Fondamentalement, que recouvre la notion de « civilisation » ? On encense souvent certaines civilisations. On s'émerveille pour leurs grands ouvrages. Mais on oublie que la majorité de ces « civilisations » furent dominées par de sanguinaires dictatures, comme celles des Pharaons, des empereurs de Chine, des rois de Sumer, pour ne citer que les plus célèbres. Ces potentats n'hésitaient pas à assassiner toute leur cour pour affermir leur pouvoir, ou emporter toute la cour avec eux dans leurs tombes ou sarcophages après la mort, à décimer leur population par des travaux éprouvants sur les champs ou sur les chantiers de construction pour bâtir des palais royaux ou des pyramides. De nos jours, le culte de ces civilisations génocidaires a pour dessein de conditionner les respectifs peuples contemporains de chaque pays à entretenir et à galvaniser leur fibre patriotique, par conséquent à nourrir l'orgueil de grandeur de leurs oppresseurs actuels. Cette espèce d'infatuation patriotique civilisationnelle constitue un ferment idéal pour le racisme, la xénophobie, le fascisme, la guerre. On prêche l'amour de « Sa » prétendue civilisation légendaire pour mieux rejeter les autres « civilisations », autrement dit les autres peuples « barbares ». On prétend qu'à notre époque, pourtant dominée par le capitalisme mondialisé, culturellement uniformisé, sociologiquement standardisé, architecturalement unifié, « les Musulmans » représenteraient une civilisation différente, « les Chinois » seraient pourvus d'une civilisation singulière, les Occidentaux dotés d'une civilisation spécifique. Par ces discours réactionnaires, outre l'affermissement du sentiment de supériorité, le dessein est de distiller une mentalité de la peur, une atmosphère de psychose sécuritaire : « défendons-nous contre les musulmans ». « Protégeons-nous contre les Chinois ». « Armons-nous contre les ennemis de l'intérieur porteurs d'une religion ou d'une culture menaçante». En vérité, les classes dirigeantes bourgeoises de tous les pays dédaignent royalement le concept de civilisation. Elles ne reconnaissent que la civilisation du profit, ne valorisent que la civilisation de l'accumulation de capital. Elles distillent cette espèce de culte de « civilisation » à leurs peuples respectifs dominés et exploités pour mieux les dévoyer de leurs intérêts authentiques de classe, autrement dit de leurs préoccupations relatives à leurs conditions de vie paupérisées. En tout cas, comme le notait l'écrivain Georges Darien : La civilisation c'est l'argent mis à la portée de ceux qui en possèdent ». Sur le fondement de ce paradigme idéologique, depuis plusieurs années, au nom de ce concept fallacieux de civilisation, on prétend que les guerres contemporaines « opposent les Occidentaux et les Orientaux », la civilisation occidentale et la civilisation « orientale ». En effet, Georges Bush, dans ses guerres impérialistes contre l'Orient, n'hésita pas à user du vocable « guerre des civilisations », comme si la civilisation capitaliste hautement technologique pouvait être menacée par des religieux féodaux musulmans. Perspective absurde. Actuellement, à la faveur de la guerre d'extermination menée par l'Etat nazi d'Israël contre les Palestiniens de Gaza, les médias français affirment, pour occulter le caractère colonial du conflit israélo-palestinien, que l'organisation islamiste gazaouie, le Hamas, mène une guerre de civilisation contre Israël, donc l'Occident. Nous aurions affaire à une guerre civilisationnelle menée par le « monde musulman » obscurantiste contre l'Occident capitaliste moderne. Rien de plus faux. Les régimes arabes et musulmans du monde entier sont les plus fidèles alliés des puissances capitalistes occidentales En effet, personne n'ignore les accointances contemporaines entre le capitalisme et l'islam, la convergence d'intérêts entre l'impérialisme et les Etats musulmans. Est-ce au nom de la défense de la « civilisation occidentale » que furent menées les guerres contre l'Afghanistan, l'Irak, la Syrie, en détruisant au passage les lieux de naissance de la civilisation néolithique ? Toutes ces guerres revêtirent un caractère impérialiste. Quand les Etats-Unis et leurs vassaux européens font la guerre en Orient, c'est surtout pour soutenir leurs alliés orientaux musulmans. En l'espèce, nulle guerre de civilisation. Il ne faut jamais perdre de vue que les plus fidèles alliés des puissances capitalistes occidentales sont les régimes arabes et musulmans du monde entier : le régime saoudien et ses satellites des Emirats arabes, sans oublier les dictatures ou régimes autoritaires musulmans de l'Indonésie, du Pakistan, de la Turquie, du Maroc. A suivre… Khider Mesloub Aucune guerre de civilisation n'oppose ces régimes féodaux et islamiques et le « monde occidental ». Tous ces pays musulmans ont des intérêts convergents avec les puissances impérialistes occidentales. Personne n'est sans savoir qu'Al Qaeda, combattant de la « civilisation islamiste », est l'œuvre du Pentagone et de la CIA. Al Qaeda a prospéré grâce à l'aide militaire, financière et logistique des Etats-Unis, mais aussi des Etats pakistanais et saoudien, ce dernier pays berceau de l'islamisme terrorisant. Sans oublier le dernier avorton, le si bien nommé Daesh. Drôle de « guerre de civilisations » dirigée par de fidèles partenaires et alliés capitalistes occidentaux et orientaux. Ironie de l'histoire, dans ces guerres réellement impérialistes, les terroristes islamistes eux-mêmes n'hésitent pas à reprendre à rebours cette propagande de « conflits de civilisations », par leurs proclamations de foi d'être les défenseurs de la « civilisation islamique » contre la « civilisation occidentale ». Ces alliés de l'impérialisme, par leurs phraséologies islamistes, cautionnent et avalisent cette propagande réduisant les guerres impérialistes et géopolitiques actuelles à des conflits confessionnels entre musulmans et « Occidentaux mécréants ». En ces temps belliqueux génocidaires au sein de la pacotille société capitaliste consumériste, le vocable civilisation est très en vogue. Chaque pays en guerre proclame batailler au nom de la défense de sa « civilisation » menacée. L'Etat d'Israël fait ses guerres pour défendre la « civilisation des Hébreux ». Le dirigeant de l'Inde, le raciste Modi, lui, gouverne au nom de la « civilisation hindoue ». Le dictateur Poutine mène sa politique guerrière au nom de la « civilisation orthodoxe slave », après avoir fidèlement servi dans sa jeunesse la « civilisation soviétique » en sa qualité d'agent du KGB chargé de l'élimination des opposants accusés d'œuvrer au service de la « civilisation occidentale ». Certains comme Bush, Sarkozy, ne proclamaient-ils pas venue l'ère de la « guerre des civilisations » ? À nouveau remise à la mode par le chef d'Etat Macron, avec sa croisade lancée au nom du droit à la caricature et sa loi sur le Séparatisme. Et depuis le 9 octobre 2023 en se ralliant à la « croisade hébraïque » génocidaire menée par l'Etat nazi d'Israël. Décidément, ce sont les moins civilisés de la terre, les plus criminels de l'humanité, les plus ignobles dirigeants, qui se drapent dans cette notion de civilisation, de civilité, de civisme, de « civilitude ». En réalité, l'Histoire n'a pas été émaillée par des « guerres de civilisations », mais constamment jalonnée par des guerres de classes, la lutte des classes. Et si beaucoup de guerres meurtrières il y eut durant des siècles, c'est sur le continent européen. En effet, les plus grandes guerres de l'Histoire ont été menées entre puissances dites « occidentales », et particulièrement entre puissances européennes. Pour preuve, la France a été davantage en conflit des siècles durant avec l'Espagne, l'Angleterre et l'Allemagne qu'avec l'Orient, le Moyen-Orient ou l'Asie. Et ce, jusqu'au mitan du 20e siècle. Le monde n'est pas un vaste champ de guerres entre civilisations mais le siège de la lutte des classes Aujourd'hui, aucun Etat, impérialiste ou non, ne défend des valeurs civilisationnelles, valeurs inexistantes dans le monde capitaliste, qui ne connaît qu'une seule valeur : la valeur d'échange, la valeur marchande. En revanche, de manière générale, c'est un truisme de dire cela, toutes les guerres furent déclenchées par les classes dirigeantes exploiteuses, freinant l'évolution de la société, de l'humanité. Ce sont les classes possédantes chinoises qui écrasèrent durant des siècles l'économie de la Chine, transformant ce riche pays en cimetière, compromettant l'éclosion d'une économie chinoise plus développée (pour preuve : paradoxalement, pour un pays doté d'une « civilisation » millénaire, il aura fallu attendre les années 1980 pour que la Chine entre économiquement dans l'Histoire, soit quatre siècles après l'Europe). Ce sont les classes dirigeantes bourgeoises européennes qui entraînèrent régulièrement leurs pays respectifs dans les guerres « fratricides », faisant reculer à plusieurs reprises leur « civilisation » belliqueuse, plonger leurs pays respectifs dans la barbarie (1914-1918 et 1939-1945). Ce sont les classes dirigeantes indo-pakistanaises qui transformèrent l'indépendance de leurs pays en grand bain de sang, faisant reculer la « civilisation » humaine. Ce sont les classes dirigeantes américaines impérialistes qui ont transformé ces dernières décennies la planète en champs de guerres permanentes pour le grand profit de leurs industries de l'armement et du pétrole, parfois au nom de la défense de la « civilisation occidentale », comme le proclamait Georges Bush. Non, le monde n'est pas un vaste champ de guerres entre plusieurs civilisations. En vérité, il est le siège de la lutte des classes, aujourd'hui sous le mode de production capitaliste, entre la classe prolétarienne et la bourgeoisie. C'est pour atténuer, occulter et dévoyer ces luttes de classes que les dirigeants des différents pays entretiennent un climat de guerre permanent, alimentent constamment le chauvinisme, attisent le racisme, favorisent le fanatisme, l'émergence du fascisme. Le capitalisme est mondial, pareillement pour le prolétariat. Avec l'entrée du capitalisme en décadence, les classes possédantes tentent de dévoyer les colères populaires vers la haine entre les peuples, prétendument de civilisations différentes. Il ne faut pas se laisser duper par ces discours haineux, racistes, proférés par certains dirigeants, clamés au nom de « leur civilisation supposée supérieure». En réalité, aujourd'hui, c'est le sort de l'humanité qui est menacé de disparition du fait de ce mode de production capitaliste en putréfaction. Toute la civilisation humaine est menacée d'anéantissement si nous ne nous débarrassons pas de cette « syphilisation » capitaliste, infection économique contagieuse, vectrice de guerres, de misère, de chômage, de dégradation de l'écosystème, de destruction virale, d'exploitation, d'oppression, d'aliénation. L'humanité n'est pas en proie à une guerre civilisationnelle, mais à une pathologie mortifère infligée par la syphilisation capitaliste virale et létale, cette monumentale vérole économique née en Europe, transmissible par voie de rapports marchands entre nations. Une syphilisation capitaliste devenue mondiale. En fait, c'est la crise du capitalisme qui suscite les guerres actuelles, et non la prétendue résurgence d'antagonismes civilisationnels. « Guerre de civilisations », « Occident contre Orient », les hommes politiques français, américains, journalistes, écrivains, atteints de « syphilis capitaliste mentale », rivalisent tous d'imagination pour propager ces funestes théories bourgeoises.