La métropole palestinienne, où l'état de famine a été déclaré le 22 août, n'est plus que l'ombre d'elle-même. «Dernier refuge pour les familles du nord de la bande de Ghaza, elle devient rapidement un lieu où l'enfance ne peut pas survivre», a-t-elle affirmé par visioconférence. « C'est une ville de peur, d'exode et de funérailles». Elle décrit un quotidien où l'impensable ne se profile pas à l'horizon : «Il est déjà là». Plus de la moitié des centres de nutrition locaux soutenus par l'Unicef ont cessé de fonctionner. La malnutrition ronge les plus jeunes résidents. Dans les hôpitaux qu'elle visite, des enfants squelettiques meurent de faim, d'autres gisent sur des lits, « leurs petits corps déchiquetés » par des éclats d'obus. Des bébés perdent la vue, leurs cheveux et la force de marcher. «Une heure dans une clinique de nutrition suffit à effacer toute question quant à l'existence d'une famine», a-t-elle insisté, en réponse à certains hauts responsables israéliens, qui nient l'existence de la famine dans l'enclave. Vies suspendues Les infrastructures de santé dans la ville s'effondrent. Cinq hôpitaux sur 11 au total bénéficient encore d'unités de soins intensifs néo-nataux. Selon la porte-parole, la quarantaine d'incubateurs dont ils disposent fonctionne « à 200 % de leur capacité », contraints d'accueillir deux nouveau-nés par appareil. « Pas moins de 80 bébés luttent pour leur vie dans des machines surpeuplées », indique-t-elle, dépendant d'un carburant qui menace de s'épuiser. Dans ce chaos sanitaire, les drames individuels se succèdent. Tess Ingram raconte avoir rencontré Muna, 13 ans, amputée après une frappe qui a tué sa mère et ses deux jeunes frères et sœurs : « J'ai très mal, mais je ne suis pas triste pour ma jambe. Je suis triste d'avoir perdu ma mère », lui a-t-elle confié lundi. « Dernier refuge pour les familles du nord de l'enclave, la ville de Gaza devient rapidement un lieu où l'enfance ne peut pas survivre », a déclaré Tess Ingram, porte-parole de l'Unicef à Ghaza. « Dernier refuge pour les familles du nord de l'enclave, la ville devient rapidement un lieu où l'enfance ne peut pas survivre » selon la porte-parole de l'Unicef à Ghaza. L'Unicef continue d'acheminer de la nourriture, de l'eau potable, des biscuits énergétiques ou encore un soutien psychologique. Mais l'ampleur des besoins dépasse largement les capacités. Depuis février, le nombre d'enfants admis pour malnutrition sur l'ensemble du territoire gazaoui a explosé, passant de 2 000 par mois à 13 000 au mois de juillet. Selon l'agence, 500 à 600 camions d'aide seraient nécessaires chaque jour pour répondre aux besoins élémentaires. Or, « l'ONU et ses ONG partenaires doivent s'accommoder en moyenne de 41 camions par jour », a rappelé Tess Ingram. Les blocages de l'armée israélienne sont multiples, aussi bien au point de passage vers Ghaza qu'au niveau de la circulation et de la distribution à l'intérieur de l'enclave. La porte-parole a exhorté la communauté internationale à agir. L'Unicef réclame 716 millions de dollars pour sa réponse à Ghaza en 2025. Pour l'heure, l'agence a reçu moins de 40 % des financements nécessaires. La nutrition, secteur vital, n'est couverte qu'à 17 %. Au-delà des chiffres, Tess Ingram martèle l'urgence morale : «La vie des Palestiniens est en train d'être démantelée, régulièrement mais sûrement. (...) Le coût de l'inaction se mesurera à l'aune de la vie des enfants enterrés dans les décombres – épuisés par la faim et réduits au silence avant même d'avoir eu l'occasion de parler». Plus de droit à l'éducation Le mois de septembre de chaque année, marque habituellement le début de la rentrée scolaire partout dans le monde, mais à Ghaza. Et à cause de la guerre, plus de 700 000 enfants de l'enclave palestinienne risquent d'être privés d'école pour la troisième année consécutive, préviennent les agences humanitaires des Nations unies. La rentrée devait avoir lieu le 1er septembre, mais depuis le 7 octobre 2023, les enfants ne vont plus à l'école. Depuis presque trois ans, la majorité des enfants vivent loin de chez eux, souvent sous des tentes, dans un climat de privation et un paysage de destructions. Environ 56 000 enfants âgés de six ans devraient entrer à l'école pour la première fois cette année. L'OCHA précise que sur les plus de 660 000 élèves ayant déjà perdu deux années scolaires consécutives, quelque 71 000 d'entre eux ne peuvent pas passer à l'enseignement supérieur car ils n'ont pas pu passer les examens généraux de l'enseignement secondaire (Tawjihi) au cours des deux dernières années. Selon le groupe sectoriel de l'ONU chargé de l'éducation, seuls environ 38 % des enfants d'âge scolaire (250 000 sur 658 000) ont pu accéder à une forme d'apprentissage organisée ou soutenue par des agences au cours des deux dernières années. Grâce à des espaces d'apprentissage temporaires, les enfants ont pu profiter d'une combinaison de soutien psychosocial, d'activités récréatives et d'une certaine continuité de l'éducation. « En d'autres termes, plus de 60 % des enfants d'âge scolaire n'ont eu accès à aucune forme d'apprentissage ou de soutien pendant près de deux ans », a regretté l'OCHA. Seuls 1.730 élèves de la promotion 2022-2023 ont pu passer les examens « Tawjihi » organisés par le ministère de l'éducation et de l'enseignement supérieur en juillet 2025, dont environ 94 % ont été reçus. Il est prévu d'organiser des examens supplémentaires pour la promotion 2023-2024 au cours des deux prochaines semaines. Plus largement, les partenaires chargés de l'éducation continuent de faire face à d'énormes défis pour étendre l'accès à l'éducation aux enfants dans un contexte d'hostilités, de bombardements, de destructions, de déplacements, d'entraves à l'accès et de contraintes financières. Plus de 86 % de Ghaza se trouve dans des zones militarisées par Israël ou dans des zones soumises à des ordres de déplacement. Selon l'OCHA, 166 espaces d'apprentissage temporaires ont été contraints de suspendre leurs activités en raison de l'insécurité et des ordres de déplacement depuis le début de l'année 2025. Au cours de la même période, 239 espaces d'apprentissage temporaires supplémentaires ont été détruits ou fermés en raison de contraintes financières. L'accès limité à Internet entrave l'apprentissage en ligne, y compris les cours organisés par l'UNRWA et le ministère. 97% des écoles détruites.. Les attaques contre l'éducation et les infrastructures éducatives se poursuivent également, notamment les frappes aériennes et les bombardements par l'armée israélienne sur des écoles accueillant des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Au total, 394 incidents ont été enregistrés par le groupe sectoriel sur l'éducation depuis octobre 2023, dont 117 entre janvier et août 2025. «Ces attaques tuent et blessent non seulement des civils, mais alimentent également la peur parmi les parents, les enfants et les enseignants, ce qui nuit à la participation aux activités éducatives d'urgence », déplore l'OCHA. Le système éducatif de l'enclave palestinienne est ainsi au bord de l'effondrement, presque tous les bâtiments scolaires ayant été endommagés depuis le début de la guerre. De son côté, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) note qu'Israël a détruit partiellement ou totalement 97 % des écoles de Ghaza, sur la base d'images satellites fournies par le Centre satellitaire des Nations unies (UNOSAT) en date du 8 juillet. La destruction de ces écoles intervient après que la majorité d'entre elles ont été transformées en abris pour accueillir les personnes fuyant les bombardements israéliens. Selon l'UNOSAT, plus de neuf écoles sur dix, y compris celles de l'UNRWA, devront être entièrement reconstruites ou faire l'objet de lourds travaux de réhabilitation pour redevenir fonctionnelles. Samir Sabek