Le principal opposant sénégalais Ousmane Sonko, dont l'arrestation a provoqué des troubles dans son pays, a été inculpé hier dans l'affaire de viols dont l'accuse une jeune femme, mais le juge a ordonné de le relâcher sous contrôle judiciaire, ont dit ses avocats. Le gouvernement sénégalais a déployé un fort dispositif sécuritaire dans la capitale Dakar, en prévision de manifestations annoncées et de la présentation à un juge de l'opposant Ousmane Sonko. Les abords du tribunal ont été bouclés et des véhicules blindés positionnés à proximité, selon les médias. D'autres blindés de l'armée ont été disposés à l'entrée d'un quartier populaire, théâtre d'affrontements la semaine passée. L'arrestation, le 3 mars, de l'opposant Ousmane Sonko a provoqué la semaine passée trois jours de heurts entre jeunes et forces de l'ordre, des pillages et de saccages dans ce pays de 16 millions d'habitants. Au moins cinq personnes ont trouvé la mort, la presse avançant des chiffres plus élevés mais difficilement vérifiables. M. Sonko, arrivé troisième à la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024, a été arrêté pour "trouble à l'ordre public" alors qu'il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué afin d'y répondre pour des accusations de viol. Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président lui-même pour l'écarter de la prochaine présidentielle. M. Sall a démenti les incriminations de M. Sonko fin février. Confronté à des choix délicats entre indépendance proclamée de la justice, pression de la rue et conséquences politiques du sort de M. Sonko, il a depuis gardé le silence en public sur l'affaire. La garde à vue de M. Sonko a été levée dimanche dans le dossier de trouble à l'ordre public. Mais il est resté entre les mains des autorités en vertu du mandat d'amener délivré contre lui dans l'affaire de viols présumés. Le collectif Mouvement de défense de la démocratie (M2D), comprenant le parti de l'opposant, des formations d'opposition et des organisations contestataires de la société civile, a appelé "à descendre massivement dans les rues" à partir de lundi et pendant trois jours. La tension fait craindre une nouvelle escalade et l'activité était considérablement ralentie à l'aube dans la capitale visiblement inquiète. Les autorités ont suspendu l'école pendant une semaine pour "protéger" les enfants et les enseignants. L'arrestation de M. Sonko a non seulement provoqué la colère de ses partisans. Elle a aussi, disent de nombreux Sénégalais, porté à son comble l'exaspération accumulée par la dégradation, au moins depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, des conditions de vie dans un pays déjà pauvre. Les ambassades de l'Union européenne et de ses Etats membres, mais aussi des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de la Suisse, du Japon et de la Corée du Sud ont appelé à "une restauration pacifique du calme et du dialogue". Les Etats d'Afrique de l'Ouest ont exhorté "au calme et à la retenue".