À la résidence universitaire de filles Ouled Fayet III dans la banlieue sud-ouest d'Alger, les étudiantes sont encore sous le choc. Au lendemain de l'incendie qui s'est déclaré vendredi vers 19h20 au quatrième étage du pavillon K, le désarroi se lisait encore sur le visage de certaines résidentes. "Les résidentes, prises de panique ont dû sortir de leurs chambres et tâtonner dans le noir au milieu de la fumée toxique", témoigne à Liberté une technicienne de surface rencontrée au seuil de la porte de la résidence. Meriem, étudiante en 2e année en histoire-géographie à Bouzaréah, était également à l'intérieur de la résidence lorsque le sinistre s'est déclaré. "Nous étions au réfectoire quand nous avons entendu du bruit faisant penser que la chambre prenait feu. On ne nous a pas laissées entrer pour voir", dit-elle. "C'est la première fois qu'un incendie d'une telle ampleur survient dans cette cité", se souvient-elle encore. Ghizlène et Hanane, venues de Relizane et qui sont en deuxième année à l'ENS de Bouzaréah, ont vécu l'épouvante. "J'étais au pavillon K, dans l'immeuble où il y a eu le feu, dans la chambre de ma copine qui dormait. Maintenant elle est sous le choc ; elle s'est affolée et dès qu'elle se rappelle ce qui s'est passé, elle fond en larmes. D'ailleurs je suis sortie lui acheter du Calcibronat pour la calmerr", raconte Ghizlène. Elle soutient que c'est une résistance qui serait à l'origine de l'incident. "C'est la chambre 101 qui a pris feu à cause de la résistance électrique chauffante que l'étudiante a oublié de débrancher. Tous ses vêtements ont brûlé. Il ne lui reste plus rien. Elle a tout perdu. Heureusement que les pompiers sont arrivés à temps !". Quant à Hanane, elle pense que c'est l'usage des extincteurs installés récemment après le décès de la jeune fille de Tiaret qui a pu limiter "les dégâts, car cela aurait pu être pire". Traumatisées pour la plupart, les étudiantes confient avoir vécu "une vive terreur, entre cris et affolements des résidentes". "La situation était cahotique". Ces incidents à répétition, conjugués aux conditions difficiles d'hébergement, ne manquent pas d'influer négativement sur leur cursus. Questionnées sur les conditions de vie que ces étudiantes mènent, Hanane répond : "Nous vivons dans la misère et l'on exige de nous de bons résultats. Comment voulez-vous que l'on étudie ?". "Hier, je comptais réviser, mais après l'incident je n'ai rien pu faire. Cette semaine j'ai trois examens et je ne sais comment m'y prendre." Mais il n'y a pas que les étudiantes qui ont vécu le calvaire. Un agent, rencontré sur place relate sa version des faits. "Alors que je travaillais au foyer, on nous a dit que la chambre d'une résidente a pris feu. D'après ce qu'on m'a dit, son lit a été carbonisé sans qu'elle puisse maîtriser le feu. Les agents sont intervenus. En vain. Il aura fallu l'intervention des éléments de la Protection civile", assure-t-il. Selon lui, "si les étudiantes recourent à des résistances électriques, c'est parce que les chauffages ne fonctionnent pas et que la nourriture servie au réfectoire est mauvaise". "Elles sont en train de souffrir, elles sont obligées de cuisiner à l'intérieur des chambres et elles préfèrent manger tous les jours des œufs plutôt que d'aller au foyer. Je travaille à l'intérieur et je sais ce que je dis", ajoute-t-il presque médusé. Témoin des conditions déplorables dans les cités U, cet incendie intervient quelques jours après la mort de Nacéra Bekkouche, une jeune étudiante de Tiaret, à la cité universitaire pour filles d'Ouled Fayet II (Alger), suite à l'explosion d'une bouteille de gaz. Sa mort avait déclenché émotion et colère parmi ses condisciples qui fustigent la dégradation des conditions de vie dans les campus algériens.