L'attentat kamikaze, qui a ciblé une structure des renseignements généraux à Tizi Ouzou, n'était pas du tout fortuit. L'attaque terroriste au fourgon piégé était, à vrai dire, prévisible, d'autant plus qu'on a signalé depuis quelques jours un fourgon bourré d'explosifs en circulation. Cible privilégiée des groupes terroristes, les RG ont de tout temps constitué un maillon fort dans la lutte contre la subversion islamiste. La bataille du renseignement, il va sans dire, préfigure l'action opérationnelle sur le terrain de la lutte antiterroriste. C'est grâce aux renseignements récoltés auprès des citoyens que nombre d'attentats terroristes ont été déjoués par les services de sécurité. L'élimination de plusieurs têtes pensantes du GSPC porte l'empreinte des renseignements généraux. Le kamikaze, qui avait foncé droit avec huit cents kilogrammes de TNT dans son fourgon sur la bâtisse de la police, avant-hier à Tizi Ouzou, aurait provoqué un carnage certain si le célibatorium n'était pas fermé deux jours plutôt. Les 150 policiers hébergés dans ce vieux dortoir ont été transférés vers la nouvelle structure inaugurée par le patron de la DGSN, Ali Tounsi, le 21 juillet dernier. En ciblant les RG, les islamistes armés veulent visiblement priver les forces antiterroristes qui opèrent sur le terrain du précieux concours des renseignements sans lesquels on ne peut venir à bout de la bête immonde. D'autant que la population contribue à sa manière à la récolte du renseignement qui peut s'avérer parfois capital dans la lutte antiterroriste. Une lutte opérationnelle qui ne trouve pas de prolongement politique capable de réduire l'influence de l'intégrisme islamiste dans la société ; cette même société qui avait assumé la résistance contre l'hydre intégriste. La mise hors d'état de nuire d'un “émir” à la Nouvelle-Ville a été rendue possible grâce à la collaboration des citoyens qui ont offert de précieuses informations aux services de renseignements. C'est également grâce à ces mêmes services qu'on a démantelé d'importants réseaux dormants de soutien au terrorisme au lendemain de l'élimination de cet “émir” du GSPC, Moussa Kerrar pour ne pas le nommer. Le ministre de l'Intérieur, qui s'est déplacé sur les lieux de l'attentat, avant-hier à Tizi Ouzou, a reconnu l'importance du renseignement dans la guerre contre la nébuleuse Al-Qaïda, au point de parler d'infiltration des groupes terroristes par les services de sécurité. “Certains groupes terroristes sont déjà infiltrés, et le travail de renseignement sera de plus en plus accru, surtout que le citoyen algérien a choisi son camp”, a déclaré M. Zerhouni lors de sa conférence de presse au siège de la wilaya de Tizi Ouzou. Dégâts énormes La lutte antiterroriste, si elle ne peut se passer de l'apport des renseignements, risque, en revanche, de se voir handicapée par ce discours pour le moins fantaisiste qui évoque à tout bout de champ le dernier souffle des groupes islamistes armés, sapant ainsi la vigilance des forces sécuritaires et, par ricochet, des citoyens. Et ce n'est pas par hasard que les sbires de Droukdel prennent pour cible la police des renseignements, sachant le rôle que joue celle-ci dans la lutte contre les maquis islamistes du GSPC, labellisé Branche Al-Qaïda au Maghreb islamique (BQMI). Si l'attentat a fait pas moins de 25 blessés, il a provoqué aussi des dégâts énormes. On parle déjà de plusieurs milliards de centimes de dégâts matériels. Outre le siège des RG qui a été sérieusement touché, notamment l'ex-dortoir qui est réduit en cendre, le parc auto de ce service est transformé en cimetière de voitures écrasées par le souffle de la bombe. L'immeuble mitoyen a vu la maçonnerie de l'un de ses murs détruite complément. Les familles qui y habitent sont relogées temporairement à Boukhalfa. Les magasins alentour sont également touchés. ? l'exemple des commerces de la rue Lamali, ceux jouxtant l'agence BDL, le boulevard Abane-Ramdane ainsi que les Bâtiments bleus. Des portes de magasins éventrées, des faux-plafonds arrachés, des vitres réduites en miettes. Autant dire un décor de guerre. Plusieurs appartements ont vu leurs vitres voler en éclats. C'est le cas notamment des bureaux des quotidiens Liberté, Le Soir, L'Expression. Hier, les services de la DUC ont procédé au recensement des dégâts causés par la forte explosion. Les vitriers ont été fortement sollicités à l'occasion. Les citoyens sont encore sous l'effet de l'émotion et du choc. Donnant l'impression de s'être réveillés avec une gueule de bois, ils ne comprennent pas cet acharnement de violence dans un pays censé renouer, du moins théoriquement, avec la paix. Le cratère creusé au milieu de la chaussée témoigne de l'intensité de la charge explosive. Tel est l'effet de la bombe… Y. A.
