Glissement de terrain à Oran: relogement de 182 familles sinistrées à Misserghine    Tribunal de Souk Ahras: un accusé placé en détention provisoire pour délit de vente de produits avariés et abattage clandestin    "Les bases arrières de la révolution algérienne ", thème d'un colloque international à Souk Ahras    Rekhroukh s'enquiert du chantier de réhabilitation d'un tronçon de la RN-52 reliant Adrar et In-Salah    Le président de la République félicite la championne olympique Kaylia Nemour pour sa médaille d'or décrochée au Caire    Glissement de terrain à Oran : le président de la République présente ses condoléances à la famille des victimes    El Bayadh : les corps des moudjahidine Sekkoum Laid et Besseddik Ahmed inhumés    Boughali souligne la nécessité de sensibiliser les jeunes générations aux droits des peuples    CRA : Hamlaoui examine avec l'ambassadrice de Norvège les moyens de soutenir l'action humanitaire et solidaire bilatérale    Meziane appelle les médias arabes à œuvrer pour davantage de rapprochement interarabe    PME: la Finalep prévoit en 2025 des cessions de ses participations via la Bourse    L'Algérie et le Zimbabwe disposent de plusieurs opportunités de coopération    CHAN 2025/Gambie-Algérie: Bougherra dévoile une liste de 26 joueurs    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 52.243 martyrs et 117.639 blessés    Agression sioniste: les enfants meurent de faim à Ghaza    Gymnastique artistique/Coupe du monde: Kaylia Nemour qualifiée en finales de la poutre et du sol    Jijel: arrivée au port de Djen Djen d'un navire chargé de plus de 10.000 têtes d'ovins en provenance de Roumanie    Projection à Alger du documentaire "Zinet Alger : Le bonheur" de Mohamed Latrèche    Le temps des regrets risque de faire encore mal en cette fin de saison    Exploit de Sundows qui élimine Al Ahly et se qualifie en finale    Quand les abus menacent la paix mondiale    Israël fait sa loi…!    Le Polisario fait entendre sa voix à Bruxelles et exige la libération des prisonniers détenus par le Makhzen    Projection à Alger de ''La Saoura, un trésor naturel et culturel''    L'inévitabilité de la numérisation de la zakat pour établir la transparence    Une ville à la traîne…    Sept produits contenant du porc illégalement certifiés halal    Pour bénéficier des technologies de pointe développées dans le domaine de l'hydrogène vert    Quand les constructions inachevées dénaturent le paysage    Des rencontres, du suspense et du spectacle    Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    Un art ancestral transmis à travers les générations    Condoléances du président de la République à la famille de la défunte    Les tombeaux royaux de Numidie proposés au classement ''dès l'année prochaine''    Un programme sportif suspendu    «Construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie»    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La dinde de tous les dangers
Elle est commercialisée dans des conditions d'hygiène déplorables
Publié dans Liberté le 24 - 10 - 2005

Malgré la menace, en cette période de grippe aviaire, des clients viennent de partout, attirés par des prix accessibles. Cette activité semble échapper au contrôle des services concernés.
Situé à quelques kilomètres de la ville de Douaouda, commune dont elle relève, Magtâa Kheira, lieu-dit à une quarantaine de kilomètres à l'ouest d'Alger, sort comme par enchantement du néant sur la route menant à Blida. Les odeurs nauséabondes que vous sentirez à l'approche du lieu annoncent immanquablement que nous approchons ici de la “bourse de la dinde”.
Des étals de fortune gérés par de jeunes commerçants, qui ne disposent d'aucun titre, proposent aux clients de la chair de dinde à des prix défiant toute concurrence. Les acheteurs alléchés par les prix attractifs affluent de toutes les wilayas limitrophes. “C'est la première fois que je viens. Des amis m'ont parlé de cet endroit. Je constate que les prix sont à la portée de tout le monde”, affirme un client rencontré sur les lieux. Les commerçants proposent, en effet, l'escalope non désossée à 220 DA le kilogramme et 340 DA le kilogramme de la même pièce, mais désossée cette fois. La cuisse coûte 180 DA le kilo.
Enfin, une dinde complète est cédée, selon son poids, à 150 DA le kilogramme. Les étals ne sont pas bien achalandés, et cela est dû aux rares descentes de gendarmes qui viennent traquer les animateurs de ce commerce illicite et surtout dangereux en cette période de risque de grippe aviaire. Si les prix sont si attractifs, c'est que l'abattage des dindes se fait sur place et sans aucun contrôle. Assis sur un tapis de plumes qui couvrent un monticule surplombant les étals, des jeunes hommes, sales et ruisselants de sueur, s'acharnent à déplumer des dindes fraîchement égorgées.
Métier : déplumeur
Ces jeunes forçats se plaignent de leurs conditions de travail, mais ils affirment par ailleurs : “Que voulez-vous que l'on fasse ? Nous sommes au chômage et c'est le seul travail que nous avons trouvé.” Sans relever la tête, ils continuent sans relâche à déplumer les dindes. Ils se plaignent de la saleté et des odeurs : “L'APC ne fait rien pour transporter ces déchets vers la décharge publique.” Les “déplumeurs manuels”, dont certains ont des blessures apparentes, craignent pourtant la fin du Ramadhan : “Quelqu'un a promis de ramener une machine spéciale. Nous perdrons ainsi notre gagne-pain.” Ces derniers qui défendent leur métier ne gagnent pourtant que 150 DA par jour lorsque le patron a réalisé de gros bénéfices, sinon ils n'ont droit qu'à 100 DA la majorité du temps. Malgré ces salaires de misère, de jeunes adolescents acceptent cette corvée. Du matin au soir, ils sont assis sur un monticule de plumes. “Nous commençons le travail à 7 heures du matin et nous ne rentrons chez nous que vers 17 heures. Pendant le reste de l'année, les horaires de travail sont plus longs. Nous débutons la journée à 6h30 et nous ne rentrons chez nous que vers 20 heures. D'ailleurs, tous sont là par nécessité absolue, car tous issus des milieux les plus défavorisés de la région. Pensez-vous que si mon père pouvait travailler, je serais là sur ce tas de saleté ? Certes, je n'ai pas pu terminer mes études, mais au lieu de cette occupation indigne, j'aurais aimé suivre une formation professionnelle et acquérir un métier”, affirme un jeune homme toujours affairé à déplumer la dinde qu'il a entre les mains.
Grippe aviaire ?!
De toutes les manières, s'ils avaient poussé leurs études plus loin, ils auraient compris les risques qu'ils encourent en cette période précise. Justement, interrogés sur les dangers de la grippe aviaire, ils paraissent même étonnés, car selon ces “forçats” cette maladie ne toucherait que les hommes, mais pas les volailles. À côté de ce lieu recouvert de plumes, se trouve l'abattoir à ciel ouvert. En se coagulant, le sang prend une couleur tirant sur le noir, car mêlé aux abats invendables (viscères). De ce mélange se dégage une odeur tellement forte qu'elle attire les mouches de toute la région. Pourtant, dans ces conditions déplorables d'hygiène, le commerce de la dinde est des plus florissants. Les vendeurs guettent l'arrivée des clients et chacun va de son astuce ou de sa technique pour les attirer vers son étal. Tous les arguments appris par cœur sont alors récités pour convaincre les acheteurs potentiels. Les affaires vont bon train et semblent bénéfiques pour les vendeurs.
À chaque fois qu'ils ont besoin de marchandise, les étaliers envoient des dindes vivantes à leur abattoir. Cette situation fait l'affaire des éleveurs des alentours qui peuvent écouler leur produit sans avoir à se déplacer. Tous les jours, ils livrent les étaliers au flux tendu “selon les besoins”.
Complicité des autorités
Les commerçants estiment qu'ils attirent la clientèle car ils vendent à bas prix une viande de qualité et fraîche. La réalité est tout autre car aucun contrôle n'est pratiqué en ces lieux. “Croyez moi, je suis sidéré de découvrir de telles conditions. Pis, je me demande comment mon collègue a pu consommer la viande achetée ici ! Ce collègue médecin m'a même conseillé de faire un tour à Magtâa Kheira. Croyez-moi c'est un saut dans l'inconnu. Où sont les autorités ?” s'insurge un médecin d'Alger.
Ce dernier s'étonne, par ailleurs, d'une autre aberration qui prouve, selon lui, que les autorités sont complaisantes avec ces commerçants illégaux : “En garant ma voiture, j'ai constaté que de jeunes gardiens munis du badge de l'APC exigent 20 DA de droit de stationnement.” Evidemment, de jeunes gardiens, le badge accroché à la poitrine, sont là sur le parking, lui aussi improvisé. “Nous gardons les voitures ici, on nous a recrutés dans le cadre de l'emploi des jeunes”, estime un jeune gardien de voitures. Les gardiens tiennent à préciser que les 20 DA ne représentent que le droit de stationnement et qu'ils ne sont pas responsables des éventuels vols.
Les étaliers ne cessent de regarder la bâtisse en construction de l'autre côté de la route. En effet, sur ordre du wali en visite à Douaouda, la décision de réaliser un marché de dinde digne de ce nom a été prise. Les travaux entamés au début du mois d'avril 2005 sont toujours en cours. Au début du Ramadhan, les autorités ont invité les commerçants illégaux à rejoindre le nouveau marché aménagé. Les étaliers affirment avoir essayé d'occuper les nouveaux lieux, mais qu'ils ont dû fuir car le sol était recouvert de boue. “Les clients rebroussaient chemin dès qu'ils voyaient l'état du sol. Quelques heures après notre installation, nous sommes revenus à l'ancien marché”, affirme un étalier. Cette situation n'est pas faite pour satisfaire les membres de l'APC de Douaouda qui estiment que le nouveau marché réglera définitivement le problème. “Nous réaliserons le marché avec toutes les commodités indispensables à un tel commerce. Les abattages seront contrôlés par un vétérinaire. Dès que la construction de la chambre froide sera terminée, nous régulariserons les commerçants qui seront eux aussi contrôlés”, affirme M. Touati, premier vice-président de l'APC de Douaouda.
Concurrence déloyale
Cette assertion des membres de l'APC ne convainc pas les commerçants déclarés de Koléa et de Douaouda qui ne comprennent pas comment la dinde peut coûter aussi moins cher à M'gtâa Kheira.
Les marchands de volaille du centre-ville proposent la dinde à 480 DA le kilogramme d'escalope désossée. “À ce prix, ma marge bénéficiaire est minime. Quand il n'y a pas de contrôle, on peut égorger des bêtes malades. Les éleveurs ne vendent que les bêtes malades au profit des marchants illégaux”, affirme un commerçant de Koléa. Un autre s'insurge contre les autorités qui se montrent impuissantes devant les acteurs du commerce illicite, mais qui accablent les vrais commerçants d'impôts. “En cas de problèmes de santé, on sait où sont les commerçants légaux, tel n'est pas le cas des vendeurs de Magtâa Kheira”, déclare un autre marchand de volaille.
Un vétérinaire affirme, pour sa part, que vu le risque de grippe aviaire, les autorités doivent exiger la traçabilité de toutes les marchandises : “Le commerce de volaille doit se faire en toute transparence et toutes les transactions garanties par des factures. Les marchands de volaille au détail devront, eux aussi, délivrer des tickets de caisse comportant tous les renseignements sur l'origine de la volaille.”
Malgré tous les dangers que représente le commerce illicite de la chair de volaille en cette période où tous les pays du monde font tout pour se prémunir de l'apparition de grippe aviaire, chez eux, à Douaouda on autorise encore un commerce dangereux.
S. I.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.