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Histoire et handicaps sémantiques
Relations algéro-françaises
Publié dans Liberté le 17 - 07 - 2007

La France vit douloureusement son passé colonial et de récents événements ont accentué l'ambiguïté d'un débat qui divise les anciens colonisés, les historiens et les politiques. À ce rythme, la guerre des mémoires aura encore de beaux jours devant elle.
Le Dr Mohamed Meziane, qui s'apprête à publier prochainement un livre intitulé “Algérie : Au bout des claviers… la société de l'information”, où il expose ses points de vue sur l'impact des Ntic sur l'émergence d'un nouvel ordre social en Algérie, nous autorise à publier quelques extraits de son ouvrage Communication, éthique et village planétaire, paru aux éditions Al Hikma, en 2006. Le travail de mémoire est devenu l'objet d'une question non seulement historique, mais plus largement politico-médiatique, lorsque il y a quelques années, les relations algéro-françaises ont connu une amélioration notable. Malgré la persistance d'une tension abstraite, liée aux vicissitudes de l'histoire, l'ouverture d'un débat constructif autour de la question, même en dents de scie, est en soi encourageante pour le respect des mémoires, condition sine qua non d'une relation stratégique, globale et stable entre l'Algérie et la France. Pour le docteur Meziane, “le présent est la fixation de l'histoire”. Dans ce livre, il développe une réflexion sur l'avenir non sans évoquer les embûches qui pourraient entraver la véritable relance.
Passé colonial, la guerre des mémoires
La France vit douloureusement son passé colonial et de récents événements ont accentué l'ambiguïté d'un débat qui divise les anciens colonisés, les historiens et les politiques. À ce rythme, la guerre des mémoires aura encore de beaux jours devant elle. Plutôt que d'un passé “oublié”, mieux vaudrait parler, s'agissant du passé colonial en Algérie et des exactions françaises, d'un passé méconnu.
Le débat au sujet du passé colonial semble ne pas intéresser les historiens. Pourtant, un tel débat peut fournir des clés utiles à l'explication des blocages qui empoisonnent le présent et le futur des deux pays. Dans cette réflexion, je n'ai pas, bien sûr, une telle prétention, mais je souhaite, en me fondant sur des exemples concrets, en déterminer les raisons des oublis et des silences, dans un contexte prêtant à toutes les polémiques et interprétations biaisées de l'histoire, mais aussi de comprendre comment la France a pu commettre un génocide avant et pendant la guerre d'Algérie, au mépris des valeurs universelles, dont elle était pourtant le porte-étendard en Europe.
Une mission d'extermination
Victor Hugo disait un jour qu'”on va garder l'Algérie parce que nous lui apporterons la civilisation”. Ce fameux slogan de la “mission civilisatrice” a longtemps fait les choux gras de la propagande coloniale, alors que les faits historiques montrent qu'il s'agit véritablement d'une “mission de colonisation”, qui s'est métamorphosée, dans bien des cas, en “mission d'extermination”, et ce, de l'aveu même d'historiens français, qu'il serait inutile de citer ici nommément.
Il n'en demeure pas moins qu'un débat objectif et serein est nécessaire pour analyser ces faits et apporter une évaluation, de ce passé, qui fait l'objet d'un mutisme, voire d'un complot de silence, dans l'autre rive. La colonisation a été un mal absolu, portant de grandes atteintes aux valeurs culturelles universelles. Les droits de l'homme ont été totalement bafoués, puisque la colonisation a commencé, juste après la capitulation du Dey Hossein, par un génocide à Alger et ses environs en 1830. Face à cette colonisation qui s'installe, la répression fut sanglante.
Certes, le devoir de mémoire nous impose de nous retourner vers ce passé douloureux, mais l'important, maintenant, c'est qu'il est inconcevable que l'Algérie qui a si profondément marqué l'héritage des peuples, en quête de décolonisation, reste, pour sa part, incapable de dépassionner ce blocage, voire de transcender ce malaise.
Et nous assistons, aujourd'hui, à un transport des mémoires dans la mesure où la colonisation s'est, entre-temps, déplacée à l'intérieur même de l'Hexagone, grâce notamment à la communauté algérienne qui porte en elle une mémoire brisée et traumatisée.
Au vu de plusieurs analyses, la question se pose de savoir comment les crimes de la France coloniale en sont progressivement venus à forcer l'espace public et à retrouver place dans la mémoire collective. À défaut de proposer une véritable explication de cette ré-émergence, nous retracerons ici les voies qu'elle a empruntées, loin des combats d'arrière-garde et des tentations annihilantes du millénarisme et du mimétisme.
Vidal-Naquet et la réémergence forcée du passé
Si, en 1972, Vidal-Naquet, un ami de l'Algérie, disparu récemment, avait déjà rappelé les massacres dans son livre La torture dans la République”, c'est à partir des années 1980 qu'ils acquièrent peu à peu une véritable publicité. Dominique Vidal a donné pour sa part l'exemple des massacres d'Algériens arrachés à l'oubli – Sétif 1945 — pour souligner l'importance du combat intellectuel visant à l'indispensable “réappropriation critique de l'histoire”.
En appeler aux historiens, comme le font certains en France, lorsqu'ils refusent d'accéder à l'exigence légitime de reconnaissance des crimes de la France coloniale, n'a donc rien d'innocent, lorsque les crimes et les massacres des Algériens, lors des évènements du 8 mai 1945 et du 17 octobre 1961, sélectivement lus par des historiens “patentés”, qui viennent en quelque sorte nier les faits en en proposant une interprétation inacceptable et quasi mensongère.
La réticence de certains en France à reconnaître le génocide en Algérie témoigne plus profondément de ce que l'histoire de la colonisation reste à revisiter. Car dans cette longue marche, les commémorations prennent parfois l'allure d'une introspection collective que l'on voudrait exorcisante et purificatrice face à cette période noire.
Aujourd'hui, notre passé est soumis à de nouvelles questions, qui touchent aux identités meurtries, aux mémoires brisées. Cette irruption pose avec acuité la question des enjeux de l'histoire, à l'heure où, peut-être plus que jamais, cet espace se trouve investi d'une demande forte.
Décoloniser les mémoires
Ce retour en force de la mémoire est caractérisé par un lien consubstantiel avec le présent au point de dominer l'espace politico-médiatique. Les débats sur le passé colonial sont des exemples frappants d'un véritable télescopage entre la mémoire et l'actualité, dans lequel les médias et les politiques dépassent et surpassent les historiens. Si l'on n'en croit certains milieux en France, la guerre d'Algérie serait encore un sujet tabou. D'où l'impérieuse nécessité de décoloniser les mémoires.
“Mais la mémoire vive de la guerre de Libération nationale ne saurait être réduite à une simple succession de batailles, aussi glorieuses fussent-elles.” (sic)
“Mémoires de ces passés qui ne passent pas : pareille efflorescence témoigne à quel point (nos) sociétés semblent craindre de perdre leur passé, bien plus que d'être submergées par lui. Pourtant un tel trop-plein ne laisse pas d'être préoccupant quant aux difficultés qu'éprouvent finalement nos sociétés à assumer leur passé. Ainsi, la prégnance actuelle de la mémoire est-elle à la fois cause et conséquence de cette omniprésence du passé ?” écrivait Yves Léonard dans l'éditorial des Cahiers français. Face à la souffrance, les mots deviennent rapidement dérisoires quand le souvenir se fait tenace, notamment par rapport à des mots difficiles à entendre.
Récemment encore, ces sujets étaient rarement discutés dans les pages médias des journaux français, qui préféraient les manœuvres sémantiques et rhétoriques et leur habileté à s'octroyer une maîtrise des formes de domination. Le point d'interrogation du titre du livre de Raphaëlle Branche, La Guerre d'Algérie : une histoire apaisée ?, n'est pas de trop : si les spécialistes vont vers une sérénité relative, le poids du politique sur l'écriture de l'histoire reste très lourd.
L'historien Eric Hobsbawm affirmait, quant à lui, qu'“aujourd'hui, l'histoire est plus que jamais révisée ou même inventée par des gens qui ne souhaitent pas connaître le passé véritable, mais seulement un passé qui s'accorde à leurs intérêts. Notre époque est celle de la grande mythologie historique”. Pour revenir à l'histoire, par souci épistémologique, un article de Jean-Paul Sartre sur le sujet, paru en mars 1956, sous le titre :
“Le colonialisme est un système”, démonte les mécanismes politiques et économiques du colonialisme et appelle au combat contre ce système. Le texte revient largement sur la question de la violence. Jean-Paul Sartre y souligne notamment : “ La conquête s'est faite par la violence ; la surexploitation et l'oppression exigent le maintien de la violence, dont la présence de l'armée. (...) Le colonialisme refuse les droits de l'homme à des hommes qu'il a soumis par la violence, qu'il maintient de force dans la misère et l'ignorance, donc, en état de “sous-humanité”. Dans les faits eux-mêmes, dans les institutions, dans la nature des échanges et de la production, le racisme est inscrit.”
Face à une mémoire dans tous ses états, on ne peut plus se prévaloir de cette responsabilité normative, que lui assignait naguère Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe. “Lorsque tout tremble devant le tyran et qu'il est aussi dangereux d'encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l'historien paraît chargée de la vengeance des peuples. À la fois trouble-mémoire et sauve-mémoire, l'historien semble appelé à jouer un rôle de mise à distance, en essayant d'être moins tributaire des enjeux politiques, communautaires et identitaires qui se cachent derrière le devoir de mémoire” (sic).
Il est temps de démythifier ce passé, voire de dépolitiser l'histoire, sans cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme, mais en prônant une lecture critique de cette discipline, en tant que science humaine, et en s'appuyant par ailleurs sur les acquis de la diplomatie, comme technique d'observation des environnements des deux rives, afin de s'ouvrir sur d'autres horizons, plus à même de convenir aux ambitions des deux pays. Et dans un premier temps, il est plus jamais question d'évacuer les mots de la rancœur. Récemment, un diplomate a fait appel à l'étincelle du devoir pédagogique pour parler de “tragédie inexcusable”. Sans ambitionner une pudeur sémantique, la guerre des mots entre l'Algérie et la France doit suivre ce chemin de la vérité. Les Algériens ont parlé, des années durant, de “guerre de libération”. La France a d'abord évoqué des opérations de “maintien de l'ordre”, puis a parlé d'“événements”, avant de reconnaître officiellement — en 1999 — qu'il y avait bien eu une “guerre” en Algérie. Alors, pourquoi ne pas suivre cette voie ? C'est-à-dire la voie d'un dialogue constructif autour de cette question afin de rétablir les vérités sur l'histoire, notre histoire commune avec la France.
A. A.


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