La récente visite de Son Excellence l'ambassadrice des Etats-Unis d'Amérique dans l'antique cité de Théveste n'a rien d'anodin. Si officiellement, aucune déclaration publique n'a été faite à la presse locale, le contenu du programme et le choix des sites visités révèlent une lecture beaucoup plus profonde, qui interpelle les observateurs des relations internationales. En choisissant de parcourir les remparts intra et extra muros, la porte de Caracalla, l'amphithéâtre romain, l'église et la basilique de Sainte-Crespine, la diplomate a inscrit sa démarche dans une dimension culturelle mais aussi spirituelle. La halte à la maison de Malek Bennabi, penseur contemporain de renom, ajoute une dimension intellectuelle et philosophique à ce déplacement. Selon des experts, ce parcours évoque un retour symbolique aux racines chrétiennes d'Afrique du Nord, là où Saint Augustin, évêque de Thagaste (Souk Ahras), a forgé une pensée universelle. Le fait que le pape actuel ait récemment déclaré se considérer comme « fils spirituel de Saint Augustin » donne à cette visite un écho singulier, au croisement de la diplomatie, de l'histoire et du religieux. Certains analystes vont plus loin : pour eux, cette visite pourrait s'inscrire dans la vision plus large de l'Eglise évangélique américaine, qui voit dans l'Afrique du Nord une terre de mémoire et de rayonnement. Sans être explicitement revendiqué, le passage de l'ambassadrice à Tébessa est interprété comme un signal : la reconnaissance d'un héritage augustinien partagé, et une manière subtile d'affirmer une continuité spirituelle. Dans un contexte où l'Algérie et les Etats-Unis renforcent leurs relations bilatérales, notamment dans les domaines de l'économie, de la sécurité et de la culture, ce type de déplacement prend une valeur stratégique. Mettre en avant Tébessa et son patrimoine millénaire, encore méconnu à l'international, revient à consolider un pont culturel entre deux nations que l'histoire a peu rapprochées mais que l'avenir peut lier autrement. Pour la population locale, cette visite inédite a surtout valeur de reconnaissance. La cité, longtemps perçue comme périphérique, se voit replacée au centre d'un récit universel : celui de l'Afrique du Nord comme berceau de civilisations et foyer spirituel majeur. Si cette ouverture venait à être accompagnée par des projets concrets – coopération universitaire, restauration patrimoniale, échanges culturels – Tébessa pourrait bien devenir une vitrine d'un nouveau dialogue des civilisations, au-delà des frontières religieuses et diplomatiques.