Passée l'euphorie de la «révolution», les Tunisiens affrontent aujourd'hui les dures réalités de la transition, dans tous ses aspects : politique, social et sécuritaire, et assistent à un retour de flamme qui sème la peur dans le pays. En politique, la mainmise totale des islamistes d'Ennahda sur la vie institutionnelle bloque toute possibilité d'éclosion d'une nouvelle classe politique. Pis encore, cette ascension fulgurante d'un parti islamiste au pouvoir a ouvert la voix non seulement à l'intolérance dans la société, mais surtout à la multiplication des organisations intégristes radicales qui vont tenter de s'imposer par la force. D'où ce passage rapide à l'action terroriste. Ennahda qui a, à un moment, toléré, voire même sous-traité, le mouvement salafiste, pour impressionner l'opposition, se retrouve prise dans son propre piège. Son leader, Rached El-Ghannouchi, dans une récente déclaration, ne comprenait pas que des islamistes s'en prennent à des policiers ou à des militaires – lors de l'attaque dans la région frontalière d'El-Kasserine – en les qualifiant de «taghout». Il refuse tout dialogue avec ces groupes terroristes, tant que ces derniers ne déposent pas les armes. Mais il est fort à parier que ces groupes radicaux ne vont pas se résoudre si facilement à intégrer un jeu politique auquel ils ne croient pas. C'est exactement le même syndrome vécu en Algérie, au début de l'ouverture démocratique, et dans plusieurs pays arabes. A la différence qu'en Tunisie, le pouvoir politique semble beaucoup plus fragile, et ses forces de sécurité incapables de juguler un fléau transnational comme le terrorisme.