C'est une journée historique qui a été vécue hier matin au Tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, où, comme prévu, le verdict du procès de l'affaire de montage automobile est tombé. Pour en prendre connaissance, les accusés ont commencé à arriver au tribunal de Sidi M'hamed vers 9h du matin. L'audience a été ouverte peu avant 10h alors que des dizaines de journalistes et de curieux étaient dans l'attente de l'annonce du verdict. Les deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, poursuivis dans ces affaires de corruption et d'abus de pouvoir, notamment, ont été condamnés respectivement à 15 et 12 ans de prison ferme et une amende de 1 million de DA. Concernant Ahmed Ouyahia, le juge a prononcé la saisie de tous ses biens et fonds acquis illégalement et interdiction d'exercer ses droits civiques. Les anciens ministres de l'Industrie au moment des faits ont été condamnés respectivement à 20 ans de prison ferme pour Abdeslam Bouchouareb (en fuite, condamné par contumace et mandat d'arrêt international contre lui) et 10 ans de prison ferme pour Bedda Mahdjoub et Youcef Yousfi. L'ancien ministre des Transports et des Travaux publics, Abdelghani Zaâlane, a été acquitté dans cette affaire. L'ex-wali de Boumerdès, Yamina Zerhouni a été condamnée à 5 ans de prison ferme. Les hommes d'affaires impliqués dans ce procès ont été condamnés chacun à 7 ans de prison ferme pour Ali Haddad et Maazouz Mohamed, et respectivement 6 ans de prison ferme pour Hacène Arbaoui et 3 ans de prison ferme pour Mohamed Bairi. Quant à Farès Sellal, fils de l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, il a été condamné à 3 ans de prison ferme. Les autres accusés ont été condamnés à 5 ans de prison pour Ahmed Tira, 3 ans de prison pour Achour Aboud et 2 ans pour Hadj Said. Les informations révélées lors de ce procès, qui a duré quatre jours, ont fait état de pertes financières causées au Trésor public, estimées à 128 milliards et 983 millions de DA. Le procureur de la République a expliqué que les pratiques relatives à l'investissement dans le domaine du montage automobile, étaient «basées sur le népotisme et le favoritisme d'un opérateur à un autre sans aucun motif légal, ce qui a élargi le fossé entre le peuple et ses institutions». A ce titre, il a affirmé qu'en réalité, il n'y avait aucune activité de montage et d'industrie automobile. Le procureur de la République a précisé que «ces pratiques irresponsables ont fait perdre au citoyen la confiance dans ses institutions au point où il soupçonne la réalité de ces procès». Il a aussi souligné que «cette affaire est une première dans les annales de la justice algérienne, dont l'importance se traduit par l'application réelle de la loi sur le gouverneur et le gouverné». «En raison des pratiques de ces responsables, l'Algérie n'a pas réalisé de développement économique en dépit des richesses qu'elle recèle. Sa jeunesse souffre de pauvreté et risque sa vie dans les embarcations de la mort», a-t-il soutenu. Pour rappel, dimanche, le procureur de la République près le tribunal de Sidi M'hamed (Alger) avait requis de lourdes peines de prison, accompagnées de fortes amendes, avec la saisie de tous les biens et fonds illégaux des accusés, et interdiction d'exercer leurs droits civiques, à l'encontre de ces anciens responsables et hommes d'affaires poursuivis pour dilapidation de deniers publics, octroi d'indus avantages, abus de fonction et financements occultes de la campagne électorale de l'ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Ce dossier qui a fait l'objet de deux instructions judiciaires au niveau de la Cour suprême (pour les cadres supérieurs) et au niveau du Tribunal de Sidi M'hamed (pour les hommes d'affaires), a révélé que «certains hommes d'affaires géraient des sociétés écrans tout en bénéficiant d'indus avantages fiscaux, douaniers et fonciers». Au terme de l'intervention du procureur de la République sur les plaidoiries de la défense, le juge a donné la parole aux prévenus pour faire leurs dernières déclarations. Les observateurs ont noté que c'est la première fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante, que d'anciens Premiers ministres, des ministres et des hommes d'affaires influents dans le pouvoir ont jugés et condamnés. C'est le premier procès du genre d'une série qui a commencé le 2 décembre 2019. D'autres suivront devant le tribunal de Sidi M'hamed à Alger.