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Dans les banlieues en flammes
10e nuit d'émeutes en France
Publié dans Liberté le 07 - 11 - 2005

Face à l'aggravation des émeutes secouant depuis une dizaine de jours les banlieues, le président français Jacques Chirac a réuni, hier soir, un conseil de sécurité pour étudier la situation. Des écoles, des commerces et près de 1 300 véhicules ont été brûlés dans la nuit de samedi à dimanche. Notre reporter s'est rendu, hier, dans l'une des banlieues en proie aux manifestations.
On s'attendait à entendre “ayawah !”, le cri de guerre des émeutiers kabyles, dès la nuit tombée sur la banlieue rouge de Paris. Même méthodes, même effets.
Les villes du neuf-trois (93-Seine-Saint-Denis) éparpillées sur les flancs droit et gauche de l'autoroute A66 sont en flammes depuis le 27 octobre. Elles ont vite donné le ton de la révolte à leurs voisines et néanmoins jumelles de la grande ceinture parisienne.
Nul, à l'exception de ceux qui avaient encore à la mémoire l'horrible sentence “nettoyer au karcher” prononcée par Sarkozy aux “4 000” de la Courneuve n'aurait osé imaginer que les premiers foyers allumés dans l'enclave de Clichy-sous-Bois allaient vite muer en un immense incendie. La France entière est désormais contaminée, attaquée par les flammes de la colère. Si les matches entre la République et ceux que Sarkozy a traité de “racaille” (c'est ainsi qu'ils se nomment eux-mêmes, soit dit) se jouent en nocturne, la misère, elle, s'étale au grand jour au milieu des barres des banlieues. Les boîtes aux lettres des citoyens du quart-monde français n'en peuvent plus de crouler sous les rappels angoissants des créanciers. 20% de la population de Seine-Saint-Denis est au chômage, soit le double de la moyenne nationale. Ceux qui y travaillent ne sont pas mieux lotis que les désœuvrés. Leurs revenus suffisent à peine à honorer les factures et le coût des courses dans les discounts. Les vacances et autres loisirs, le peuple des ghettos les vivent à la télévision et sur les images provocantes de cocotiers qu'on vient afficher au bas de leurs immeubles.
Lorsqu'un habitant de Stains, de la Courneuve, de Pierreffite ou de Aulnay-sous-Bois se rend au centre de Paris pour une affaire quelconque, il dit : “Aujourd'hui, j'ai fait un tour en France.” Le tramway qui va de la gare de Saint-Denis à Noisy-le-Sec est une véritable tour de Babel. Les rares Français “de souche” qui l'empruntent ont des allures d'orientalistes. C'est un corpus inégalable pour ethnologues en herbe. La France, toutes tendances politiques confondues, a laissé faire pendant trente ans.
Ça craquerait de toutes parts et depuis longtemps. Il y a eu, par le passé, plusieurs bavures, plusieurs alertes.
Il y a eu si peu de réponses. L'ostracisme dont ont été frappées les populations des banlieues françaises durant toutes ces années justifie-t-il la violence inouïe qui s'y propage ces jours-ci ? On attendra longtemps les explications. L'heure est aujourd'hui à la stupéfaction. Faussement affichée par les politiques, naïvement manifestée par les parents des incendiaires à peine sortis de leurs couches.
“Ça va péter ce soir”
Samir a quinze ans. Il ne connaît de la France que le puzzle des immeubles qui jalonnent le chemin du collège. Il rêve de devenir vétérinaire, une fois grand. Une fois sorti d'ici. Il est brillant à l'école. De son perchoir, au dixième étage d'une tour de la cité de la résistance (sic !) à Drancy, il voit tous les soirs la tour Eiffel scintiller. Si proche, si loin le rêve...
Jeudi 3 novembre, 21 heures, il accoste son papa : “Tout est éteint au bas de la cité !” jusque-là son territoire était épargné. Alors que ça grondait tout autour de son quartier, tout était quiet dans sa cité. Il pressentait que cela n'allait pas durer. Ce soir, il est sûr que ça va péter ici même. Le père est dubitatif. Il retourne à son fauteuil, sa télé… Dès que l'intrigue du film se noue, les premières explosions se font entendre. Toute la famille se précipite vers la fenêtre. Dix étages plus loin, le feu répond au feu, les flammes dansent au-dessus des berlines.
Le père tente le “18” : “Nous avons beaucoup d'appels, veuillez patienter, les pompiers vont vous répondre.” La litanie va durer longtemps. Inutile d'insister. Les services de sécurité sont au four et au moulin ce soir.
Un hélicoptère mouline dans le ciel pour désespérément localiser les groupes d'insurgés très mobiles. Déguisés. Emmitouflés sous les capuches virgulées de dieu Nike.
Les voisins sont déjà sur le parking, les uns pour extirper leurs véhicules avant une mort certaine, les autres pour égrener une prière de l'absent au-dessus de son rêve transformé en amas de ferraille calcinée.
La fumée monte, noire, dense, gluante à l'assaut des bâtiments, elle s'infiltre par les pores des murs, elle s'en va caresser les meubles récupérés dans les poubelles, les fleurs en plastiques, les fripes nichées dans les placards lépreux. La fumée va se coucher sur les lits de misère et dans les poumons des enfants ébahis.
La voiture de Leïla, — une érémiste de première génération— crame. C'est une vieille “Clio” qui permettait au mari de ramener la pitance de la famille qui agonise. Demain, l'homme sera au chômage. Le gardien de la cité, un Marocain, court dans tous les sens. Il a un extincteur à la main. En tout, il en a cinq à la maison. Insuffisant pour mouiller la colère des jeunes. On dit racaille. Salutaire tout de même pour éteindre le feu qui a commencé à manger le fourgon de Aziz, un artisan kabyle et néanmoins Drancéen qui habite le bâtiment.
Il est en survêtement et en rage. Sa femme est à ses côtés, en rage. Son gagne-pain a été bien rogné par le feu mais il est sauf. Karim, 14 ans, deux fois redoublant au collège Paul-Langevin de Drancy habite la même cage d'escalier que lui.
C'est lui qui a jeté le cocktail Molotov qui a mis le feu à la cabine de son camion.
Sous son camouflage de fortune, Aziz a décelé ses traits et sa haine. Il lui saute dessus et le tabasse. Le jeune ne peut expliquer son geste. Il n'a pas d'arguments. Où trouver les mots pour dire les avenirs pliés ?
“Guerre Ethnique”
Le jeune qui, quelques minutes auparavant, se sentait lion, entouré des siens et ceint de flacons remplis d'essence, n'est plus que peur...
Ainsi sont les jeunes qui rasent leur lit, ils foncent dans le mur. Sans guide. Aziz n'ira pas au bout de sa logique. Il voulait séquestrer la dizaine de jeunes qui ont pris la cité en otage dans les restes de son fourgon pour y mettre... le feu !
Les rares Français rescapés de la première fournée de locataires installés ici dans les années 60 osent quelques commentaires. “C'est quand même malheureux, on vivait bien ensemble. Ce n'est pas ces dégradations qui vont régler les problèmes du chômage. On est tous dans la masse. N'empêche on ne casse rien. La seule solution, c'est l'armée, le couvre-feu”. Les mots durs, crus sont dits. Insurrection. Révolte. Révolution. Guerre. Guérilla... Bagdad, Abidjan, Djennine, Caracas… Les ires se conjuguent et se rejoignent au cœur de la ville des lumières.
Paris n'avait pas besoin de cette curée. Elle aurait pu s'en passer si ses gouvernants ne s'étaient pas englués dans des querelles académiques. Chacun court après sa réforme.
Jean-Lounis Borloo est sûr qu'un plan de rénovation urbain ferait l'affaire.
C'est les têtes qu'il faut revoir. Faut-il parler cru ou attendre que tout soit cuit pour parler ?
Il n'y a pas si longtemps, Bobigny, St-Denis et surtout La Courneuve commémoraient le 17 Octobre 1961. Jour noir pour les Algériens des bidonvilles. Ils ont été jetés à la Seine pour avoir revendiqué pacifiquement l'indépendance de l'Algérie. 40 ans après, des hommes justes ont voulu rappeler à la France son devoir de mémoire. La date et les rencontres ont été festives.
Aujourd'hui Benna et Traoré sont morts à l'aube de l'adolescence. Ils sont nés ici, seuls leurs gènes viennent d'ailleurs. Une faute, semble-t-il. Une militante du MNR disait au micro d'une télé : “C'est la guerre. Il y a des groupes ethniques qui ont décidé de la faire aux Français.”
Le raccourci est trop facile. Aisé. Les pères et les mères des pyromanes de banlieue reconnaissent que leurs enfants ne sont pas des anges.
Ce père est retraité de Citroën à Aulney-sous-Bois : “Je sais que nos enfants sont dans une impasse. Ce ne sont cependant pas des méthodes pour réclamer des droits. Ils sont en train de mordre la main qui les nourrit. Ils détruisent les seuls lieux où ils existent. Pourquoi incendier des gymnases, des maisons de jeunes, des écoles primaires et maternelles, des bus ?”
La liste des lieux rasés est longue. Celle des questions aussi. Dans les cités, c'est la cacophonie. Qui a raison ? Qui a tort ? Personne n'arrive à avoir un avis tranché.
En bas d'une tour au croisement de plusieurs villes, un petit stade en tuf. Comme les politiques français, quatre jeunes jouent au cafouillage contre un petit gardien de but. Il y a là un petit rouquin, berbère d'origine bien sûr, qui fait des miracles avec une balle.
Ce soir il sera Dracula.
Comment peut-on être révolté à douze ans ? Question juste. Comment peut-on demander des papiers d'identité à un jeune de douze ans assis à l'entrée de sa cage d'escalier ? Ferme mais pas juste.
À la veille des évènements qui secouent la France, un commercial qui prenait des photos de Lam, à Epiney, a été lynché par trois jeunes.
Personne alors qu'il se trouvait rue de Marseille, à proximité d'un bar et d'un supermarché, n'est intervenu. Pas même sa femme et sa fille restées dans la voiture et qui ont assisté à sa mise à mort. Cela s'appelle de la lâcheté. C'est la résignation qui a tué ce père. Pas les poings.
La France qui a inventé “une industrie du recrutement” — au lieu de créer des postes de travail, elle crée des postes de recruteurs — est face à son destin.
Elle a une élite formidable qu'elle refuse d'écouter. Elle a fort à faire avec son cérumen.
Silence assourdissant des communistes qui ont donné son nom à la banlieue parisienne rouge.
Silence mortel des footballeurs français, les blancs-blacks-beurs, qui ont fait jouir la France en 1998.
Silence empoisonnant des artistes cathodiques diplomates de l'Unesco qui savent si bien voyager et si mal laisser leurs yeux se promener hors de leurs murs.
Hier soir, les jeunes sont revenus. Ils ont encore brûlé quelques voitures. Quelques poubelles, quelques écoles.
Ce matin, ils n'étaient pas là pour nous expliquer leurs projets. Ils n'aiment pas la lumière du jour.
Ils comptent environ trois mille véhicules partis en fumée, autant de chômeurs additionnés aux dix millions existants.
Des centaines d'édifices calcinés, autant d'interrogations posées. Les coulées d'essence sont dans Paris. La ville tremble.
Les politiques serrent les rangs. La langue de bois se meurt. Sept millions d'euros de dégâts. Ce n'est encore rien.
Sélim, cinq ans, a peur : “Je veux dormir avec maman. Les méchants sont en train de brûler les maisons en bas. J'ai peur.”
Combien ont eu peur, les enfants des Irakiens ?
Pendant que la France tressaute, dans leurs bureaux capitonnés, ses gouvernants s'interrogent, analysent et proposent.
Ils convoquent Azzouz Begag, un gentil, et Dalil Boubekeur, un inutile.
Serait-ce encore un coup des intégristes les “évènements” qui secouent la banlieue ? Les intégristes y sont chez eux. Ils frappent aux portes des appartements pour recruter. Les mairies leur prêtent des lieux pour faire du prosélytisme. Cela ne dérange pas Sarkozy. Il voit devant, il ne surveille pas ses arrières. Sélim dort.
Quel jour fera-t-il demain ?
M. O.


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