Ces agissements sont condamnés par la loi qui interdit formellement aux membres du gouvernement de se mêler de la vie d'un parti politique. Ils étaient, au moment des faits, respectivement Premier ministre, ministre de l'Intérieur et ministre de la Justice. Abdelmalek Sellal, Noureddine Bedoui, Tayeb Louh occupaient des postes régaliens dans le gouvernement quand ils se sont directement impliqués dans la confection des listes du parti FLN pour les candidatures aux élections législatives du mai 2017. Alors qu'ils étaient censés veiller à la neutralité de l'administration dans l'organisation du scrutin et surtout garantir sa régularité par la force de la loi, ils ont fait tout le contraire de ce que leur imposait leur statut de ministre de la République. Le procès de l'ex-député d'Annaba, Bahaeddine Tliba, et dans lequel l'ex-secrétaire général du FLN — cité comme témoin —, a mis au grand jour une dérive d'un gouvernement qui, en s'impliquant dans la désignation des candidats, a lourdement pesé sur l'issue du scrutin législatif de mai 2017. Et, par ricochet, ils avaient décidé de la "préfabrication" d'une majorité parlementaire. Un délit d'une extrême gravité. "Les listes se faisaient par wilaya. Mais il y a eu la création, sur décision du président, d'une commission installée au Centre international des conférences de Club-des-Pins, présidée par Abdelmalek Sellal et composée par Tayeb Louh, Noureddine Bedoui et Mustapha Rahiel (chef de cabinet de Sellal), chargée de traiter les listes", a lâché l'ancien patron du parti "majoritaire". Selon les dires de l'ancien patron du FLN, c'est Saïd Bouteflika qui aurait donné l'ordre de mettre en place ce fameux "cabinet noir". Ainsi, les débats du procès de mercredi passé auront eu le mérite de lever le voile sur l'implication de l'Exécutif dans une opération électorale. Ces agissements sont condamnés par la loi qui interdit formellement aux membres du gouvernement de se mêler de la vie d'un parti politique, notamment à la veille d'une élection. Outre le discrédit qu'ils jettent sur le scrutin et ses résultats, les aveux de Djamel Ould Abbes et de Bahaeddine Tliba, devant un tribunal, doivent impérativement amener la justice à ouvrir une enquête. D'évidence, cette nouvelle affaire vient conforter l'opinion publique qui n'a cessé de vilipender une Assemblée nationale dont la majorité est issue de manipulations scandaleuses. Alors que Sellal est en prison, condamné pour des faits de corruption, et Louh en détention, dans l'attente d'un procès, l'ancien ministre de l'Intérieur, devenu Premier ministre après la chute de Bouteflika jusqu'à l'élection présidentielle du 12 décembre 2019, est mis en cause directement dans une affaire aussi grave que délictueuse. Lui qui souhaitait rester à son poste au lendemain du scrutin présidentiel se retrouve aujourd'hui mis en cause dans la confection des listes électorales. Va-t-il se retrouver à la barre ? Pour l'heure, l'ancien wali devenu élément-clé dans le dispositif devant préparer le cinquième mandat de Bouteflika n'a pas réagi aux accusations portées contre lui par Ould Abbes. Il reste que ces pratiques politiques dévoyées, aujourd'hui étalées sur la place publique par l'ancien homme fort du FLN, ont non seulement éclaboussé l'image d'un parti politique, mais aussi et surtout souillé l'honneur de l'Etat, en remettant en cause, avec une rare désinvolture, sa neutralité tant chantée par les pouvoirs publics lors des différentes compétitions électorales. Et s'ils s'étaient permis de s'immiscer dans la confection de listes de députés, ne se seraient-ils pas laissés aller à des faits autrement plus graves ? Cela est fort possible, surtout que certains d'entre eux sont aujourd'hui poursuivis dans plusieurs affaires. En plus, ces pratiques délictueuses ont non seulement faussé les règles du jeu d'une compétition électorale, mais aussi contribué à pervertir la représentation nationale en dotant le pays d'une majorité factice. C'est ce genre d'agissements et surtout l'impunité, dont ont bénéficié leurs auteurs, qui ont contribué à creuser un large fossé entre l'Etat et les citoyens. Sous d'autres cieux, des ministres, voire des gouvernements entiers, sont tombés pour moins que cela.