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"La nature m'a enlevé les jambes, pas mes rêves"
SaIf Eddine Benchellouche, hirakiste dans l'âme malgré son handicap
Publié dans Liberté le 08 - 09 - 2020

Refusant de baisser les bras, ce battant décide de lutter. Il enchaîne sans répit exercices de rééducation et séances de kiné pour sauvegarder la mobilité de ses bras afin de poursuivre ses études.
Faire accepter son handicap pour réaliser ses rêves, ainsi pourrait-on résumer l'objectif de Saïf Eddine Benchellouche, Bordjien de 22 ans. Sur une chaise roulante depuis sa naissance, le jeune homme n'a pas pour autant abandonné sa passion : le droit et la défense des libertés. "Le Hirak a éveillé en moi le goût de vivre, ma raison d'être et l'espoir d'une vie meilleure", une phrase qui ne quitte jamais ses discours. Portrait d'un jeune hirakiste dans l'âme que les dures épreuves de la vie n'ont pas réussi à décourager.
"Si la nature m'a enlevé les jambes, elle ne m'a pas enlevé mes rêves, mon âme et surtout ma liberté." C'est une phrase qui revient souvent dans les échanges avec Saïf Eddine Benchellouche, étudiant en droit à l'université Bachir-Ibrahimi, et une des figures du mouvement populaire du 22 Février 2019. S'il chérit le rêve d'être avocat depuis sa tendre enfance, le transformer en réalité n'a, cependant, pas toujours été une évidence. Son engagement dans le Hirak et les conditions de vie très difficiles l'ont poussé à suspendre momentanément ce rêve.
"Tout est possible''
L'histoire de ce jeune handicapé tient du miracle et pourtant grâce à sa ténacité et à sa force de caractère, Saïf Eddine a réussi ce à quoi personne ne s'attendait et encore moins les médecins.
Né il y a une vingtaine d'années dans un village kabyle du nord de la wilaya de Bordj Bou-Arréridj dans une famille modeste, handicapé moteur de naissance, il est condamné à ne jamais marcher. Petit, il était porté par ses proches (parents, frères et sœurs), puisqu'il est le dernier d'une fratrie de 5. Ensuite, c'est la chaise roulante qui prend le relais. Après son bac en 2018, on lui a offert une chaise roulante électrique pour ses déplacements. "Ce n'est pas un luxe, mais une obligation et une nécessité", nous confie un de ses amis. "Il n'arrive pas à atteindre les roues", ajoute-t-il. "Quand j'ai réalisé que je ne pouvais plus marcher, j'ai pensé que ma vie était finie. Je ne pouvais ni sortir, ni marcher, ni jouer comme tous les garçons. C'est épouvantable quand on est gosse !"
Refusant de baisser les bras, ce battant décide de lutter. Il enchaîne sans répit exercices de rééducation et séances de kiné pour sauvegarder la mobilité de ses bras, afin de poursuivre ses études. Sa famille et ses amis l'ont toujours soutenu.
Le courage paie. Avec son bac en poche, il décide de s'inscrire en droit. "Je veux être avocat pour défendre gratuitement toutes les personnes qui en ont besoin et qui n'ont pas les moyens", a-t-il annoncé fièrement. Cependant, il n'a pas réussi à s'adapter à cette université et à son ambiance, si bien qu'il a fini par se réfugier dans le mouvement populaire pour s'exprimer. "Lorsque mes parents ont constaté mon malaise, ils m'ont permis alors de rejoindre le Hirak dont j'avais tant rêvé", dit-il en souriant. "Pour l'heure, j'ai bloqué momentanément mes études pour des raisons de santé, mais mon rêve d'avocat se concretisera un jour Inch'Allah", a-t-il précisé. La vie ne lui a pas fait de cadeau. La société non plus. Il est sujet de railleries, dit-il. Mais Saïf Eddine sait que la vie est belle, qu'il trouvera sa place au soleil et qu'il a encore une longue marche à faire. Il sait qu'il a réussi à prendre sa vie en main et qu'il va arriver dans cet environnement hostile. Le jeune étudiant ignore peut-être que la vie vient de lui inoculer le virus des droits de l'Homme et de l'amour de l'Algérie.
"Un élément du Hirak"
Le charisme de l'incroyable jeune homme en fait un modèle né. Il a trouvé sa voie dans ce qu'il sait faire le mieux : défendre les causes justes et les libertés. Dès les premières heures du mouvement populaire du 22 Février 2019, Saïf Eddine était déjà présent aux côtés de Brahim Laâlami et d'autres activistes bordjiens du Hirak.
Drapé dans l'emblème national, il brandit une pancarte sur laquelle est écrit "Si l'injustice est devenue un droit, la lutte est un devoir", il est au premier rang de la marche et sur les réseaux sociaux. Tout de suite, son art de défendre ses idées et l'Algérie en pleine rue attire l'attention des passants qui se rassemblent pour l'écouter. "Il nous reste la parole et c'est très important", explique-t-il. Il impressionne et s'affirme. Il a vraiment trouvé sa voie et laisse les gens sans voix. Son art de politicien évolue et il ne cesse d'apprendre. Il affine ses techniques d'orateur et crée désormais des discours aux formats variés selon son inspiration et l'actualité. Ce jeune homme courage n'est pas à l'abri des menaces, des intimidations et des insultes. "Je reçois par téléphone des menaces de mort à cause de mon engagement. Quelques individus m'insultent dans la rue et me reprochent mes positions. Ils me disent : ‘Tu es handicapé, alors prends l'aide sociale et tais-toi !'", dira-t-il en rappelant qu'il est un élément du Hirak et qu'il ne va pas s'arrêter. "Comment voulez-vous que j'abandonne le Hirak qui a éveillé en moi le goût de vivre, ma raison d'être et l'espoir d'une vie meilleure ? Comment voulez-vous que je m'arrête alors que le but est noble : l'indépendance de l'Algérie ?", a-t-il longuement insisté sur le sujet des libertés, de la presse, d'expression, de la justice... "Etat civil et non pas militaire", c'est son slogan préféré et qu'il répète à haute voix même quand il est seul dans sa chambre.
Homme avec un sacré tempérament — comme on le décrit –, Saïf Eddine entend, à travers son engagement dans le Hirak, "banaliser" son handicap, afin de combattre les stigmatisations qui l'entourent. "Le handicap ne devrait pas nous freiner dans nos choix de vie, il faut pleinement assumer son handicap et tenter d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Lorsque nous avons des rêves, il faut y croire et tout faire pour les réaliser, malgré les obstacles et les difficultés rencontrés", argue le jeune homme, avant d'ajouter : "Mon handicap est dans les jambes et non dans la tête." Saïf Eddine est désormais une des figures du Hirak algérien. Malgré son handicap, il s'est déplacé 5 fois à Alger, à Béjaïa, à Kherrata et espère se rendre dans toutes les villes d'Algérie. "J'aime rencontrer mes frères du Hirak", a-t-il précisé. "Je pense que les hirakistes doivent se distinguer par leur diversité, mais rester eux-mêmes et surtout en n'essayant pas de ressembler aux autres", suggère le jeune étudiant.
En attendant la suite, Saïf Eddine privilégie les moments passés en famille ou entre amis du Hirak ou, tout simplement, autour d'un débat politique notamment. "J'aime parler de l'avenir de mon pays", confie ce jeune Bordjien très attaché à la liberté d'expression et qui n'hésite pas à manifester à chaque occasion. "Je suis présent à toutes les marches et à tous les sit-in. C'est un réel bonheur !"
Le jeune homme, au sourire qui ne le quitte quasiment jamais, explique, par ailleurs, que les étudiants s'intéressent aussi à la vie politique, au même titre que les études. "La liberté d'expression ne reflète pas seulement la beauté mentale, mais aussi la souffrance, l'intolérance et tous les autres problèmes de la société. Il est vrai que nous sommes étudiants et jeunes, cependant, nous sommes conscients de tout ce qu'il se passe dans notre entourage", insiste Saïf Eddine. Il affirme que la liberté et l'expression de soi sont ancrées en lui depuis sa plus tendre enfance. "La défense des droits m'a habité dès mon plus jeune âge. Je suis né handicapé dans une famille montagnarde amazighe. La lutte quotidienne pour survivre a été le concepteur des actions futures. C'est en prenant la décision de ne jamais baisser les bras, que je me suis rendu compte que cet amour pour les libertés était une partie de mon être", dit-il avec fierté. À l'entendre, c'est un mental de fer que Saïf Eddine s'est forgé tout au long de ces années. Et son engagement ainsi que sa bonté touchent énormément de personnes.
Il a été poursuivi en justice en février 2020 pour avoir commis des destructions sur des biens publics, outragé et commis des violences sur des policiers. Sur ces faits, l'activiste se défend et nie avoir dégradé ce panneau de signalisation.
"Comment un handicapé moteur à 100% d'invalidité qui mesure un demi-mètre, comme moi, peut-il dégrader une plaque fixée au sol et trois fois plus haute que lui ?", s'est-il demandé. "Je n'ai jamais été violent même verbalement. Je suis porteur d'une idée, l'Algérie appartient à tous les Algériens. Nous avons le droit de manifester, de nous exprimer, de dénoncer, de critiquer et de nous révolter mais pacifiquement", a-t-il ajouté. Il dit même être ressorti de cette épreuve "plus fort que jamais". Saïf Eddine dénonce aussi ce qui lui est arrivé vendredi dernier, lors de la 81e marche, à Bordj Bou-Arréridj. "J'ai été violenté par les forces de l'ordre lors de la marche", dira Saïf Eddine qui précise qu'il a eu des contusions au bras.
"Cette violence exercée contre moi n'est qu'une autre expérience qui nourrira mes espoirs, ma volonté et ma motivation", confie le jeune homme. Concernant les problèmes du quotidien d'un handicapé, Saïf Eddine ne veut pas trop s'y attarder. "Ce n'est pas le moment", dira-t-il, mais cela ne l'a empêchera pas de nous faire cette réflexion : "Une fois, à la DAS, on m'a appelé pour me faire une carte de bus gratuit. Mais que faire avec une carte si les bus ne sont pas adaptés et aménagés pour les handicapés ? À vous de méditer..." Et de conclure : "Dans une Algérie libre et démocratique, tout le monde aura ses droits." Pour le moment étudiant en droit, Saïf Eddine Benchellouche n'a pas encore décidé s'il retournera ou pas à l'université. Mais une chose est certaine, celui qui dit désormais "Etat civil et non militaire" veut pouvoir témoigner pour les autres jeunes handicapés, que le fauteuil roulant n'est pas un frein à la liberté.

Par : CHABANE BOUARISSA


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