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La recherche d'une vérité sur certains épisodes de la colonisation (XVI)
Lettre à René
Publié dans La Nouvelle République le 30 - 10 - 2021

À son ami René, mais en fait aux générations montantes, Kamel Bouchama rappelle ce qu'entraîna l'acte odieux adopté par le parlement français en janvier 1830. Hélas, cinq mois après, les hordes colonialistes, commandées par de Bourmont, débarquaient sur la presqu'île de Sidi Fredj, amenant ainsi l'Algérie à engager une lutte incessante pour son indépendance... L'avenir, dit l'auteur de « Lettre à René » en filigrane, appartient aux peuples qui le construisent ensemble, une fois soustraites les lourdeurs du passé. Là, où notre vieille garde militante n'a pas cru bon devoir consigner son témoignage, ce livre vient au bon moment. Il devrait de ce fait, être mis entre les mains de tous les jeunes.
En 1927, la Fédération des élus musulmans algériens avec les figures les plus marquantes, Ferhat Abbas et le docteur Bendjelloun, faisait irruption sur la scène politique, secouée alors par trop de brimades et de restrictions à l'encontre des intellectuels de la part de l'administration coloniale. En 1933, les élus algériens prenaient résolument la décision de démissionner en bloc. Ils étaient 950 à protester contre le fait qu'une délégation algérienne n'avait pas été reçue, à Paris, pour exposer les revendications du peuple algérien. C'était une bonne occasion pour montrer, au régime français, qu'ils existaient.
Peu avant, les imams salafistes se faisant un devoir de rendre confiance au peuple dans sa religion et dans sa langue sacrée du Coran, commençaient à se rassembler autour de l'imam de la mosquée Sidi Lakhdar, dite mosquée verte de Constantine, Abdelhamid Ben Badis, ancien étudiant de la Zitouna de Tunis dont il essayait de fonder, en 1911, une sorte de petite succursale vouée aux études théologiques dans la mosquée dont il avait la charge. Ce personnage charismatique, entouré des cheikhs Tayeb El-Okbi et Bachir El-Ibrahimi, éditait, en 1920, un premier journal des hommes religieux «El-Muntaqid» (le Censeur) et, en 1925, «Ech-Chihab» (le Météore). Un autre journal, en langue française, «La Défense», a été créé, en 1934, par le brillant cheikh Lamine Lamoudi, le compagnon de lutte d'Ibn Badis. Enfin, un dernier journal «El-Bassaïr» (la Clairvoyance) a été créé en 1936.
L'objectif de ces premières actions des imams, écrit Juliette Bessis, était :
«De faire triompher la vraie religion, la perfection de l'Islam ayant valeur d'exemple pour atteindre sa mission de triomphe universel et de combattre la mainmise des autorités coloniales sur l'Islam algérien aux moyens d'un clergé à la solde. L'impact prépondérant du mouvement sur le jeune nationalisme algérien qu'il marque profondément de son empreinte ne saurait faire de doute, qui, en définitive, appliquera la trilogie d'Ibn Badis : une religion l'Islam, une patrie l'Algérie, une langue l'arabe».
Oui, les Oulémas s'étaient donnés pour objectif de sortir le peuple algérien de l'apathie culturelle dans laquelle il avait été plongé par le biais d'une prédication «thaumaturgique», écrivait Mahfoud Smati, dans «Ibn Badis : un projet de renouveau». En effet, la société algérienne, de par le travail de sape de vos «envoyés spéciaux» – la plupart étaient des officiers supérieurs de ce redoutable corps expéditionnaire – pour nous entraîner et nous enliser dans l'obscurantisme, souffrait de plusieurs symptômes qu'il convenait d'éradiquer en prodiguant à ces maux le seul remède divin. Et les réformes que prônaient les Oulémas, se concevaient comme la panacée pour rompre avec un Etat opprimant et aliénant. Le savant musulman se devait de jouer son rôle de garant de la religion et veiller à la santé spirituelle de la société.
Dans cette perspective, Ibn Badis cherchait à inculquer aux Algériens un Islam réfléchi, fondé sur la pleine adhésion, volontaire bien sûr, et le dévouement désintéressé. A «l'Islam routinier ou l'Islam-héritage», toujours selon Mahfoud Smati, cet Islam qui n'est pas en mesure de provoquer le déclic, c'est-à-dire le redressement des nations, Ibn Badis opposait un Islam dynamique fondé sur les préceptes du Coran et la voie du Prophète. Les Oulémas algériens et Ibn Badis en tête, se réclamaient de ce courant dominé par la doctrine de Mohamed Abdou et l'école d'El-Manar de Rachid Redha.
De plus, René, l'ampleur du drame que vivait le peuple et les menaces de dissensions sciemment entretenues par le colonialisme suffirent pour inciter des militants nationalistes éprouvés à créer une association à caractère religieux et culturel qui devait s'amplifier pour devenir un vaste mouvement national. Les statuts de cette association faisaient état de son apolitisme de base et ne permettaient à ses membres aucune intrusion dans le domaine politique. Cela était bien sûr un moyen tactique pour prémunir le mouvement contre les harcèlements et les tracas de l'administration et préserver l'œuvre à laquelle les responsables entendaient se vouer. Parce que sinon, dès le départ, elle aurait connu le destin d'autres associations ou organisations mort-nées qui avaient annoncé «la couleur» dès les premiers instants de leur création. En réalité, le but de cette association, créée sous les auspices d'Ibn Badis, ne pouvait être que politique. J'aborderai, plus tard, dans un autre écrit, que je t'enverrai René, cette remarquable association qui a beaucoup donné pour l'éducation et la culture dans notre pays, en même temps qu'elle a fait l'objet de nombreuses attaques et critiques de toute part. Il fallait s'y attendre. Mais entre-temps laisse-moi te rappeler l'autre objectif des Oulémas qui était de propager nos doctrines religieuses et ressusciter notre langue et la culture arabes dans notre pays où sévissaient la dictature et la loi françaises, au moment où l'éducation était du ressort des autorités coloniales. Cette action, dans le cadre de l'apprentissage de la langue maternelle, soutenait mon distingué professeur Ali Mérad, ne pouvait donc laisser indifférents les musulmans et les pouvoirs publics. Que disait-il en substance ?
«Au-delà de ces conséquences culturelles immédiatement saisissables, elle posait pour l'avenir de l'Algérie des interrogations en termes politiques».
Ainsi, cette action de réhabilitation de la culture s'accompagnait d'une autre action simultanée, celle de la valorisation de la langue arabe. Ibn Badis affirmait, dans ce contexte, que la langue arabe était en danger, sur le point de disparaître et qu'il en allait de l'avenir culturel et historique du peuple algérien. Son discours était clair :
«Quelles que soient les suites qu'aura notre appel, nous aurons fait notre devoir. Nous sommes au bord de l'abîme. Si notre communauté ne se ressaisit pas d'urgence, il n'en restera plus, dans une cinquantaine d'années, qu'un souvenir».
Effectivement, René, la langue arabe aurait disparu parce que les tiens ne voulaient pas l'apprendre et, de plus, interdisaient son enseignement dans les écoles officielles françaises et même dans les quelques écoles libres, qu'on appelait les «médersas», et qui se comptaient sur les doigts d'une main. Je n'ai aucun plaisir à te rappeler cela, mais il est bon de reprendre ce sujet encore une fois pour te confirmer ce que je t'ai écrit dans les précédents paragraphes, concernant cette grave atteinte à notre identité. Et delà, il fallait apprendre la vôtre, pour communiquer, mais là aussi elle n'était pas accessible à tout notre peuple. Alain Ruscio, historien spécialiste de la colonisation, précisait à cet effet «que les Français dans leur majorité, ignorent la langue des colonisés. Ces derniers sont obligés d'apprendre celle des vainqueurs».
Cette modeste rétrospective sur notre atmosphère culturelle avant l'occupation et, bien après, lorsque vous étiez venus avec vos gros sabots, pour nous atomiser, veut dire, tout simplement, que les Algériens d'alors n'étaient pas ce qu'ont prétendu tes ancêtres. Ils n'étaient certainement pas analphabètes, rustres et revêches. Ils étaient beaucoup plus poussés vers les sciences, le progrès, que vers la nullité, l'ignorance ou l'inaptitude dont les tiens les ont injustement accablés. Ils étaient en quête de toute source, de tout document pouvant les instruire, les mettre sur la bonne voie et leur transmettre la science qui, déjà, tenait sa place de choix dans les centres où rayonnait le savoir, dans les principales mégapoles de l'Andalousie et des autres pays arabes, comme Tunis, Marrakech, Le Caire, Damas et Bagdad.
Nous avons de quoi être fiers quand nous apprenons cette contribution à la civilisation et à la pensée islamiques. Effectivement, notre fierté ne peut être que justifiée quand nous apprenons que notre pays a formé et a abrité d'augustes savants dont les œuvres continuent, jusqu'à nos jours, de retenir l'attention des chercheurs arabes et étrangers. Notre fierté est encore plus grande quand nous apprenons que les plus honnêtes érudits, chez les colonisateurs, admettaient la dimension de la culture et de la grandeur d'âme des Algériens. Les quelques témoignages que je vais donner ci-après, succinctement, démontrent, on ne peut plus clairement, la reconnaissance même timide, plutôt sournoise, de nos ennemis quant à notre passé florissant.
Le premier témoignage nous vient de Tocqueville, un témoignage d'un homme à multiples facettes car «partisan des razzias et de tous les moyens propres à désoler les tribus», comme le qualifiait C.-A. Julien. Il écrivait dans un rapport sans peur d'être ridicule :
«Autour de nous les lumières se sont éteintes, le recrutement des hommes de loi a cessé, c'est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle ne l'était avant de nous connaître».
Le deuxième témoignage nous vient de Pélissier de Raynaud, qui n'a rien de commun avec le sinistre Pélissier, le sanguinaire. L'historien, dont il s'agit, ou l'auteur des «Annales d'Alger», dont la première édition date de 1836, constatait amèrement, en montrant le vrai visage du colonialisme, vu par des Français de l'époque : «Jamais peut-être une occupation ne s'est faite avec autant de désordre administratif que celle d'Alger, même dans les siècles les plus barbares. Les hordes du Nord, qui s'arrachèrent les débris de l'Empire romain, se conduisaient avec plus de sagesse et de raison.»
N'est-ce pas là l'aveu que notre patrimoine culturel, ancestral, a bel et bien existé, mais qu'il a été dévasté, brûlé, dilapidé par les hordes de barbares qui se cachaient sous le manteau du corps expéditionnaire français ?
(A suivre)


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