Les études sur ce phénomène se sont multipliées depuis trois décennies, en janvier 2015, par le ministère de l'Intérieur, le 3 mars 2017 ; le 17 mars 2021 par le ministère du Commerce, puis en date du 23 mars 2021, d'une étude conjointe entre le ministre des Finances et le Conseil, économique, social et environnemental, rapport qui devait être remis au président de la République à fin 2021, annonce une source gouvernementale. Une nouvelle promesse de résoudre le poids de l'informel annoncé officiellement par le ministre du Commerce en novembre 2022, problème non résolu en 2024. Et entre janvier et mai 2025, les mêmes promesses, mais par des actions purement administratives et autoritaires. Comment définir la sphère informelle ? Le concept de «secteur informel» apparaît pour définir toute la partie de l'économie qui n'est pas réglementée par des normes légales. En marge de la législation sociale et fiscale, elle échappe à la comptabilité nationale et donc à toute régulation de l'Etat, encore que récemment à l'aide de sondages, elle tend à être prise en compte. Cette sphère utilise des billets de banques au lieu de la monnaie scripturale (chèques) ou électronique faute de confiance, en raison des situations soit de monopole ou d'oligopoles avec des liens entre certaines sphères et la logique rentière. Il y a lieu de différencier la sphère informelle productive qui crée de la valeur de la sphère marchande spéculative qui réalise un transfert de valeur. L'économie informelle est donc souvent qualifiée de «parallèle», «souterraine», «marché noir» et tout cela renvoie au caractère dualiste de l'économie, une sphère qui travaille dans le cadre du droit et une autre sphère qui travaille dans le non- droit, étant entendu que le droit est défini par les pouvoirs publics en place. Pour des actions opérationnelles, les politiques qui doivent éviter le juridisme. Dans chacun de ces cas de figure, nous assistons à des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste. La formation des prix et des profits dépendent dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international (la sphère informelle étant en Algérie mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et en dernier lieu leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques, en fait par rapport à l'Etat, le paiement de l'impôt direct étant un signe d'une plus grande citoyenneté, les impôts indirects étant injustes par définition puisque étant supportés par tous les citoyens riches ou pauvres. Aussi, l'économie informelle est réglée par des normes et des prescriptions qui déterminent les droits et les obligations de ses agents économiques ainsi que les procédures en cas de conflits ayant sa propre logique de fonctionnement qui ne sont pas ceux de l'Etat, nous nous retrouvons devant un pluralisme institutionnel/juridique contredisant le droit traditionnel enseigné aux étudiants d'une vision moniste du droit. En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place, c'est-à-dire des institutions en Algérie. Pour comprendre l'extension de la sphère informelle, l'on doit partir d'une analyse globale, des mécanismes de régulation internes largement influencés par la régulation de l'économie mondiale, l'économie algérienne étant une économie totalement rentière. Il existe des liens dialectiques entre la logique rentière et la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen mais en s'autonomisant en tant que pouvoir bureaucratique. Dans ce cadre, il serait intéressant d'analyser les tendances et les mécanismes de structuration et restructuration de la société et notamment des zones urbaines, sub-urbaines et rurales face à la réalité économique et sociale des initiatives informelles qui émergent impulsant une forme de régulation sociale. Cela permettrait de comprendre que face aux difficultés quotidiennes, le dynamisme de la population s'exprime dans le développement des initiatives économiques informelles pour survivre, ou améliorer le bien-être, surtout en période de crise, notamment pour l'insertion sociale et professionnelle de ceux qui sont exclus des circuits traditionnels de l'économie publique ou de la sphère de l'entreprise privée. Méthodes de calcul et poids de la sphère informelle Plusieurs approches peuvent être utilisées pour évaluer l'activité dans le secteur informel, les approches choisies dépendant des objectifs poursuivis. Elles peuvent être très simples, comme obtenir des informations sur l'évolution du nombre et des caractéristiques des personnes impliquées dans le secteur informel, ou plus complexes, comme obtenir des informations détaillées sur les caractéristiques des entreprises impliquées, les principales activités exercées, le nombre de salariés, la génération de revenus ou les biens d'équipement. Le choix de la méthode de mesure dépend des exigences en termes de données, de l'organisation du système statistique, des ressources financières et humaines disponibles et des besoins des utilisateurs, en particulier les décideurs politiques participant à la prise de décisions économiques. Nous avons l'approche directe ou micro-économique fondée sur des données d'enquêtes elles-mêmes basées sur des réponses volontaires, de contrôle fiscal ou de questionnaires concernant tant les ménages que les entreprises. Elle peut aussi être basée sur la différence entre l'impôt sur le revenu et le revenu mesuré par des contrôles sélectifs. Nous avons l'approche indirecte ou macro-économique basée sur l'écart dans les statistiques officielles entre la production et la consommation enregistrée. On peut ainsi avoir recours au calcul des écarts au niveau du PIB (via la production, les revenus, les dépenses ou les trois), de l'emploi, du contrôle fiscal, de la consommation d'électricité et de l'approche monétaire. Les méthodes directes sont de nature micro-économique et basées sur des enquêtes ou sur les résultats des contrôles fiscaux utilisés pour estimer l'activité économique totale et ses composantes officielles et non officielles. Les méthodes indirectes sont de nature macroéconomique et combinent différentes variables économiques et un ensemble d'hypothèses pour produire des estimations de l'activité économique. Elles sont basées sur l'hypothèse selon laquelle les opérations dissimulées utilisent uniquement des espèces. Ainsi, en estimant la quantité d'argent en circulation, puis en retirant les incitations qui poussent les agents à agir dans l'informalité (en général les impôts), on devrait obtenir une bonne approximation de l'argent utilisé pour les activités informelles. Les méthodes basées sur les facteurs physiques utilisent les divergences entre la consommation d'électricité et le PIB. Cette méthode a ses limites car elle se fonde sur l'hypothèse d'un coefficient d'utilisation constant par unité du PIB qui ne tient pas compte des progrès technologiques. Enfin, nous avons l'approche par modélisation qui consiste à utiliser le modèle des multiples indicateurs pour estimer l'indice de l'économie informelle. Qui présuppose l'existence de plusieurs propagateurs de l'économie informelle incluant la lourdeur de la réglementation gouvernementale et l'attitude sociétale. La sphère informelle et la politique socio-économique La lutte contre la sphère informelle implique avant tout l'efficacité des institutions et une moralisation de la pratique des structures de l'Etat elles-mêmes au plus haut niveau, en raison d'un niveau de dépenses en contradiction avec les pratiques sociales. C'est seulement quand l'Etat est droit est qu'il peut devenir un Etat de droit. Quant à l'Etat de droit, il faut comprendre qu'il ne s'agit pas d'un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais d'un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d'une certaine philosophie du droit d'une part, d'autre part par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d'une vision future de ses perspectives. Dans ce cadre, la sphère informelle en Algérie est favorisée par l'instabilité juridique et le manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs qu'ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long termes (investissements inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l'importation, solution de facilité). Or, ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique, ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise induit un rapatriement massif des capitaux vers leurs pays d'origine. Que l'on visite les sites où fleurit l'informel de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l'on peut lever des milliards de centimes à des taux d'usure mais avec des hypothèques car il existe une intermédiation financière informelle. Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l'effet inverse et lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale, la société enfante ses propres règles pour fonctionner. Des règles qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer. Les transactions au niveau des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières, en sont le parfait exemple. L'utilisation de divers actes administratifs de l'Etat à des prix administrés du fait des relations de clientèles transitent également par ce marché grâce au poids de la bureaucratie qui trouve sa puissance par l'extension de cette sphère informelle. Cela pose d'ailleurs la problématique des subventions qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisés (parce généralisables à toutes les couches) rendant opaque la gestion de certaines entreprises publiques et nécessitant à l'avenir que ces subventions soient prises en charges non plus par les entreprises mais budgétisées au niveau du Parlement pour plus de transparence Cela ne concerne pas uniquement les catégories économiques mais d'autres segments difficilement quantifiables. Ainsi, la rumeur est le système d'information informel par excellence, accentué en Algérie par la tradition de la transmission orale, rumeur qui peut être destructrice mais n'étant que la traduction de la faiblesse de la démocratisation du système économique et politique, donnant d'ailleurs du pouvoir à ceux qui contrôlent l'information. 2- Les 10 raisons de l'écart du cours du dinar algérien entre le marché officiel et celui du marché parallèle Premièrement, le faible de production et de productive, les surcoûts des projets influant indirectement sur la cotation du dinar, y compris les surfacturations des projets en devises et dinars algériens ; deuxièmement, la baisse des transferts avec les décès des retraités à l'étranger, cette baisse de l'offre de devises ayant été contrebalancée par les fortunes acquises régulièrement ou irrégulièrement par la communauté algérienne localement et à l'étranger qui font transiter irrégulièrement ou régulièrement des devises en Algérie ; Deuxièmement, le niveau du déficit budgétaire qui selon la loi de finances 2025 sera de 63,60 milliards de dollars contre 46,04 milliards de dollars en 2024 et 30,50 milliards de dollars en 2022, cet accroissement du déficit étant dû à la baisse des recettes en devises de Sonatrach qui sont passées de 60 milliards de dollars en 2022, 50 en 2023 et de 44 milliards de dollars en 2024, devraient s'établir à 35 milliards de dollars avec un cours du Brent autour de 60 dollars au prix constant du fait de la dévaluation du dollar, 1,14 dollar un euro contre 1,02 avant l'annonce des taxes douaniers ; Troisièmement , les opérations d'importation de voitures neuves et d'occasion de moins de trois ans par les résidents algériens ; Quatrièmement, la demande provient de simples citoyens qui voyagent : touristes, ceux qui se soignent à l'étranger et les hadjis du fait de la faiblesse de l'allocation devises dérisoire d'environ 100 euros ; Cinquièmement , face aux pénuries l'amplification du commerce dit du « cabas » que l'on ne combat pas par des mesures administratives car satisfaisant une demande du fait des pénuries accentuant la sphère informelle ; Sixièmement, les agences de voyages qui, à défaut de bénéficier du droit au change, recourent, aux devises du marché noir étant importateurs de services exportant des devises au lieu d'en importer comme le voudrait la logique touristique ; Septièmement, pour se prémunir contre l'inflation, et donc la détérioration du dinar algérien les ménages et certains opérateurs privés placent leur capital-argent dans l'immobilier, achètent des biens durables à forte demande comme les pièces détachées, facilement stockables, l'achat d'or ou de devises fortes ; Huitièmement, le manque de confiance vis-à-vis de l'avenir, l'anticipation d'une dévaluation rampante du dinar, a un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales, dont le taux d'intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, s'ils veulent éviter comme par le passé, l'assainissement via la rente des hydrocarbures ; Neuvièmement, le retard pris dans l'octroi de la nouvelle allocation touristique de 750 euros par adulte et par an, suite au nouveau droit de change et qui n'est toujours pas entré en vigueur, faute d'un nouveau règlement de la Banque d'Algérie pour fixer les conditions et les modalités d'octroi, cette opération devant s'élever à environ 4 milliards de dollars an, selon le ministre des finances. Abderrahmane Mebtoul Professeur des Universités Expert international