Le Festival de Venise a vécu, ce mercredi 3 septembre, l'un de ses moments les plus forts avec la projection de «La Voix de Hind Rajab».Ce film, signé par la réalisatrice franco-tunisienne Kaouther Ben Hania, retrace l'histoire tragique d'une fillette palestinienne de cinq ans, tuée à Gaza en janvier 2024. Inspirée de faits réels, l'œuvre a déclenché une véritable onde d'émotion dans la salle, saluée par une ovation d'une intensité rarement observée à la Mostra. Dès les premières images, le silence lourd de l'auditorium a été rompu par des applaudissements nourris. Puis les spectateurs, debout, ont brandi des drapeaux palestiniens et lancé des slogans de soutien. Sur scène, les acteurs palestiniens et jordaniens du casting sont apparus les yeux rougis, incapables de retenir leurs larmes. La réalisatrice, visiblement surprise par l'ampleur de la réaction, a remercié le public d'une voix tremblante. À ses côtés se tenaient Rooney Mara et Joaquin Phoenix, venus soutenir le film en tant que producteurs exécutifs, aux côtés d'autres grands noms comme Brad Pitt, Alfonso Cuarón et Jonathan Glazer. Quelques heures plus tôt, l'équipe avait foulé le tapis rouge vêtue de noir, brandissant une photo de la petite Hind. Ce geste sobre et puissant a immédiatement placé la soirée sous le signe de la mémoire et du recueillement. « C'est un rêve devenu réalité », a confié Kaouther Ben Hania, expliquant qu'elle n'avait jamais imaginé que ce projet, né presque par hasard, puisse toucher un public aussi large. Elle raconte avoir découvert un enregistrement d'appel d'urgence de la fillette, voix d'une détresse brute, puis avoir contacté la famille avant de se lancer dans l'écriture du scénario. Le film, d'une durée d'une heure et demie, s'articule autour d'un huis clos oppressant : celui du centre d'appel du Croissant-Rouge palestinien. On y entend la voix d'Hind, implorant qu'on vienne la secourir alors qu'elle se trouve coincée, seule, dans une voiture criblée de balles. Les véritables enregistrements de ces échanges tragiques ont été intégrés au récit, renforçant la force émotionnelle du film. À travers ces dialogues, le spectateur est confronté aux dilemmes insoutenables des secouristes, pris entre leur volonté d'intervenir et les règles qui les paralysent. Entre fiction et documentaire, La Voix de Hind Rajab ne cherche pas à enjoliver la réalité. Les comédiens, parmi lesquels Saja Kilani, Amer Hlehel, Clara Khoury et Motaz Malhees, prêtent leurs voix et leur corps à un drame où chaque réplique semble être un cri. L'utilisation d'images captées sur le vif par de vrais humanitaires, parfois avec un simple téléphone, confère au récit une authenticité brute et insoutenable. Lors de la conférence de presse, Saja Kilani a résumé l'esprit du projet : « Ce n'est pas un film d'opinion, c'est la vérité. Hind a crié pour vivre. Nous avons laissé une enfant supplier en vain ». L'écho du film dépasse le cadre de la Mostra. Avant même la projection, une manifestation de soutien au peuple palestinien avait rassemblé plusieurs milliers de personnes non loin du festival. Dans ce contexte, l'ovation de Venise résonne comme un prolongement de cette mobilisation. Kaouther Ben Hania n'a cessé de rappeler que la voix d'Hind n'était pas seulement celle d'une enfant, mais celle de Gaza tout entière, enfermée et impuissante. La réception triomphale du film ouvre désormais la voie à un parcours international. Après Venise, il sera présenté à Toronto, Londres, Saint-Sébastien et Busan. La Tunisie l'a choisi pour représenter le pays aux prochains Oscars, confirmant son statut de film-événement. Mais au-delà des récompenses, c'est surtout la charge symbolique et politique de ce récit qui marque les esprits. Cette 82e édition du festival, déjà empreinte d'un climat engagé, trouve dans La Voix de Hind Rajab son cri le plus puissant. Une œuvre qui, en donnant chair et voix à une enfant disparue, rappelle que derrière chaque chiffre de victime se cache une histoire, un visage et une vie interrompue trop tôt.