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Les Oulamas algériens
Publié dans La Nouvelle République le 09 - 08 - 2017

C'est en mars 1928, soit à l'âge de vingt-trois ans, que Malek Bennabi rencontre pour la première fois l'imam Abdelhamid Ben Badis, figure de proue du mouvement islahiste algérien, au siège de son journal ach-Chihab à Constantine. Le jeune homme revenait d'un séjour à Aflou où il exerçait en qualité de «adel» (traducteur de mahkama) depuis près d'un an. En parcourant la région avec le Cadi auquel il était attaché, un problème s'était imposé à sa conscience : le sort des terres «arch» encore préservées de la colonisation mais, n'étant pas protégées par des actes de propriété, pouvaient être facilement accaparées par les colons. La rencontre ne se déroule pas comme il l'avait espéré car le vénérable cheikh auquel il vouait un respect révérenciel l'écouta poliment sans comprendre ce qu'il y pouvait. Bennabi en est sortit affecté.
La gauche ayant gagné pour la première fois en France les élections législatives, Léon Blum forme au printemps 1936 le gouvernement du Front populaire. A Alger, un grand événement se prépare : l'Association des Oulamas algériens, la Fédération des Elus et le parti communiste algérien décident de se regrouper au sein du Congrès Musulman Algérien pour interpeler le nouveau pouvoir sur la situation de l'Algérie. Seule fausse note, l'Etoile Nord-Africaine de Messali refuse de se joindre à la réunion qui se tient le 7 juin 1936 dans une grande salle de cinéma à Bab El-Oued. Quatre mille personnes y participent. Le Congrès débouche sur une Charte revendicatrice du peuple algérien musulman, qui demande la fin du code de l'indigénat, le rattachement de l'Algérie à la France, l'indépendance du culte et l'officialisation de la langue arabe. L'idée du Congrès est venue de Ben Badis qui l'avait lancée le 3 janvier 1936 dans un article publié par La Défense, organe francophone de l'Association des Oulamas algériens. Dans son esprit, il s'agissait, dans la foulée de la montée en puissance des forces de gauche réunies dans le Front populaire, de préparer un statut plus favorable aux Algériens. L'idée prend forme le 16 mai 1936, lorsque la Fédération des élus et l'Association des Oulamas publient un Appel aux musulmans algériens pour la tenue d'un Congrès. La Charte finalement adoptée demande la suppression des lois d'exception, la suppression du gouvernement général, des communes mixtes et des délégations financières, le rattachement des trois départements algériens à la France, le maintien du statut personnel musulman, la liberté d'enseignement pour la langue arabe, l'instruction obligatoire pour les enfants des deux sexes, l'égalité en droits et devoirs avec les Français, un collège commun pour les élections au suffrage universel, la représentation au Parlement français et l'envoi d'une délégation du Congrès à Paris pour remettre à Léon Blum, président du Conseil, la charte issue des résolutions du Congrès. La délégation, présidée par le Dr Salah Ben Djelloul, chef de la Fédération des Elus municipaux «indigènes», est reçue le 23 juillet par le chef du gouvernement Léon Blum et le sénateur Maurice Viollette. Bennabi, qui terminait alors à Paris ses études d'ingénieur en électricité et un groupe d'amis de l'Association des étudiants musulmans d'Afrique du Nord sont étonnés de cette démarche politique. Ils décident de rendre visite à la délégation descendue dans un grand hôtel de Paris où la «abaya» blanche des «chouyoukh» leur semble tout à fait déplacée en ces lieux où se bousculent les vedettes et les soubrettes de Paris. Ils trouvent là l'imam Ben Badis, les cheikhs Bachir al-Ibrahimi et Tayeb al-Okbi, les politiciens Ferhat Abbas et Ben Djelloul ainsi que le journaliste Lamine Lamoudi. Bennabi aborde les Oulamas et leur exprime la déception de son groupe qui ne comprend pas que ce rassemblement de partis qui a soulevé une immense espérance politique dans le pays retombe dans les revendications et les suppliques : «Que venez-vous faire ici ? La solution est en Algérie ! Elle est entre vos mains et non entre celles du gouvernement français». Puis il prend en aparté Lamine Lamoudi, directeur de La Défense à qui il demande pourquoi il n'a pas publié la réponse à Ferhat Abbas (qui avait publié quelques mois plus tôt le fameux article qui lui sera reproché toute sa vie et au-delà sur la «nation algérienne». Lamoudi lui répond : «Nous avons trop peu d'hommes politiques pour les détruire». C'est en de pareils moments que Bennabi perd complètement foi en l'islah, et ces moments seront nombreux ; c'est en ces occasions qu'il a pour les Oulamas les jugements les moins amènes. Il confie dans son journal intime : «Dès cette année 1936, j'avais fait pratiquement mon deuil des Oulamas qui me paraissaient aussi bien incapables de comprendre une idée ou de la créer que de l'appliquer». Ses relations avec eux vont devenir effectivement très difficiles. Ce qu'il partage avec eux, c'est l'idée que l'islam est le principal levier de la psychologie algérienne sauf que lui voit l'islah non pas comme une littérature ou un discours d'exhortation à davantage de dévotion, mais comme un mode opératoire pour sortir les Algériens du fatalisme et leur inculquer le sens collectif qui ferait d'eux les éléments conscients et efficaces d'une résurrection civilisationnelle. C'est cette différence de vue sur la manière de prendre en charge la problématique de la renaissance qui sera à l'origine de ses mésententes perpétuelles avec l'ensemble des animateurs du mouvement national (Oulamas, Fédération des élus, Etoile nord-africaine, Communistes...) : «Je voyais les problèmes sous l'angle d'une civilisation, alors qu'eux les voyaient sous l'angle politique.» Il durcira plus tard son langage et précisera que ce que ces derniers croient être de la «politique», n'est en réalité que de la boulitique, une démagogie creuse, un revendiquisme stérile, une mystification des citoyens... Pour lui, l'aspect «civilisation» doit primer sur l'aspect «politique», nuance que ne saisiront pas les politiciens du mouvement national. Il sera intraitable avec les uns et les autres, mais contribuera néanmoins à toutes les actions anticolonialistes de l'époque. En fait, il s'agit moins d'un antagonisme entre un homme et des courants politiques que de l'immémoriale incompréhension entre le «philosophe» et le «politicien». Il aura les mots les moins indulgents envers les leaders des différents courants y compris les Oulamas dont il se sent pourtant proche. Moralement seulement, car sur le plan intellectuel il se retrouve de moins en moins dans leurs analyses et leurs méthodes : «Ils voulaient réformer avec les moyens de la rhétorique arabe ; ils voulaient mener une réforme de grammairiens... L'essentiel du drame séculaire de l'islam leur échappait totalement.» Par contre, il surmontera très difficilement les préventions que lui inspirent les «modernistes», ceux pour qui il créera un néologisme, les intellectomanes, pour les flétrir. Il sera extrêmement critique envers cette composition du mouvement national faite d'une aile ouvrière, d'une autre bourgeoise et, au milieu, d'un islah qui cherche l'équilibre entre les deux avant de pencher en définitive vers les «Elus», du moins jusqu'en 1939. Il écrit dans ses Mémoires inédits : «Le nationalisme algérien prenait ainsi sa préfiguration historique avec une aile ouvriériste prête à s'embourgeoiser à Paris et à s'acoquiner avec une partie de la gauche française et une aile bourgeoise prête à s'encanailler avec le colonialisme. L'islah essayait de frayer son chemin entre les deux sans se douter qu'il devra remettre un jour sa démission morale à l'aile bourgeoise et qu'il sera finalement pulvérisé par l'aile ouvriériste... J'ai toujours été convaincu qu'on ne peut faire un ordre politique sans faire au préalable un ordre moral.» Les uns et les autres le lui rendront bien le moment venu. Après le retour à Alger de la délégation, le Congrès se réunit de nouveau le 2 août 1936 pour entendre le compte-rendu des entretiens de Paris. Le rassemblement regroupe dix mille personnes au stade de Saint-Eugène (Bologhine). C'est alors que sans avoir été invité, Messali fait une entrée spectaculaire dans le stade et demande à prendre la parole. Dans son discours, il proclame le soutien de son organisation aux revendications présentées mais surenchérit : il exige l'indépendance totale et immédiate de l'Algérie ! Le gouvernement du Front populaire prendra en compte la Charte et élaborera sur cette base un projet de loi qui restera dans l'histoire sous le nom de «Projet Blum-Viollette», mais qui ne sera pas examiné par le Parlement français en raison de la forte opposition des colons en Algérie [1]. Sur ces entrefaites, Bennabi apprend que cheikh al-Okbi a été arrêté à la suite de l'assassinat du muphti d'Alger, cheikh Mohamed Bendali Kahoul, opposé aux Oulamas. Il lui envoie une lettre de soutien. Le président de la Fédération des élus se désolidarise de Tayeb al-Okbi et proclame que son organisation n'a plus rien à faire avec l'Association des Oulamas dont les «mains étaient tâchées de sang». Il s'agit de toute évidence d'un complot ourdi pour casser le Congrès Musulman Algérien, première tentative de rassemblement des forces politiques algériennes pour contrer le colonialisme. Le même Ben Djelloul déclare à un journal français: «Sans la France, je ne serais qu'un «semmèche» (désoeuvré)». Tayeb al-Okbi ne va pas tarder après cette affaire à se dissocier de ses pairs et à prendre de plus en plus ouvertement des positions favorables à l'administration coloniale. Il se retirera complètement de l'Association en 1938. A la mort de Ben Badis, le gouvernement général s'efforcera de l'imposer à la tête de l'Association des Oulamas mais en vain. C'est Bachir al-Ibrahimi qui sera élu alors même qu'il était en résidence surveillée à Aflou. (A suivre)

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