Transports: 5400 bus vétustes seront remplacés au cours des 6 prochains mois    Les demi-finales de ce Championnat d'Afrique des Nations, c'est ce soir    Elimination de la sélection A' Madjid Bougherra en évoque les causes…    Cyclisme : Participation d'une sélection à deux prestigieux tours européens    Il y a 4.000 ans, les feuilles de calcul s'écrivaient sur des tablettes d'argile    « Cœur d'amande » de Yasmina Khadra revient en format poche    Un récit d'amour et de résilience    Attaf tient à Djeddah des entretiens bilatéraux avec son homologue koweïtien    La levée de la réserve sur l'article 15 alinéa 4 de la CEDAW, une décision souveraine en accord avec la juste compréhension des finalités de l'Islam    Blida: l'incendie de Hakou Feraoun "totalement maîtrisé"    Transport terrestre: l'importation des bus ouverte aux transporteurs    Judo / Mondiaux 2025 des cadets : l'Algérie présente avec quatre athlètes en Bulgarie    Affaires religieuses: lancement mardi du concours éliminatoire national dans le cadre de la Semaine nationale du Saint Coran    Tenue de l'IATF en Algérie, une affirmation forte de son engagement panafricaniste    Persistance de la vague de chaleur sur plusieurs wilayas du Nord    Fayçal Bousedraya élu nouveau président du Mouvement El Islah    Ouverture à Djeddah des travaux de la session extraordinaire de l'OCI sur la question palestinienne    Le MAE palestinien demande au Conseil de sécurité de rester "en session permanente" pour protéger les Palestiniens    Foot: lancement de la formation du 2e groupe pour l'obtention de la licence CAF    Ouverture à Alger de la 9e édition de "Alhane Wa Chabab"    Baddari préside une réunion consacrée aux préparatifs de la prochaine rentrée universitaire    Décès de Khaled Louma: condoléances du président de l'APN    Khaled Louma, le rockeur autochtone n'est plus    Décès du journaliste et artiste Khaled Louma: la DG de la communication à la Présidence de la République présente ses condoléances    Sentiment d'hostilité urbaine, absences d'espaces ESverts et jardins vides    Chute mortelle du 2e étage d'un sexagénaire à Aïn Tédelès    Arrestation de diverses bandes criminelles    « L'audace de notre jeunesse et l'essor de la numérisation, peuvent être transformés en solutions locales qui profiteront à l'économie nationale »    Les sionistes font la pluie et le beau temps    Une transition politique fragile    Un cessez-le-feu immédiat exigé !    8 millions de m3 économisés en 2024 grâce à la réparation des fuites    PMI Algérie et Algeria Startup challenge lancent la 4ème Edition du « Harm reduction Awards »    CHAN: "Nous sommes très déçus de l'élimination"    Examen des moyens de renforcement de la coopération et de l'échange d'expertises    L'ONSC organise une rencontre interactive de concertation    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ce qui reste à la littérature, de Salman Rushdie à Yasmina Khadra
De la publicité littéraire
Publié dans La Nouvelle République le 19 - 08 - 2022

Entre Salman Rushdie, qui vient de recevoir un coup de couteau au cou à New York, et Yasmina Khadra, qui vient de terminer une villégiature algérienne sans encombre, il y a un point commun : la littérature comme spectacle, ravivant des surenchères outrées.
Salman Rushdie et Yasmina Khadra cultivent l'art de se vendre à peu de frais. Avant les fulgurantes messes d'automne de la littérature mondiale, ils sont déjà aux aguets derrière les ramures d'un été pourrissant.
Faut-il politiser le prix Nobel
de littérature ?
Sur la chaine de télévision française BFMTV, un philosophe, tout bouleversé par l'attaque au couteau contre l'écrivain anglais Salman Rushdie à New York, a proposé de lui attribuer le Prix Nobel de littérature 2022, en estimant que cette récompense ne devrait en aucun cas lui échapper. S'il est établi que les prix littéraires français relèvent plus des rapports de force entre différents acteurs de la scène littéraire germanopratine que de leur qualité d'écriture, devrait-il en être ainsi pour la célèbre consécration littéraire mondiale?
Convient-il de rappeler que les prix littéraires, s'ils satisfont des egos démesurés d'écrivains bravaches, ne sont pas indispensables à la littérature ? Jusqu'au début du XXe siècle, il n'y avait ni Goncourt ni Nobel, encore moins de Pulitzer et de Booker Prize. Pourtant, c'est le XIXe siècle qui a donné ses grandes doctrines à la littérature en l'inscrivant dans l'universalité. Dans l'histoire mondiale des lettres, que pouvaient souhaiter les Allemands Goethe et Herder, le seul prestige reconnu était celui de la créativité littéraire. Les compétitions de légitimité restaient attachées à l'endogroupe des écrivains, jamais au-delà, et en dernier ressort, les lecteurs ne pouvaient que les pressentir.
Dans ce siècle, il n'y a plus de cénacles et de doctrines littéraires et la littérature est une vaste plaine nue et sans reliefs. Ce sont, désormais, des lobbies qui décident de ce que doit être la littérature et comment la consommer. En France, le Goncourt est vendu tout près des rayons de lessive dans les supermarchés au moment où les librairies ferment leurs portes partout dans ce pays où la littérature est entrée dans une consommation de masse. Un Goncourt moyen est généralement estimé autour du million d'exemplaires que les Français achètent mais ne lisent jamais ; c'est seulement une idée de cadeau de fin d'année. C'est, présentement, le cas du Nobel qui peut culminer à plusieurs millions d'exemplaires non pas d'une œuvre en particulier mais pour l'ensemble de l'œuvre de l'écrivain primé en fonction de l'achat de droits de traduction dans des dizaines de langues.
En fait, relativement au Nobel où est la littérature ? Celle qui marque l'histoire de l'Humanité, celle qui rassemble. Le Nobel n'a jamais été un prix sans tache infâmante. Au plan international, la liste des écrivains distingués fera toujours peser la balance du côté de la France, devançant des Etats-Unis d'Amérique et la Grande Bretagne, en dévoilant un monde d'injustices. Philip Roth est certainement un grand écrivain américain du dernier demi-siècle, mais le jury du Nobel l'a radicalement écarté pour récompenser son compatriote le chanteur de folk Bob Dylan, en 2016.
Il est rare qu'un Prix Nobel ne soit controversé. Quel Nobel de langue espagnole (en dehors de Pablo Neruda, en 1971) ferait oublier Jorge Luis Borgès, déclassé dans la course au prix pour de fallacieuses raisons politiques ? Il n'y en a pas. Que pèse, en termes de génie littéraire, Gabriel Garcia Marquez dont toute l'œuvre compilée ne vaut pas une seule nouvelle de « Fictions » (1944) ou encore celle du crapuleux Mario Vargas LLosa (2010), qui en est à sa troisième nationalité, évidemment française, après celle du Pérou et de l'Espagne ? Et comment, en Russie, faire passer peu glorieusement son tour à Maxime Gorki et à Vassili Semionovitch Grossman (« Vie et Destin », 1950-1962) ? Et dans la littérature de langue française dans le monde, passé aussi le tour de l'écrivain algérien Rachid Boudjedra, littérairement supérieur aux deux derniers Nobel français Jean-Marie-Gustave Le Clézio (2014) et Patrick Modiano (2008). Certes, mais les auteurs de langue française Marcel Proust et Louis-Ferdinand Céline étaient disqualifiés alors que l'écrivain colonialiste Albert Camus (1957) était un prix de rattrapage dû à la France. Décidément recalés du Prix de l'Académie suédoise, les écrivains de langue allemande Franz Kafka, Stefan Zweig, Robert Musil, Hermann Broch (Autriche, Autriche-Hongrie), Berthold Brecht, Herman Hesse (Allemagne), l'Américaine Virginia Woolf, l'Anglais Graham Greene, le Tchèque Milan Kundera, l'Albanais Ismaël Kadaré (Albanie). Mais aussi Yukio Mishima, Yasunari Kawabata (Japon), Lu Xun, Mao Dun (Chine). Mahmoud Derwish (Palestine), Amos Oz (Israël), Tahar Ouettar (Algérie), Combien de consécrations du Nobel de Littérature furent-elles honteuses ? Celles de l'Anglais Winston Churchill (1953), qui n'a jamais rien écrit, et du Turc Orhan Pamuk qui ne le devait, en 2006, que pour avoir répandu dans le monde le génocide arménien, en accusant son pays ?
Mais, enfin Salman Rushdie ? Ses « Versets sataniques » (1988) relèvent simplement de la provocation littéraire envers la religion musulmane et ses millions d'adeptes dans le monde. S'agissant de l'Islam, il n'a pas la clarté des écrivains chrétiens français Georges Bernanos ou Béatrix Beck, interrogeant plus les écarts des hommes de liturgie que la lettre biblique. Rushdie et son œuvre ne méritaient pas plus que le mépris de l'Imam Khomeiny et des fqihs iraniens, qui ignoraient cette tournure fâcheuse, volontairement iconoclaste de toute littérature, fut-elle persane. Qui se sont empressés de tirer l'arme fatale de la fetwa au moment où la littérature dans ses débordements ne requerrait que de sévères objurgations. S'il faut dénoncer impérativement les agressions et les insolites fetwa contre les écrivains, qui ne changeront pas d'un iota la destinée de la littérature, il convient aussi de ne pas laisser l'actualité, quel qu'en soit le registre, du fait divers au politique, prendre la place de la littérature. Cet asservissement du Nobel à l'histoire immédiate, à la politique n'est-il pas confirmé, ces dernières heures, par le soutien qu'apporte un autre philosophe français, le fauteur de troubles dans le monde Bernard-Henri Lévy, à l'attribution sans examen du Prix Nobel de Littérature 2022 à Rushdie ? Hélas !
Il est de plus en plus admis dans les nuées littéraires que la provocation d'écrivain lorsqu'elle est sûrement esthétisée devient un passe-partout pour la gloire littéraire – même si dans le cas de Rushdie, elle ne se fonde sur aucun talent d'écrivain. Ainsi, un coup de poignard dans une conférence à New York devient-il un irrécusable argument pour obtenir la plus fortunée récompense littéraire mondiale ? Il siéra, sans doute, aux académiciens de Stockholm d'ajouter à leur liste un écrivain au succès de scandale et un scandale au scandale. Mais, ils en ont l'habitude, n'hésitant pas, contre toute règle morale, de consacrer deux membres de leur académie ? Comment taire les navrantes péripéties érotico-littéraires qui grèvent le bon renom de l'institution royale de Stockholm ? Ces dernières années, le Prix Nobel de Littérature a témoigné de l'irrésistible déclin de son jury et de son administration, précipités dans une sordide histoire de sexe dans laquelle les Français et la France auront pris la plus détestable part. Et, c'est encore la France qui pousse à la politisation d'une consécration littéraire mondiale. Pourquoi la communauté littéraire internationale ne proscrirait-elle pas ce prix qui dénature les valeurs d'humanité de la littérature, espace de rapprochements dans le monde. Basta, la Suède et ses tripotages !
L'improbable « roman national »
de Chems Eddine Chitour
Ahmed Bensaada m'a signalé la lecture d'un texte du professeur Chems Eddine Chitour, essayiste et ancien ministre du président Tebboune, publié dans les chroniques libres du site français d'information Médiapart. Chitour y défend, sans aucune distance critique, Yasmina Khadra, relativement à son récent séjour algérien. C'est son droit de le flatter et c'est aussi le droit de tout lecteur algérien de le faire, y compris à contrario. Je retire de cette lecture un concept inapproprié, que l'éminent professeur ne maîtrise pas. Confond-il, contre toute attente, « roman national » – ou « récit national » – avec « littérature nationale » ? Ce sont des phénomènes différents. Dans l'histoire littéraire, il est plutôt question d'« écrivain national » et, en Algérie, cette distinction a été consentie post-mortem, dans les années 1960-1970, à Mouloud Feraoun, assassiné par l'OAS, puissamment investi par l'institution scolaire.
Abdellali Merdaci
* Linguiste, écrivain, critique et historien de la littérature


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.