L'éternisation des discussions autour du choix des membres du futur gouvernement unifié menace le processus politique en cours, avertit l'ONU. Les 75 participants au Forum de dialogue inter-libyen de Tunis n'arrivent toujours pas à s'entendre sur les noms des futurs membres du gouvernement unifié, malgré l'urgence de la situation et les pressions de l'ONU, après une deuxième séance de travail par visioconférence mercredi. Dans une allocution au ton virulent, l'émissaire par intérim de l'ONU, Stephanie Williams, a dénoncé une partie de la classe libyenne qu'elle accuse de bloquer le processus politique, laissant la porte ouverte à toutes les ingérences politiques et militaires étrangères. "Alors qu'il y a beaucoup de tourisme politique à destination de différents pays et capitales, la population générale des Libyens souffre en l'absence de signes d'amélioration de leurs conditions", a lancé la diplomate américaine à l'adresse des participants à ce forum de dialogue, leur rappelant "d'ici un mois, exactement en janvier 2021, 1,3 million de Libyens, vos citoyens, auront besoin d'une aide humanitaire", selon les prévisions de l'ONU. "Il y a des acteurs étrangers qui agissent en toute impunité. Il y a des acteurs locaux qui se livrent à une corruption endémique et à des abus de position pour obtenir des avantages personnels, et il y a une mauvaise gestion dans l'Etat, tandis que le manque de responsabilité et les problèmes de droits de l'homme augmentent quotidiennement, alors que nous recevons des rapports d'enlèvements, de détentions arbitraires et d'assassinats par des formations armées à travers le pays", a-t-elle ajouté, soulignant qu'elle sait que "nombreux sont ceux qui pensent que ce dialogue ne concerne que le partage du pouvoir, mais en fait il s'agit de partager la responsabilité pour le bien des générations futures". Lors de la rencontre directe de Tunis, du 9 au 14 novembre, les 75 délégués libyens ont pu s'entendre sur une nouvelle feuille de route pour la tenue des élections fin décembre 2021. Ces élections constituent l'aboutissement d'une première phase de sortie de crise qui doit passer par la mise en place d'un nouveau Conseil présidentiel et d'un gouvernement unifié. Mais les délégués libyens sont contre l'exclusion des figures ayant déjà assumé des hautes fonctions au sein des institutions libyennes depuis 2014. "Nous avons parcouru un long chemin en Tunisie, où nous avons fixé une date pour les élections. Il est impératif que toutes les institutions chargées de la conduite des élections soient tenues responsables", a noté Mme Williams, expliquant toutefois qu'"il y a aussi une crise de gouvernance" qui ne peut être réglée autrement que par la voie du dialogue politique. "Je vous demande, dans les discussions d'aujourd'hui, d'aller de l'avant, parce que, je le dis et le répète : le temps n'est pas de votre côté", a-t-elle conclu. Or les Libyens, déjà en désaccord avec le choix de l'ONU des 75 délégués, sont aussi divisés sur le texte de la future Constitution et le partage des autres postes au sein des institutions de souveraineté (banque centrale, compagnie nationale du pétrole, etc.). Les divergences des intérêts des uns et des autres, ajoutées aux ingérences étrangères, ne sont pas pour appuyer le processus onusien qui propose une solution libyenne-libyenne, après l'échec de toutes les tentatives de médiations internationales, dont certaines n'ont fait qu'aggraver la crise et le conflit armé en Libye.