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Enfants incompris et parents troublés
L'AUTISME, UNE MALADIE SANS TRAITEMENT
Publié dans Liberté le 15 - 11 - 2020

Une grande souffrance. Les autistes et leurs parents sont livrés à eux-mêmes. Les témoignages sont bouleversants. En plus de l'absence d'une prise en charge des autorités, les parents sont confrontés à une société qui ignore tout sur ce trouble neurodéveloppemental.
slam, 7 ans, court vers sa maman, impressionné par les girafes. "Têtes... têtes... leurs têtes touchent le ciel", dit-il, en bafouillant légèrement. "Il fait actuellement une sorte d'obsession sur le monde des animaux", affirme Chafika, sa mère, rencontrée en cette fin de matinée du 6 novembre au parc zoologique de Ben Aknoun, Alger, qui reste tout à découvrir pour le chérubin de Sidi Moussa, commune du sud-ouest de la capitale.
Tous les enfants aiment les animaux ! "Oui", mais Islam en fait une "véritable fixation. Il développe des intérêts restreints". Il n'est pas d'ailleurs à sa première "obsession". "Il y a quelques temps c'étaient les robots", dit sa mère. Islam n'a prononcé ses premiers mots qu'à l'âge de 4 ans. Alertée par son retard de langage, sa maman le prit d'abord chez plusieurs pédiatres. "On m'a toujours dit que c'était normal et qu'il finira, avec le temps, par parler", affirme-t-elle.
Mais, inquiète, et conseillée par quelques amis, Chafika se rend à l'hôpital de pédopsychiatrie de Drid Hocine d'Alger, en 2017. Le diagnostic est vite tombé. Le petit garçon est autiste. "Ce fut un choc pour moi", dit Chafika Loualalen. Comme elle, ils sont nombreux les parents d'enfants autistes à voir leur vie basculer.
Trouble neuro-développemental, l'autisme qui touche de plus en plus d'enfants en Algérie, au moins 1% de la population, selon les spécialistes, reste souvent mal compris mais surtout mal pris en charge.
Au manque de structures hospitalières spécialisées, s'y ajoutent l'absence d'un accompagnement de professionnels, de prise en charge psychologique, alors que les refus d'intégration scolaire sont légion. L'inexistence d'un plan autiste global et sérieux met les familles concernées dans des situations parfois dramatiques.
"On ne l'a pas accepté au début. Surtout son papa qui était dans un déni total", raconte Chafika, en ajoutant que son couple a failli éclater. "Il a besoin d'une assistance permanente. Je me sacrifie totalement pour lui, du matin au soir. Il faut constamment être à ses côtés. Il faut être là quand il fait ses crises, le jour, au milieu de la nuit, tout le temps...".
D'apparence, pourtant, rien ne différencie Islam des autres enfants. Et pourtant, c'est toute son interaction qui s'en trouve affectée. "Il a des troubles sensoriels, il développe une rigidité alimentaire, il fait des réveils nocturnes", affirme la maman de l'enfant.
Pour comprendre, explique le Pr Asma Oussedik, rencontrée à Alger, "l'enfant autiste vient au monde avec un désordre neurologique qui va se traduire plus tard par un trouble qui va impacter toutes les sphères de ses compétences et l'accompagner tout au long de sa vie. C'est toute la vie affective, familiale, sociale de l'enfant autiste, sa communication avec le monde extérieur qui est gravement touchée", dira la chef du service de pédopsychiatrie, à l'hôpital Drid Hocine.
"Mon fils vit en isolement. Il a son monde à lui. Et pour le mettre dans un environnement social, il faut que je lui répète toutes les actions, avec des dessins et des schémas, qui vont se dérouler pendant la journée. Je le prépare par exemple pour aller chez le médecin ou encore pour monter dans le bus ou dans le métro", affirme la maman d'Islam. Et "c'est épuisant !", lâche-t-elle, en ajoutant se sentir seule et complètement livrée à elle-même, sans soutien.
Solitude
Une grande solitude accompagne les parents des enfants autistes, affirme le pédopsychiatre Amine Bouras. "A cela s'ajoute le regard de la société qui, faute de comprendre ce trouble, rejette les enfants autistes et leurs parents.
C'est un véritable handicap pour les familles", poursuit-il. "Les voisins, le milieu social, et parfois les proches, par ignorance, portent un regard réprobateur et ce n'est pas facile pour les parents", dit-il. Chafika a vécu plusieurs expériences désagréables. "Quand mon fils devient agité à l'extérieur, on me montre souvent du doigt et il n'est pas rare qu'on m'accuse d'avoir négligé l'éducation de mon enfant", déplore-t-elle.
"Machi m'rabi" (mal éduqué), c'est la remarque qu'elle entend le plus souvent dans la rue. Mais pour elle, c'est surtout l'absence de soutien des autorités qui la révolte. "Aucune considération. Il n'y a pas de prise en charge. Nous sommes livrés à nous-mêmes. J'ai frappé à toutes les portes : associations, ministère de la Solidarité, en vain !", témoigne-t-elle.
La jeune maman se bat aujourd'hui pour que son fils de 7 ans ait droit à une scolarisation normale. Un véritable parcours de combattant encore ici. "Quand il a atteint l'âge de scolarisation, je me suis présentée à l'école primaire de Sidi Moussa. J'ai informé le directeur de l'école qu'Islam était autiste, il m'a exigé aussitôt de passer d'abord par le centre pédagogique d'El Harrach pour une évaluation".
Pour la mère d'Islam, il s'agit toutefois d'une "évaluation piège" programmée dans le seul but de barrer le chemin scolaire aux enfants autistes. "Ils n'ont d'ailleurs même pas pris la peine de voir mon fils pour l'évaluer. Ils m'ont juste indiqué qu'il fallait l'affecter dans une classe spéciale.
Mais après mon refus, en leur expliquant qu'Islam n'a aucune déficience intellectuelle, la psychologue du centre d'El Harrach m'a dit que dans ce cas il fallait lui prescrire des médicaments pour qu'il reste calme en classe", s'offusque la maman. Plus grave, elle précise que le médicament en question "n'est en fait qu'une drogue". Chafika a entamé cette année des démarches pour trouver un auxiliaire d'école dans l'espoir d'obtenir une scolarisation pour son fils.
"Je suis allée m'informer auprès de la Direction de l'action sociale (DAS) de Birkhadem, dépendant du ministère de la Solidarité. On m'a répondu froidement que c'était à moi de trouver une auxiliaire, que c'était à moi de la rémunérer et que c'était également à moi de trouver une école qui acceptent les autistes avec des auxiliaires", dénonce-t-elle. "Un véritable drame", pour le pédopsychiatre Amine Bourras.
"La scolarisation des enfants autistes est un droit. Or, souvent, ils ne sont pas acceptés en raison de l'ignorance totale autour de ce trouble. Il faut dédramatiser l'autisme", explique-t-il, entre deux consultations qu'il fait aux parents d'enfants autistes, bénévolement, à l'association Autisme Algérie, Alger centre. "Ce n'est pas une maladie.
Les autorités doivent sensibiliser autour de cette question au niveau de toutes les structures éducatives du pays. Les enseignants également doivent être formés pour mieux accompagner ces enfants qui dans la plupart des cas ne présentent pas de déficience intellectuelle. Ce n'est pas normal qu'ils soient rejetés", fulmine le médecin.
Colère
Sofia, autiste, a 4 ans aujourd'hui. Elle a un peu plus de chance qu'Islam. Elle est scolarisée dans une école privée à Ben Aknoun. Pour ses parents, tous les deux médecins, c'est un soulagement. A part cela, ils affrontent le même rejet, les mêmes problèmes, la même solitude. "C'est une vie complétement dédiée à Sofia.
Nous avons mis entre parenthèses notre vie de couple pour nous consacrer exclusivement à notre fille", affirment Assia et Amine Talbi, rencontrés à leur domicile, à Dely Brahim, sur les hauteurs d'Alger. "Nous avons frappé à toutes les portes au début. Psychologues, orthophonistes, neurologues, rien n'y fait, aucune solution", raconte la maman de Sofia.
A l'âge de deux ans, la petite fille passait parfois une semaine entière sans dormir. Même les somnifères n'étaient d'aucune utilité, se rappelle son père.
"C'était très dur pour nous. Elle avait aussi un retard de langage et des tendances à l'isolement. Elle était tout le temps agitée et ne regardait jamais dans les yeux", ajoute-t-il. Seuls et livrés à eux-mêmes, les parents de Sofia ont fini par décider de prendre eux-mêmes leur fille en charge.
"Nous avons commencé à nous informer sur le trouble du spectre de l'autisme et nous nous sommes peu à peu formés sur le sujet à travers les livres ou en assistant à des conférences en ligne.
Nous avons pu, avec le temps, en essayant notamment quelques méthodes qui ont fait leurs preuves au Canada (un pays à la pointe de la recherche dans ce domaine), mieux comprendre ce trouble et mieux accompagner Sofia. Elle a beaucoup progressé depuis", affirme le jeune couple. Si Assia et Amine se réjouissent aujourd'hui des progrès de leur fille, ils couvent, comme Chafika, une sourde colère. Et pour cause, tout un commerce s'est développé autour de l'autisme.
"Un tas d'activités s'est développé pour soit disant soigner l'autisme. Il y a des psychiatres qui proposent des séances d'acupuncture et d'auriculothérapie aux enfants autistes facturées à 3000 DA. C'est une pure arnaque", dit le père de Sofia, en rappelant qu'on ne soigne pas l'autisme, "on naît avec.
C'est génétique". "L'ignorance, poursuit sa femme, fait des ravages. On ne peut plus continuer comme ça. Je ne sais pas si je dois le dire, étant moi-même médecin, mais il y a des confrères qui croient à un tas de superstitions. Ils ne sont pas nombreux, heureusement, mais il n'est pas rare qu'un médecin vous conseille d'aller faire de la "roqia" (exorcisme) pour votre enfant autiste.
C'est dramatique !", affirme, navrée, Assia. "Il y a malheureusement des parents qui y croient", se désole son mari. Le mal est encore plus profond. Des écoles privées, ajoute-t-il, prétendument spécialisées, ont poussé comme des champignons à Alger ces dernières années.
"Nous avons nous-mêmes visité quelques-unes. Elles proposent, en façade, un accompagnement spécialisé. Mais, en réalité, elles profitent de la détresse des gens. ça ne sert qu'à vous soustraire de l'argent'", ajoute encore le médecin.
Sa femme explique : "En plus des méthodes et des approches appliquées complètement désuètes, ces écoles donnent aux enfants autistes des médicaments et des calmants", alors que son mari rappelle que l'autisme n'est pas une maladie psychiatrique. "Les médias ont un rôle à jouer.
Il faut sensibiliser autour de cette question. Il y a un réel danger pour les enfants autistes. Beaucoup de personnes sont induites en erreur. Il faut inculquer la différence. Quand on cultive la différence, on apprend la tolérance. Et c'est déjà le début de la solution", affirme le médecin.

Reportage réalisé par : KARIM BENAMAR


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