Mali: des partis politiques appellent à la mobilisation contre leur dissolution et pour "sauver la liberté et la démocratie"    Massacres du 8 mai 1945: une autre empreinte dans le registre des crimes du colonisateur français en Algérie    Le Calife général de la Tariqa Tidjania, cheikh Ali Belarabi, accomplit la prière du vendredi à Ouagadougou    Oran : Mise en service de l'EPH d'El Kerma de 60 lits    Touggourt : quatre morts et un blessé dans un accident de la route à El-Hadjira    La chaîne Echorouk News TV suspendue pour 10 jours suite à la diffusion d'un terme à caractère raciste sur Facebook    Le blocus sioniste imposé à Ghaza tue chaque jour davantage d'enfants et de femmes    Comité exécutif de l'UIPA: le soutien au peuple palestinien, un engagement ferme mû par les principes de libération et de justice    L'Algérie et le Ghana insistent sur le principe de solutions communes aux problèmes africains et de règlements négociés pour résoudre les conflits    Journée mondiale de la liberté de la presse: nouveaux rôles pour les médias nationaux face aux défis actuels et aux enjeux futurs    CHAN 2024: la sélection algérienne A' à pied d'œuvre à Banjul    Ligue 2 amateur: beau duel pour l'accession entre le MB Rouissat et l'USM El Harrach    Athlétisme/Championnat arabe (2e j): 17 nouvelles médailles pour l'Algérie    Le Calife général de la Tariqa Tidjania, Cheikh Ali Belarabi entame une visite au Burkina Faso    Moutons de l'Aïd importés: lancement de l'opération de vente la semaine prochaine dans toutes les wilayas    Fête du Travail à l'ouest du pays: activités variées et hommages aux travailleurs et aux retraités    Les marchandises usagées importées appartenant à l'Etat exonérées des droits et taxes    Rebiga assiste à "Hô Chi Minh-Ville", à un défilé commémorant le 50e anniversaire de la libération du Sud Vietnam    Poursuite du stage à Sidi Moussa avec l'intégration des joueurs du CSC    L'Algérie clôture sa participation avec un total de 21 médailles    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Domination de la sphère informelle et écart croissant entre le cours du dinar sur le marché parallèle et celui du cours officiel : quelles solutions ?    Le projet de loi présenté à l'APN    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Le championnat national de football se met à jour    Présentation à Alger des projets associatifs    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Les renégats du Hirak de la discorde    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un pays qui a trois langues, mais qui est intraduisible
L'Autre Algérie
Publié dans Liberté le 28 - 10 - 2021


Par : Kamel DAOUD
ECRIVAIN
Comment expliquer l'Algérie à un étranger, c'est-à-dire pas un Français ? Ailleurs, sous le ciel gris de Londres, le ciel natal est déjà une monnaie étrangère, la guerre de Libération imaginaire est un monologue face à des tombes et l'histoire algérienne est peu intéressante, ou peu déchiffrable, à côté de son film éponyme La Bataille d'Alger.
Il ne s'agit pas de parler à Paris, seule capitale où le Maghreb est une réussite, ni de la France qui est la moitié de l'histoire algérienne. Non, il s'agit du reste du monde, de l'Asie, de l'empire britannique, des Etats-Unis, de la Bolivie ou de la terre de feu. Là où l'effet hélium du nationalisme algérien n'arrive pas et là où ils ne savant pas que "nous sommes le plus grand pays au monde, la plus grande guerre de l'histoire de l'humanité et les plus grands lutteurs de la démocratie pour la démocratie".
Non. Juste des terres étrangères à nos ego et nous sommes amenés à expliquer un peu ce que nous faisons, qui sommes-nous après nos pères et que font nos mains dans le monde et si nous avons une autre histoire que "la Bataille d'Alger". C'est alors que les mots manquent. Comment expliquer, en effet, les nuances ? Comment expliquer que le Régime c'est la moitié du peuple, l'opposition la moitié du régime, les islamistes les trois quarts de Dieu ? Comment rendre compte d'une réalité si triste qu'on la fuit en chaloupe, mais que les chaloupes ne fuient pas la faim et que la mer, on aime la parcourir, mais pas nager dedans, que c'est lié à la religion, au paradis et à l'envie de vivre sans laisser vivre les autres ? D'ailleurs, comment expliquer le stationnement en troisième position à un anglais ? Le sens de ce geste qui remonte au désert et à l'ingouvernabilité khaldounienne ? Comment expliquer la métaphysique du café et la survie à la guerre civile par une paix militaire ? Que les montagnes sont faites pour la guerre et pas pour entrer dans un ciel ? Que la haine de la France est une haine de soi, mais avec un autre drapeau ? Ou que l'arabisation est une vengeance de l'incompétence amoureuse ? Que le Hirak qui était une marche est devenu une course pour certains ? Ou que la passion pour la guerre est le seul rêve de liberté connu ? Ou que l'amour de la mère, c'est pour mieux détester la femme ? Ou que le sens du mot Harki va dans tous les sens ? Comment expliquer la contradiction entre l'arabisation d'un ministre du Sport avec une équipe de foot aimée et francophone ? Que dire quand la beauté est réservé à la mémoire, pas au visage ? Que dire du chant qui se cache ? Comment raconter, à Tokyo, l'envie algérienne de faire la guerre au Maroc pour libérer la Palestine en marchant sur la lune et vers La Mecque ? Comment nuancer l'exil en exils ? Que de questions.
Ailleurs, lorsque la terre commence à se courber comme une selle parce qu'on a tellement voyagé, le pays algérien devient une fourrure de fauve, un livre aux pages manquantes, une langue perforée par le manque de synonymes, une histoire personnelle, une gêne, une tente que le vent attaque ou une mère que la terre leste de tout son poids mortel. Je cède. C'est toujours difficile de raconter l'Algérie en dehors de ses guerres.
On peine, on en appelle aux écrivains et aux chants, mais si loin de chez soi, c'est chose difficile de faire revivre cette histoire. On n'a pas d'images au présent, pas de récit, ni un autre film. Un ministre des AE, flatté de toutes parts, ne suffit pas. Il n'y a pas de touristes chez nous et on visite rarement le reste du monde. Pour le reste du monde, nous sommes un film et une guerre.
Et pour nous, le reste du monde c'est des Français, des juifs, des Marocains ou les trois à la fois en un seul vis-à-vis qu'on veut combattre. Et la poésie de la mer ? Le Sahara qui est un ciel tombé par terre ? Timgad ? Tipasa ? Les Romains qui, chez nous, n'arrivent plus à mourir ? Ce sont des endroits situés en Tunisie. Et nos exilés ? Ne peuvent-ils pas nous raconter sans nous médire ? On en a presque pas. Tous vivent en une Algérie sous forme d'un pays, d'un quartier, d'une aigreur ou d'un refus ou de la préparation d'une enterrement après rapatriement ou même avant. À la fin ? Parler à des étrangers d'une terre encore plus étrangère et si familière cependant, mais avec les images de sa propre vie.
Personnellement, à Londres, je me suis souvenu surtout que les cigognes y étaient impossibles. Dans les rues, j'y ai vu des enfants qui partaient aux musées ces premiers jours de vacances. Des arbres très hauts veillaient sur des passants et de grands jardins s'interposaient entres les pierres. Voilà pour Londres.
Et pour l'Algérie ? On peut raconter l'Algérie ailleurs, mais il y faudrait plusieurs langues rares, des heures. Sinon, il suffit de rediffuser La Bataille d'Alger. Un film avec 44 millions d'acteurs. D'ailleurs, à chaque fois, dans la salle d'une conférence que je donne, un Algérien se lève pour me contredire et se contredire en même temps. En mode algérien. J'en ai rencontré même un à Fukuoka un jour. Il était assis derrière 345 Japonais. Depuis, c'est une habitude entre moi et l'infini.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.