J'ai consulté bon nombre d'amis étrangers et nationaux experts dans ce domaine, car il faut éviter de raconter n'importe quoi, sur un sujet sensible. Aussi je tiens à faire les remarques suivantes afin de ne pas induire en erreur l'opinion publique algérienne, en analysant sans passion les impacts de l'exploitation du gaz de schiste en Algérie, objet de cette contribution. Le dernier Conseil des ministres de mai 2014, en vertu de l'application de la loi des hydrocarbures votée en janvier 2013 a autorisé l'exploitation du gaz de schiste mais à une seule condition : éviter la pollution des nappes phréatiques et préserver l'environnement. A-t-on analysé les expériences internationales, la rentabilité du gaz de schiste par rapport aux concurrents et aux autres sources d'énergie et surtout initier la formation dans ce domaine pour éviter des dérives? Il s'agit d'éviter les erreurs du passé dans d'autres secteurs. Le rapport de la Banque mondiale sur l'évaluation de l'efficacité de la gestion dans les infrastructures et transport entre 2004/2009, (mais sans changement durant la période 2010/2013) , montre clairement avec des cas précis - la non-maturation des projets, la non-maîtrise de suivi par le maître d'œuvre, le non-contrôle de la part des Algériens avec des surcoûts exorbitants, allant jusqu'à 25/30% du coût initial, pouvant conduire facilement à des délits d'initié. Du fait des extrapolations des exportations, de la très forte consommation intérieure qui risque de dépasser 100 milliards de mètres cubes gazeux entre 2025/2030 (deux fois les exportations de 2013) avec une moyenne de 70/75 entre 2017/2020 du fait de l'option de doubler les capacités d'électricité à partir des turbines de gaz (volet importation des turbines en 2013 étant de plus de 1 milliard de dollars) avec le risque que l'Algérie sera sans pétrole et gaz conventionnel horizon 2030 avec une population dépassant les 50 millions d'habitants qui a guidé cette option toujours dans le cadre d'une vision rentière ? Force est de reconnaître que l'Algérie après 50 années d'indépendance exporte 97/98% d'hydrocarbures et importe 70% des besoins des ménages, des entreprises publiques et privées. Devant éviter de vivre de l'illusion de la rente, Sonatrach pouvant être assimilée à une banque, sa vocation n'étant pas de créer des emplois et de la valeur ajoutée durable, d'où l'importance de son autonomisation, l'objectif stratégique est une production et exportation hors hydrocarbures dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux supposant la réhabilitation de l'entreprise et son fondement, le savoir. Rappelons au préalable quelques facteurs techniques. Le gaz de schiste est un gaz naturel le plus souvent enfoui à très grande profondeur (1 500 à 3 000 mètres), dans des roches compactes et imperméables. On estime que ses réserves pourraient fournir 120 à 150 ans de la consommation actuelle de gaz naturel. Le gaz de schiste est piégé dans des roches très compactes et imperméables. Sa production nécessite des techniques utilisées de longue date par les compagnies pétrolières et géothermiques : le forage horizontal et la fracturation hydraulique. Le gaz de schiste est localisé de façon diffuse dans une couche de roche-mère très étendue et imperméable. Un puits vertical classique, utilisé pour un réservoir conventionnel, ne permettrait d'en capter qu'une infime partie. Le seul moyen est donc de forer horizontalement en suivant la roche-mère productrice. La partie horizontale du forage débute entre 1 500 et 3 000 m de profondeur au bas d'un puits vertical sur une longueur comprise entre 1 000 et 2 000 mètres. Mais pour permettre au gaz d'être drainé vers le puits horizontal, il faut rendre la roche-mère plus perméable. C'est le rôle des micro-fractures (quelques millimètres de large) créées par la technique dite de « fracturation hydrauli-que » qui ouvrent la roche-mère latéralement sur des distances de l'ordre de la centaine de mètres. On a recours aujourd'hui à la technique du « multifracking », soit une dizaine de fracturations par puits qui s'effectuent par séquences en partant du point le plus éloigné de la base du puits. La fracturation hydraulique nécessite d'injecter dans le puits, à très haute pression et via un tubage adapté, un mélange d'eau, de sable et d'additifs :-l'eau douce sous pression ouvre des fissures par lesquelles le gaz pourra s'écouler- le sable, en s'infiltrant dans ces fissures, empêche qu'elles ne se referment ultérieurement -les additifs (environ 0,5 % de l'ensemble) sont essentiellement des substances bactéricides pour empêcher la contamination du réservoir par des bactéries provenant de la surface- des composés viscosifiants servant à maintenir le sable en suspension dans l'eau puis à le maintenir dans les fissures (composés dits tensioactifs)- et des réducteurs de friction (pour des détails techniques voir www.fracfocus.org site-américain-www.ngsfacts.org site- de l'OGP www.shaleenargentina.com.ar/quimicos.htm). Pourra-t-on aller vers d'autres techniques qui suppléent à la fracturation hydraulique ? La société Chimera Energy Corp aurait mis au point une technologie qui pourrait débloquer les choses en Europe en matière d'exploitation des gaz de schiste. Cette nouvelle technique permet d'extraire l'huile de schiste sans utiliser la fracturation hydraulique, c'est-à- dire sans les produits chimiques ajoutés à l'eau qui sont reprochés à la méthode actuelle. De quoi calmer nos inquiétudes sur les techniques d'exploitation ? La nouvelle technique d'extraction, appelée « Extraction Exothermique Non hydraulique, ou fracturation sèche », n'utilise ni eau, ni explosifs, ni acides, ni solvants. Elle ferait, selon ses auteurs, l'économie de 0,5% de produits chimiques présents dans les volumes d'eau injectés dans le sol par la fracturation hydraulique classique. Cette nouvelle technologie, développée en Chine puis au Texas, utilise au contraire des composants inertes, non toxiques et non caustiques. La perforation serait pneumatique et non hydraulique. Elle recourt à des gaz chauds plutôt que du liquide pour fracturer le schiste. En effet, ce serait dans la capacité qu'a l'hélium, gaz rare et inerte, d'augmenter son volume 700 fois (quand il passe du stade liquide au stade gazeux) que l'extraction exothermique trouverait sa puissance. Une expérience est tentée au Mexique avec le pétrolier national Pemex qui l'utilisera pour le gisement Chicontepec. Il y a également l'utilisation du « fluoropropane », comme substitut à la fracturation hydraulique, une technologie proposée par la société américaine ECorpStim et qualifiée de « propre » étant une forme non inflammable de propane, récupérable, et donc réutilisable pour de multiples fracturations, selon EcorpStim, le pétrolier français Total étant partenaire du groupe Ecorp dans le développement du gaz de schiste en Grande-Bretagne. Ce liquide dérivé du propane est actuellement utilisé comme propulseur dans des inhalateurs pour traiter l'asthme ainsi que dans des extincteurs. Le cousin du NFP, le propane, a déjà servi à mener quelques fracturations hydrauliques qui n'utilisent pas d'eau et peu, voire pas, de produits chimiques, en remontant 95 % du propane avec le gaz. Inconvénient principal : cette technique nécessite en surface plusieurs centaines de tonnes de propane. C'est dans ce cadre que s'inscrit le rapport en date 27 novembre 2013 de l'Office parlementaire français d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur « les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste ». Il est entendu que ce gaz est concurrent du gaz traditionnel. (suivra)