Avec la pandémie de coronavirus, qui a imposé des restrictions sanitaires, les Soudanais ont renoué avec les premières formes de lutte qui a mené à la chute de l'ancien régime de Omar al-Bachir en 2019. Une série de manifestations et d'actions politiques nocturnes est prévue pour cette semaine au Soudan, après la reprise de la contestation populaire le 19 décembre, qui a coïncidé avec le deuxième anniversaire d'une révolution aux acquis très fragiles. Exaspérés par les errements des autorités de transition et la volonté manifeste des militaires de reprendre le contrôle du pouvoir par la force, les Soudanais ont décidé de réoccuper l'espace public, malgré la pandémie de coronavirus, en revenant aux premières formes de mobilisation, c'est-à-dire en organisant des manifestations et des conférences politiques nocturnes au niveau des quartiers et à travers l'ensemble du pays. Après une première action réussie la semaine dernière, l'Association des professionnels soudanais, à l'origine de la révolte populaire fin 2018, a appelé à une première marche nocturne dès ce soir, dans chaque quartier de la capitale Khartoum et des autres villes du pays. Deux autres actions sont prévues durant cette semaine : des conférences-débats pour mardi et encore des marches nocturnes suivies de conférences politiques jeudi. Ce mode de mobilisation a permis au mouvement de contestation de se maintenir depuis la mise en place des autorités de transition, conjointement dirigées par les militaires et des civils depuis août 2019. Mais aujourd'hui, le but de cette nouvelle mobilisation est de dénoncer les agissements des forces paramilitaires qui agissent en toute impunité, depuis quelques mois, contre certaines figures de l'opposition et militants de la société civile, allant des arrestations arbitraires aux disparitions forcées. Ces atrocités sont l'œuvre des Janjawid, cette milice paramilitaire héritée de l'ancien régime du président déchu Omar al-Bachir et qui est également au cœur de nombreux massacres au Darfour. Cela, sans compter son implication dans le conflit libyen, où des centaines de ses éléments sont allés combattre au sein des forces dirigées par le controversé général Khalifa Haftar. Ces Janjawid disposent aussi de centres de détention secrets que l'Association des professionnels soudanais dénonce, exigeant des autorités de transition d'agir pour leur fermeture. Le personnel politique à la tête des autorités de transition n'est pas en reste dans cette colère qui monte progressivement à travers tout le Soudan. Il est ouvertement accusé de servir des intérêts personnels et d'œuvrer en faveur du statu quo. "L'autorité de transition et ses structures insistent toujours pour ne pas tenir compte des mérites et des exigences de la révolution, naviguant à contre-courant des aspirations des masses et de leurs aspirations au changement radical", dénonce un communiqué de cette association, rendu public en fin de semaine. La situation économique explosive que vit le Soudan sert également de carburant à une révolution qui retrouve un second souffle.