1- Que pensez- vous du mouvement d'Al Hirak déclenché depuis le 22 février ? C'est un mouvement qui traduit la vitalité de la société algérienne et notamment sa jeunesse, ayant été caractérisé son pacifisme face à des pratiques politiques et économiques qui ont créé une névrose collective au niveau de la société algérienne. Il y a lieu de tenir compte de ses revendications légitimes afin que les pratiques du passé ne se renouvellent plus. Je tiens à souligner que contrairement à certains pays du tiers monde, l'ANP et les forces de sécurité ont accompagné ce mouvement. Comme dans tous les pays du monde existent certains dépassements des deux cotés, et cela est normal dans toutes manifestations, mais par rapport à l'ensemble, ils sont marginaux. Certains critiquent les obstacles de l'accès la capitale. Imaginez-vous 2 millions de manifestants à Alger, de ceux qui veulent faire avorter ce mouvement pacifique, avec les risques d'attentats. Excepté Alger les marches de toutes les autres wilayas ont été encadrées efficacement par les forces de sécurité sans entraver les marches. 2- Que pensez-vous de l'Autorité indépendante de contrôle des élections ? Il faut saluer les efforts importants, malgré les pressions, des personnalités ayant conduit le dialogue certes qui n'a pas réuni tout le monde, mais qui a permis la création de cette instance de contrôle des élections qui a maintenant autorité de Loi. C'est un acquis important revendiqué par le mouvement AlHirak. C'es tune première depuis l'indépendance politique où toutes les élections ont été truquées par l'administration et ce afin de mette fin aux pratiques occultes du passé et au divorce Etat –citoyens. Exemple, les données officielles du Ministère de l'intérieur pour les dernières élections législatives, en tenant compte des bulletins nuls, donnent plus de 70% de citoyens qui ne font pas confiance ni au partis du pouvoir, ni à ceux de l'opposition. Selon les dispositions prévues par la Loi dorénavant, ni le Gouvernement, ni es Walis, ni les élus des actuelles collectivités locales ne sont parties prenantes dans le contrôle des élections, le président de cet instance étant une personne intègre. Mais attention aux infiltrations au niveau central et des réseaux de wilayas, l'administration étant connu pour son zèle et ses pratiques ayant la peu dure. C'est pourquoi je pense que c'est un acquis important mais non suffisant pour une élection transparente et surtout une mobilisation populaire. 3- Cette instance contrôle est- elle suffisante ? Comme je l'ai souligné depuis le 22 février dans les médias nationaux et internationaux et ce n'est pas aujourd'hui que me contredirai, Il faut des conditions d'apaisement et un compromis raisonnable privilégiant uniquement les intérêts supérieurs du pays. Premièrement, la libération de ceux qui n'ont pas porté atteinte à la sécurité nationale (exemple ces jeunes innocents qui ont brandi le drapeau amazigh). Mais cela ne saurait concerner ceux qui ont voulu porter atteinte à la sécurité nationale, à l'unité de l'ANP et des services de sécurité, la seule institution qui reste encore debout et ceux et ceux ont dilapidé les deniers de l'Etat, dont certains sont à El Harrach. Pour les autres cas, n'étant pas juriste, il y a lieu d'éclaircir ce que cela veut dire «délits d'opinion».La deuxième condition, est le départ de l'actuel gouvernement, le chef de l'Etat s'étant engagé à ne pas s'immiscer dans l'élection, garantissant la continuité de l'Etat. Ne pouvant mettre fin aux fonctions du gouvernement, mais la loi prévoyant une démission collective, étant une question politique pour favoriser une honorable participation, dans la conscience populaire, l'actuel gouvernement est accusé à tort ou à raison de vouloir instaurer la fraude travers ses réseaux dans l'administration, neutralisant, ainsi l'autorité récemment installée. 4- Les Algériens iront-ils voter le 12 décembre ? Quitte à me répéter sans des mesures d'apaisement et le départ de l'actuel gouvernement qui a été mis en place par l'ancien système, remplacé par un gouvernement de techniciens «neutres» il y a risque de réitérer l'échec du 04 juillet 2019 ou à fortiori une participation réelle ne dépassant pas 20/30%, ne donnant pas de légitimité au futur président, ce qui aurait des incidences catastrophiques sur le plan politique en Algérie tant interne qu'externe. Les observateurs impartiaux ont noté par exemple que l'actuel Premier ministre et son ministre de l'Intérieur qui était son secrétaire général au moment où il était lui même ministre de l'intérieur ont participé à la fraude n'ayant donc pas une autorité morale. Par ailleurs des membres de l'actuel gouvernement dont deux ont été convoqués officiellement par la justice et d'autres cités par la presse nationale sont cités pour malversations. Il y a une question de moralité qui dépasse le juridisme si l'on veut une participation de la population. Comme il y a lieu de signaler pour ceux qui prônent une transition de longue durée, outre que se posent la désignation des membres durant cette transition où personne n'est d'accord avec personne, oublient la donne socio-économique. L'économie est actuellement en panne et les réserves de change ont clôturé à 72 milliards de dollars en avril 2019 pouvant aller vers 58/60 fin 2019 et 16/20 fin 2021 avec le risque de cessation de paiement début 2022, au vu du cours des hydrocarbures 2019/2021, les évènements actuels en Arabie Saoudite ayant fait flamber le cours coté le 17/09/2019 à plus de 66 dollars le baril étant conjoncturelle. Toute déstabilisation de l'Algérie aurait des répercussions négatives sur toute la région méditerranéenne et africaine. Aucun algérien ne souhaite des leçons d'étrangers étrangère mais, devant être réaliste, étant à l'ère de la mondialisation et des interdépendances, rien n'empêche que des pays comme les USA ou l'Europe via la France et même la Russie/Chine s'inquiètent des retombées géostratégiques où ces pays avec certains pays du Golfe, ont de grands intérêts économiques sans compter les risques de flux migratoires. En résumé, le temps ne jouant pas en faveur de l'Algérie, seul un président légitime peut entamer les profondes réformes qui attendent en urgence le pays. Il est donc impératif que l'élection présidentielle en Algérie tant pour sa stabilité que la stabilité régionale, puisse être une réussite, sous réserve qu'elle soit transparente. Professeur des universités, Dr Abderrahmane Mebtoul ancien haut magistrat