Les regards étaient tournés vers New York, où la France et l'Arabie saoudite organisaient un sommet international de haut niveau consacré à la solution à deux Etats l'un israélien, l'autre palestinien censée offrir une issue politique à un conflit devenu interminable.« La situation est intolérable et se dégrade d'heure en heure. Nous sommes ici aujourd'hui pour tenter de faire émerger la seule issue à ce cauchemar», a averti Antonió Guterres, le Secrétaire général de l'ONU, à l'ouverture de la rencontre. «La création d'un Etat palestinien est un droit et non une récompense». Empêché de se rendre à New York par les Etats-Unis, faute d'obtention d'un visa, Mahmoud Abbas s'est exprimé par visioconférence. Le président de l'Autorité palestinienne a condamné « les crimes commis par le Hamas lors de l'attaque du 7 octobre 2023», qui ont fait 1 200 morts et des dizaines d'otages dans le sud d'Israël. Dans le même souffle, il a dénoncé « le terrorisme de la colonisation, de l'annexion et de l'atteinte aux lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem », appelant à «concrétiser l'Etat indépendant de Palestine». De ce point de vue, le sommet a marqué un tournant diplomatique. Le président français, Emmanuel Macron, a annoncé dès l'ouverture la reconnaissance officielle de l'Etat palestinien par la France. «Oui, le temps est venu d'arrêter la guerre à Gaza, les massacres, la mort. L'urgence nous le commande. Le temps est venu de rendre justice au peuple palestinien et ainsi de reconnaître un Etat de Palestine », a déclaré le chef d'Etat, dans un tonnerre d'applaudissements. La veille, le Royaume-Uni, le Canada, le Portugal et l'Australie avaient fait de même. Durant la conférence, la décision française a été suivie par celles de la Belgique, d'Andorre, de Malte, du Luxembourg, de Monaco et de Saint-Marin. « Nous devons transformer cette reconnaissance politique en un chemin crédible vers la coexistence », a insisté Annalena Baerbock, présidente de l'Assemblée générale, appelant à « donner un sens concret à la solution à deux Etats ». Au total, en à peine deux jours, 11 pays occidentaux se sont ajoutés à la liste des 147 Etats qui reconnaissaient déjà la Palestine, soit l'immense majorité des 193 membres de l'organisation. Les Etats-Unis et Israël, eux, ont boycotté la réunion, tout comme ils avaient boudé en juillet un premier sommet sur la question, également à l'initiative de Paris et Riyad, à l'issue duquel l'Assemblée générale avait adopté, le 12 septembre, la « Déclaration de New York ». Dans ce document, jugé crucial par Annalena Baerbock, la présidente de la 80e session de l'Assemblée, les Etats membres appellent à une « mise en œuvre effective de la solution à deux Etats ». Ils exhortent le Hamas à « remettre ses armes à l'Autorité palestinienne » et à « mettre un terme à son administration » sur le territoire. Pour Mme Baerbock, la conférence de lundi s'inscrit dans la continuation de la déclaration. « Le message que nous envoyons aujourd'hui est clair : non, nous n'abandonnons pas », a-t-elle martelé. La Palestine occupe un statut singulier aux Nations Unies. Depuis 2012, elle est considérée comme un « Etat non membre observateur », au même titre que le Saint-Siège. Son drapeau flotte devant le siège de l'organisation, mais reste à l'écart de ceux des membres à part entière. En 2024, l'Assemblée lui avait accordé le droit de participer activement à l'ensemble de ses travaux, y compris ceux n'étant pas directement liés au Moyen-Orient, sans pour autant lui donner de droit de vote. Désormais, quatre des cinq membres permanents du Conseil de sécurité la France, le Royaume-Uni, la Chine et la Russie, reconnaissent la Palestine. Les Etats-Unis demeurent ainsi la seule puissance nucléaire au sein de l'organe onusien chargé des questions de sécurité collective à s'y opposer. «Nous sommes réunis ici parce que le statu quo est devenu insoutenable», a souligné le ministre saoudien des affaires étrangères, Prince Faisal bin Farhan, coprésident du sommet, en appelant à « une paix juste et durable, garantie par la communauté internationale ». Une paix introuvable ? Cette avancée diplomatique contraste avec la réalité du terrain. À Ghaza, plus de 64 000 Palestiniens ont été tués depuis le déclenchement de l'offensive israélienne consécutive. Un état de famine a été déclaré le 22 août dans le nord de l'enclave, et, depuis le 15 septembre, une nouvelle offensive terrestre ravage la ville de Ghaza. Parallèlement, la Cisjordanie se morcelle sous l'effet de la colonisation israélienne. Une colonie récemment approuvée à l'est de Jérusalem, dite E1, couperait de facto la Cisjordanie en deux et compromettant la création d'un Etat palestinien. À New York, l'ambition affichée était de relancer un processus enlisé. Mais l'écart reste abyssal entre les proclamations diplomatiques et la vie quotidienne des Palestiniens. « Votre avenir et le nôtre sont liés. Pour le bien de nos générations futures, faisons cesser les torrents de sang et de douleur », a exhorté Mahmoud Abbas dans son message. Pour l'heure, la guerre continue de broyer Ghaza et la colonisation grignote la Cisjordanie. Mais la reconnaissance officielle par des pays influents sur la scène internationale redessine le paysage diplomatique. L'image d'un Etat palestinien, longtemps cantonnée aux résolutions onusiennes et aux cartes théoriques, gagne en substance. Sur les bancs de l'ONU, elle s'impose désormais comme une réalité politique qu'il devient de plus en plus difficile d'ignorer. Après deux ans de guerre, la plaie béante de Ghaza continue de saigner. Mais, sous les dorures de l'Assemblée générale des Nations Unies, la Palestine a remporté lundi une victoire diplomatique : la reconnaissance de son Etat par plus d'une dizaine de nations occidentales.