Energies renouvelables: le nouveau directeur exécutif du RCREEE, l'Algérien Zoheir Hamedi installé    Judo/Championnats d'Afrique: l'Algérie décroche la médaille d'argent par équipes mixtes    CIJ: la Palestine affirme que l'entité sioniste utilise l'aide humanitaire comme arme de guerre    Ghaza: le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 52.314 martyrs et 117.792 blessés    Gymnastique/Coupe du Monde-2025: 2e médaille d'or pour Kaylia Nemour au Caire    Ouverture des travaux de la 4e rencontre régionale des journalistes et professionnels des médias    Santé: rencontre de coordination pour évaluer la performance du secteur    Deuxième session du Baccalauréat des arts: lancement des épreuves pratiques    Le MAE palestinien appelle à des sanctions internationales contre les colons sionistes    CHAN 2025/Algérie-Gambie: première séance légère pour les Verts    Colloque scientifique à Alger sur le manuscrit d'Avicenne "Le canon de la médecine"    Saâdaoui annonce la propulsion de trois nouvelles plate-formes électroniques    « Le stress, un facteur de développement d'un certain nombre de troubles mentaux »    Exploiter les ressources du continent pour concrétiser l'intégration économique    Les renégats du Hirak de la discorde    Quand les abus menacent la paix mondiale    Plus de 116.000 tonnes d'aide en attente    Ça se complique au sommet et ça éternue à la base !    Mise au point des actions entreprises    Le FC Barcelone arrache la Coupe du Roi face au Real Madrid    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    Glissement de terrain à Oran: relogement de 182 familles sinistrées à Misserghine    "Les bases arrières de la révolution algérienne ", thème d'un colloque international à Souk Ahras    Rekhroukh s'enquiert du chantier de réhabilitation d'un tronçon de la RN-52 reliant Adrar et In-Salah    Boughali souligne la nécessité de sensibiliser les jeunes générations aux droits des peuples    Glissement de terrain à Oran : le président de la République présente ses condoléances à la famille des victimes    Meziane appelle les médias arabes à œuvrer pour davantage de rapprochement interarabe    PME: la Finalep prévoit en 2025 des cessions de ses participations via la Bourse    Pour bénéficier des technologies de pointe développées dans le domaine de l'hydrogène vert    Le temps des regrets risque de faire encore mal en cette fin de saison    Quand les constructions inachevées dénaturent le paysage    Sept produits contenant du porc illégalement certifiés halal    Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    Un art ancestral transmis à travers les générations    Condoléances du président de la République à la famille de la défunte    Un programme sportif suspendu    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Une écrivaine tout court
Publié dans La Nouvelle République le 26 - 06 - 2018

Cinq nouvelles sous la plume de la Nigériane Chimamanda Adichie à lire à la fois en traduction française et en version originale dans la collection «Folio bilingue». Des histoires passionnelles et humanistes. Chimamanda Ngozi Adichie est sans doute l'écrivaine africaine la plus connue.
Connue aussi bien à Lagos (Nigeria) qu'à Maryland (Etats-Unis), deux villes entre lesquelles celle-ci partage aujourd'hui sa vie. La romancière compte parmi ses fans la chanteuse Beyoncé qui a utilisé ses textes dans ses chansons et Hillary Clinton. Excusez du peu ! Lors d'une conférence qu'elle a animée récemment au Pen Club à Manhattan, elle a interpelé l'ancienne candidate à la Maison-Blanche, prise en flagrant délit d'anti-féminisme. Elle a critiqué Clinton pour avoir commencé sa bio Twitter en rappelant qu'elle était d'abord «épouse, mère et grand-mère». Elle lui a conseillé d'aller voir la bio de son mari présidentiel qui n'a pas ressenti la nécessité de mettre en avant son statut d'homme marié. L'argument a apparemment fait mouche, puisque l'adversaire malheureuse de Donald Trumpa promis de réécrire son profil Twitter. Célébrée aujourd'hui comme la digne héritière de Chinua Achebe et Wole Soyinka (prix Nobel de littérature, 1986), Chimamanda Adichie s'est fait connaître en 2003 en publiant son premier roman L'Hibiscus pourpre (Anne Carrière, 2004), qui mettait en scène les heurs et malheurs de deux enfants grandissant sous la coupe d'un père de famille devenu tyrannique et tortionnaire sous l'effet de la religion. Son second roman L'Autre moitié du soleil (2006) est Guerre et Paix à la Nigériane, avec pour background la guerre du Biafra. Le titre du roman fait référence au drapeau de la population Ibo dont la tentative de sécession à la fin des années 1960 a été réprimée dans le sang par l'armée nigériane. Son dernier roman qu'elle a publié en 2010 s'appelle Americanah (2013). Le titre renvoie au terme un peu méprisant et moqueur qu'utilisent les Nigérians pour parler des compatriotes vivant aux Etats-Unis et qui se sont américanisés.
Ecriture incarnée et ironique
Entre ses trois romans, la jeune écrivaine, âgée d'à peine 40 ans, a eu le temps de publier un recueil de nouvelles, Autour de ton cou (2009), qui avait révélé son talent de portraitiste sophistiquée. Avec un sens profond de la tragédie humaine, elle réussit à brosser en quelques pages le portrait sensible des hommes et femmes à la dérive. Surtout des femmes, qui incarnent dans la fiction d'Adichie une forme de révolte contre le monde patriarcal où les femmes doivent se battre pour exister. Si la romancière nigériane est dans l'actualité aujourd'hui, c'est parce que son éditeur français, Gallimard, a eu la belle idée de publier un volume de ses nouvelles dans une collection bilingue («Folio bilingue»), afin de permettre aux lecteurs fidèles d'Adichie de retrouver le goût de son écriture en version originale. Composés de cinq nouvelles déjà publiées dans des magazines ou dans la précédente anthologie, Les arrangements et autres histoires n'en reste pas moins bouleversante et riche en découvertes ou redécouvertes des secrets de l'écriture magistrale de la Nigériane. C'est une écriture à la fois incarnée et ironique, où le fonds s'enrichit des strates successives de parlers locaux qui viennent annuler la neutralité virile de la langue impériale. Les nouvelles racontent des tranches de vie, empreintes de l'expérience personnelle de l'auteur au Nigeria où celle-ci a grandi et aux Etats-Unis où elle a élu résidence. Au cœur de chacune de ces nouvelles, des personnages de femmes puissantes. Elles s'appellent Nkem, Agathe, Akunna, une protagoniste sans nom et...Melania Trump. Ces femmes finissent par prendre le dessus et à intégrer la grammaire de la société qui les opprime. C'est le cas notamment d'Akunna, personnage principal d'une nouvelle au titre quelque peu déroutant : Autour de ton cou. Ecrit à la deuxième personne, ce récit met en scène la découverte des Etats-Unis par une jeune émigrée nigériane. Lauréate d'une loterie des visas, Akunna est venue s'installer seule aux Etats-Unis, loin de ses parents et ses proches. «La nuit, quelque chose venait s'enrouler autour de ton cou, une chose qui manquait t'étouffer avant que tu ne sombres dans le sommeil.» Cette chose autour du cou d'Akunna s'appelle la solitude, la nostalgie, l'aliénation, des émotions qui tiennent la jeune femme prisonnière dans ce pays étranger où son destin l'a conduite. Vécue d'abord comme une chance, l'expérience de la migration tourne très vite au cauchemar pour la jeune Africaine qui doit lutter contre la concupiscence des hommes de sa communauté et l'incompréhension «crasse» dont lui témoigne son pays d'accueil. «Beaucoup de gens te demandaient depuis quand tu étais venue de Jamaïque parce qu'ils croyaient que tous les Noirs qui avaient un accent étranger étaient jamaïcains. Ou bien, si certains devinaient que tu étais africaine, ils te disaient qu'ils adoraient les éléphants et avaient envie de faire un safari.» Akunna finira par rencontrer un jeune homme qui a quelques connaissances du vaste monde au-delà des frontières américaines. Il est le premier à ne pas la considérer avec condescendance. Pourra-t-il pour autant lui faire oublier son Afrique natale et surtout la débarrasser de cette chose «autour de (son) cou»? Rien n'est moins sûr, si l'on en croit l'expérience de Nkem, protagoniste d'une autre nouvelle du recueil, qui explore avec des mots simples les tensions entre l'ici et l'ailleurs. Mariée à un businessman nigérian, la jeune femme vit aux Etats-Unis avec ses enfants, alors que son mari a fait le choix de partager sa vie entre son pays natal et son pays d'adoption. Pour ce dernier, avoir un foyer à l'étranger est aussi une question de prestige social. Il profite aussi de l'absence de sa femme pour installer chez lui à Lagos ses petites amies. L'épouse fidèle s'est adaptée à cet arrangement, mais «son pays lui manque», «le soleil de Lagos» aussi, même si «l'Amérique a fini par lui plaire, par enfoncer ses racines sous sa peau». Nkem finira par retourner au Nigeria pour se réapproprier à la fois son pays et son mari volage. L'émigration n'est pas la seule thématique abordée dans ces nouvelles. Elles racontent aussi le pays de départ, en l'occurrence le Nigeria que les personnages quittent, attirés par le Nouveau Monde. Malgré ses dérives, ses guerres civiles larvées, certains ne parviennent pas à quitter le pays natal. Comme l'héroïne de la nouvelle «L'ambassade américaine». Cette femme sans nom, veuve d'un journaliste d'opposition, fait preuve d'une grande dignité, en refusant de vendre la mémoire de son mari et de son fils, tombés dans des conditions tragiques, pour aller vivre aux Etats-Unis. Elle sera la gardienne de la mémoire d'un peuple, d'un pays et des siens, qui ont combattu la tyrannie et la laideur. Ciselées comme des diamants, les nouvelles sous la plume de cette talentueuse Nigériane, témoignent d'une grande maîtrise de la narration et d'une justesse des mots et de la voix, qui fait de Chimamanda Adichie cette immense écrivaine qu'elle est devenue en l'espace de quelques années seulement.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.