Souk Dzaïr (marché d'Alger) porte bien son nom. Situé à la sortie est de la ville, il est le poumon du commerce à Oujda. Un véritable réceptacle de toutes les marchandises qui “violent” allègrement les frontières. Il était jadis le point de chute des trabendistes algériens qui venaient ici acheter la banane, alors si désirée. Aujourd'hui, ces algériens sont partis. Leurs marchandises les ont remplacés. L'on a tenté ici de le rebaptiser Souk el-fellah comme pour marquer la fin d'une époque. Mais l'Algérie a laissé un butin faisant que ce marché ne peut s'accommoder d'une autre appellation. Souk-Dzaïr doit son nom aux bataillons de jeunes commerçants qui écumaient Oujda jusqu'à 1994. Il le garde jalousement grâce à ces milliers de tonnes de marchandises en tous genres qui garnissent l'étal des échoppes de ce mythique marché. Ici, c'est l'Algérie sans les algériens ! Vous ne sentirez pas du tout le dépaysement. Comme si vous étiez à Bab Azzoun, à Boudouaou ou à Sétif. Le gel Coconnut de Tipasa, les tapis de Ghardaïa, les dattes de Biskra, les pâtes Sim, le fromage La vache qui rit d'Oran, et toute la gamme des laits en poudre bien de chez nous. Et la liste est longue… Sauf les vendeurs et les clients de ces produits 100% made in algeria sont marocains. Une véritable zone franche. Un espace où on peut à loisir constater cette stupide fermeture (?) des frontières. Quand nous osons interroger les commerçants comment ils arrivent à faire rentrer toute cette marchandise aussi variée en qualité qu'en quantité, ils répondent en esquissant machinalement un sourire : “Pour nous, la frontière n'est pas fermée, nos frères algériens acheminent leurs marchandises jusqu'à certains points de la frontière et des intermédiaires (on les appelle les passeurs) se chargent de les faire rentrer, de nuit comme de jour, moyennant une commission.” Un système D qui défie incroyablement les groupements des gardes frontaliers. A Souk-Dzaïr, vous pouvez acheter toutes les marques de cigarettes algériennes. Mais aussi de la chemma, même si ce produit n'est pas trop prisé ici. Ironie de l'histoire, la banane a pris le sens inverse. Naguère, elle rentrait frauduleusement en Algérie, aujourd'hui elle le fait au Maroc. Mais, incontestablement, le carburant est le produit qui maintient durablement la présence de l'Algérie à Oujda. “Vous savez, s'il n'y avait pas l'essence algérienne, vous ne verrez jamais autant de véhicules circuler à Oujda”, affirme un commerçant qui désigne du doigt ces “petits taxis” rouges de marque Uno qui ont changé le décor de la ville. Des milliers de litres de carburant algérien transitent tous les jours par la frontière. Ce trafic y prospère. Dans chaque coin de rue, au marché, aux abords des routes, vous croiserez ces bambins qui proposent des jerricans du précieux liquide ou dans des bouteilles en verre de Coca. Et moins cher que celui distribué dans les stations-service ! A Oujda, tout ou presque est algérien. Il ne manque que… les algériens. Cette région en est vraiment orpheline. H. M.