Les avocats de la défense ont décidé de faire appel du jugement autant sur le fond que sur la forme. "Double peine" pour Karim Tabbou. Jugé une seconde fois par le tribunal de Koléa (ouest d'Alger) pour des déclarations tenues en mai 2019, Karim Tabbou, militant politique et figure emblématique du mouvement populaire, a écopé d'une peine d'une année de prison avec sursis assortie d'une amende de 100 000 DA. Si elle a abandonné les poursuites sur la base de l'article 74 du code pénal et qui portent sur "l'atteinte le moral de l'armée", la juge a, en revanche, retenu contre lui les faits cités dans l'article 79 du code pénal et qui portent sur l'"atteinte à l'unité nationale". Dans ce cadre, la juge a estimé, lors du prononcé du verdict, que le militant avait tenu "un discours incitant à la violence". Les avocats de la défense ont aussitôt décidé de faire appel du jugement autant sur le fond que sur la forme. Dans la forme, "le procès aurait dû être annulé", rappelle Hakim Saheb, un des avocats du collectif de défense de l'homme politique. Le juriste s'appuie sur l'article 1-alinéa 3 du code de procédure pénale, lequel interdit à la justice de juger et de condamner un judiciable deux fois pour les mêmes faits. Or, Karim Tabbou a déjà été condamné, une première fois, pour les mêmes faits par le tribunal de Sidi M'hamed, puis en appel par la cour d'Alger. Mais comme il a été arrêté deux fois pour les mêmes faits, la juge près le tribunal de Koléa n'a pas répondu à l'appel de la défense, soutenu par le procureur de la République, de fermer le dossier au sein de sa juridiction étant donné qu'il a été jugé ailleurs. "Cela nous laisse perplexes", s'étonne Me Hakim Saheb, qui rappelle qu'il s'agit là encore d'une violation de la loi. Dans le fond, la défense de Karim Tabbou dénonce une "judiciarisation de l'action politique". "Même si la peine prononcée est un sursis, cela reste une condamnation", dénonce l'avocat. Et au-delà, cette condamnation constitue une "judiciarisation de la vie politique". "Il s'agit d'un processus de pénalisation de la vie politique qui est enclenché", soutient l'avocat et pour qui la justice met la classe politique "devant un fait accompli" en se donnant "le pouvoir de pénaliser les actes et les déclarations politiques". Selon lui, les hommes et femmes politiques sont désormais "tenus par des actes politiques" et "la justice est utilisée pour faire taire les opposants". "C'est un procès de type stalinien". Or, paraphrasant Albert Camus, "il n'y a pas de liberté sans justice, et les deux sont intimement liées", dit-il. Arrêté une première fois en septembre 2019, Karim Tabbou avait été libéré, provisoirement, par la chambre d'accusation de la cour de Tipasa le 25 septembre de la même année. Mais à la grande surprise, l'homme sera arrêté, deux jours plus tard, devant chez lui et ses enfants, et poursuivi pour les mêmes faits. Conduit au tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, il se voit confronté à un autre dossier ouvert contre lui, mais pratiquement pour les mêmes faits qui lui étaient reprochés par le tribunal de Koléa, dont dépend son lieu de résidence. Condamné à deux ans de prison dont six mois fermes, il devait quitter le pénitencier le 26 mars dernier. Mais deux jours plus tôt, il a dû comparaître en appel à la cour d'Alger, à l'insu de ses avocats et alors qu'il était pris d'un malaise, laquelle cour le condamnera à une année de prison ferme. Il a été finalement libéré le 2 juillet dernier par la même cour de justice pour "vice de forme" avant même de purger la totalité de sa peine. Son dossier est en appel au niveau de la Cour suprême, qui n'a toujours pas notifié sa décision.