La pizzeria affichait complet. 12h30, et toutes les tables étaient prises. Nacéra tournait en rond, son plateau au bout des bras. Où va-t-elle donc s'asseoir ? Même les tabourets devant le bar étaient occupés par des couples qui mangeaient joyeusement. La jeune femme ne savait plus quoi faire. N'aurait-il pas mieux valu commander un sandwich et partir le manger au bureau. Elle continua tout de même son inspection. Au fond de la salle, trois tables étaient occupées par des jeunes bruyants qui se lançaient des boutades et riaient à gorge déployée. Plus loin, des filles, de jeunes étudiantes probablement, qui discutaient à haute voix en échangeant des points de vue sur un sujet que Nacéra identifiera comme philosophique. Le nirvana… ou… s'était-elle méprise ? Cela fait déjà plus de dix ans qu'elle a terminé ses études et elle n'est plus du tout sûre de ce qu'elle peut avancer sur le sujet. Son plat toujours entre les mains, elle se hasarda à avancer encore plus loin. Tiens, une table vide. Oh, elle n'est pas vide, puisqu'un homme était en train de manger, mais il y avait encore deux chaises vides auprès de lui. Attend-il quelqu'un ? N'en pouvant plus de tourner en rond, Nacéra s'approche de la table et demande poliment : - Vous attendez quelqu'un monsieur ? L'homme lève la tête et lui jette un coup d'œil avant d'ébaucher un sourire. - Non. Pourquoi cette question ? - Eh bien parce que je cherche, depuis une demi-heure, où m'asseoir. Ma pizza est déjà froide et je… - Mais je vous en prie, asseyez-vous donc mademoiselle. Je n'attends personne et j'ai presque terminé de manger. Si cela ne vous ennuie pas… - Cela ne m'ennuie pas monsieur, pourvu que je termine mon repas. Je dois reprendre le travail dans un quart d'heure. Nacéra tire la chaise et dépose son plat sur la table, avant d'ôter sa veste et s'asseoir. Ouf, quelle aubaine cette table du fond. Elle essuie ses couvercles et entame sa pizza royale. L'homme la regarde manger un moment, puis se hasarde à lui verser un verre d'eau. - Merci, murmure-t-elle entre deux bouchées. - Vous mangez vite et vous risquez d'avaler de travers. - C'est que je suis pressée. - Cela se comprend. Il y a toujours un monde fou à cette heure de la journée. Nacéra s'essuie la bouche et s'empare du verre d'eau qu'elle boit d'une seule traite. - Je vous en prie monsieur, terminez votre repas. je vous ai interrompu… et… - Ne vous en faites donc pas . J'ai terminé de manger, et si cela ne vous dérange pas, je vais allumer une cigarette. - Non cela ne me dérange pas. Vous n'avez donc pas remarqué toute la fumée dans la salle. Une cigarette de plus ou de moins… La jeune femme mâchait hâtivement et de temps à autre jetait un coup d'œil à sa montre-bracelet. Elle termine en dix minutes sa pizza, repousse son assiette et s'essuie les lèvres. Un parcours du combattant, lui fait remarquer le jeune homme. Y. H. (À suivre)