C'est avec beaucoup de peine et d'affliction profonde que nous apprenons la disparition du premier romancier moderne de langue berbère. Rachid Alliche, auteur des ouvrages littéraires comme Asfel et Faffa s'est éteint suite à une longue maladie. Il est pénible d'avoir à parler de lui maintenant au passé, mais comment ne pas rendre hommage à cet homme forgé d'une gentillesse, d'une bonté, mais surtout d'un militantisme déterminé pour la cause amazigh. Très tôt, il se frotta à Mouloud Mammeri, alors directeur du CRAP dans les années 70, auprès duquel il consolidera ses qualités et ses prédispositions à se lancer dans le domaine de la littérature. Son premier roman Asfel a été édité sous la forme totalement dactylographiée en raison du manque de moyens financiers. Aujourd'hui, ses ouvrages sont un précieux support pédagogique dont se servent les enseignants de langue berbère, et plusieurs de ses textes serviront de composition des épreuves de berbère au bac français. Lors d'un séjour à Paris, pour subvenir à ses besoins d'étudiant, il réussira le coup de génie d'animer, par la parole et le geste, des contes berbères pour les petits Français dans des écoles primaires. Son attachement au monde de l'enfant le conduira plus tard à réanimer à la Chaîne II, avec le talentueux et son ami fidèle Arezki Graïne, l'émission enfantine qui avait été éliminée dans les programmes de la chaîne durant les années d'ostracisme culturel imposé. Il éditera également aux éditions Enag et en direction des enfants du premier palier scolaire un fascicule d'apprentissage de l'écriture sous le titre Amnir. La quête du sens toponymique des villes, villages et lieux de Kabylie était aussi sa passion. Nous nous sommes relayés dans les années 90-2000 et à la même chaîne pour donner des cours radiophoniques de langue berbère. Entre temps, il tenait aussi une rubrique culturelle dans le journal Liberté où il s'attelait à donner une dimension sociale universelle aux contes kabyles. Très attaché à sa terre avec laquelle il avait un rapport charnel dans son village natal de Tagmount Azzouz, Rachid Alliche a vécu discrètement en homme effacé, loin des tumultes bouillonnants des cadres organisés. Il nous quitte hélas aussi secrètement qu'il a vécu parmi nous. Merci Rachid d'avoir existé pour nous ! Abdenour Abdesselam