'est d'ailleurs la grande nouveauté de ce cahier des charges qui, visiblement, limite les horizons du constructeur. Dans une économie de marché, cet aspect ne devrait pas figurer dans un décret. Force est de constater que cette nouveauté n'en est pas réellement une. Pousser le constructeur à lister les composants qu'il doit fabriquer localement s'inscrit en effet dans la démarche proposée par l'Upiam, dès 2018, par la mise en place d'un contrat de filière. Un contrat de filière est en effet une démarche qui vise à répondre à la nécessité de planifier, sur le plan stratégique et opérationnel, cette industrie et lui permettre de réellement prendre son envol, mais aussi de structurer l'écosystème automobile afin de renforcer l'intégration locale en définissant avec les constructeurs une feuille de route commune. Autrement dit, un cahier des charges ne devrait que définir un cadre de travail global pour structurer l'activité, sans s'immiscer dans la production industrielle de l'opérateur économique, initiative chère à l'Upiam. Clair comme de l'eau de roche, et à l'image de ce qui se fait sous d'autres cieux, "le contrat de filière constitue une alternative pour planifier, sur le plan stratégique, et structurer, sur le plan opérationnel, l'écosystème automobile afin de renforcer de manière progressive l'intégration locale sur les projets en coproduction de l'industrie automobile". C'est ce qu'a affirmé la présidente de l'Upiam, Latifa Turki, lors de la 2e édition des Assises de l'industrie automobile et véhicules organisée en 2018. En confinant le rôle d'un constructeur, l'Etat ferme les portes aux initiatives et à l'effort local, sachant que certains sous-traitants algériens ont enregistré d'énormes avancées dans la fabrication de beaucoup de pièces et composants, comme la batterie, les faisceaux, la boîte de vitesses, les plastiques, le verre et autres pneumatiques.