Après avoir fait tout au long de sa campagne électorale l'impasse sur sa politique étrangère, Sarkozy évoque, dans sa première déclaration de président de la République française, le sud de la Méditerranée. “Je veux lancer un appel à tous les peuples de la Méditerranée pour leur dire que c'est en Méditerranée que tout va se jouer, qu'il nous faut surmonter toutes les haines pour laisser place à un grand rêve de paix et à un grand rêve de civilisation. Je veux leur dire que le temps est venu de bâtir ensemble une union méditerranéenne qui sera un trait d'union entre l'Europe et l'Afrique. Ce qui a été fait pour l'union de l'Europe, il y a soixante ans, nous allons le faire aujourd'hui pour l'union de la Méditerranée.” Derrière ces formules sibyllines, c'est le cœur même de la politique étrangère de la France qui est rappelé par le nouveau président français. Les rives sud de la Méditerranée ont, en effet, constitué pour la France gaulliste et post-gaulliste le terrain de sa politique étrangère spécifique en ce sens qu'elle autonomisait de l'atlantisme, principalement des hégémonies américaines. Nul besoin de rappeler que c'est sur sa politique arabe que s'est forgée l'exception française dans le camp occidental. Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac ont, grosso modo, pratiqué la même politique dans cette région, ils auront tous su résister, après De Gaulle, au rouleau compresseur des Etats-Unis, même lorsque ces derniers seront parvenus à noyauter l'Union européenne. C'est pourquoi, la question n'est pas tant la remise en cause de cette politique que le rythme que lui imprimera le nouveau locataire de l'Elysée. Soit Sarkozy accélère une politique régionale déjà assez bien balisée dans tous les domaines : de la coopération et de l'association économique aux questions sécuritaires, avec en priorité la menace terroriste, qui souffle sur les deux rives de la Méditerranée. Soit il maintient les choses au stade minimal actuel, une situation, par ailleurs, dénoncée par l'ensemble de la majorité des pays fondateurs du processus euroméditerranéen lancé à Barcelone. À commencer par l'Algérie, qui n'a cessé d'exiger des Européens et de la France en particulier, un regard moins insidieux et plus en adéquation avec les problèmes et enjeux en partage. En effet, c'est la presse américaine qui le souligne, Sarkozy ne pourra pas balayer du revers de la main ce qu'il a hérité dans ce domaine de son prédécesseur Jacques Chirac avec lequel il partage la famille politique. L'Algérie a tenu à rappeler au nouveau dirigeant français ses promesses et engagements en tant qu'ex-ministre des Finances puis de l'Intérieur pour impulser les relations bilatérales et leur conférer l'ampleur et la profondeur que les deux riverains de la Méditerranée se sont assignées. Dans son message de félicitations, le président Abdelaziz Bouteflika a fait état de relations qui reposent sur des intérêts partagés mais surtout sur les liens tissés par une longue histoire commune, qui a laissé des traces profondes en chacun des peuples algérien et français. Même les Israéliens, qui voient en lui un vrai ami, disent percevoir un facilitateur dans la reprise des négociations de paix. Au Maghreb, si la Tunisie se dit convaincue que son élection allait permettre de bâtir un partenariat stratégique et solidaire en Méditerranée, au Maroc l'accent n'est mis que sur les relations privilégiées entretenues entre le Makhzen et l'Elysée. S'agit-il pour Rabat de sauvegarder le parapluie français dans le dossier du Sahara occidental ? Dans sa lettre de félicitations, Mohammed VI a insisté sur l'urgence à trouver des solutions à certaines crises persistantes dont l'acuité met en péril la stabilité, la sécurité et le développement de certaines régions ! La presse marocaine s'est, quant à elle, fendue en commentaires sur la convergence entre leur roi et Sarkozy, qui partagent au-delà de la vision moderniste, leur jeunesse. D. Bouatta