Le cinéma méditerranéen a vibré d'émotion samedi soir à Annaba. Lors de la cinquième édition du Festival du film méditerranéen, un hommage solennel et posthume a été rendu au grand cinéaste algérien Mohamed Lakhdar-Hamina, disparu en mai 2025. Lauréat de la Palme d'or à Cannes en 1975 pour son chef-d'œuvre Chronique des années de braise, il demeure l'une des figures les plus emblématiques du septième art arabe et africain. La cérémonie, organisée dans le prestigieux cadre de l'hôtel Sheraton d'Annaba, a réuni des personnalités venues de tous horizons : vingt critiques de cinéma représentant dix-sept pays, des artistes algériens, ainsi que des cinéastes du monde arabe. L'événement n'était pas seulement un moment de commémoration, mais aussi une célébration de la mémoire collective d'un homme qui a façonné l'identité cinématographique de l'Algérie indépendante. À l'occasion de cette soirée, un ouvrage collectif intitulé Hamina the Majestic a été dévoilé, fruit d'une collaboration avec la Fédération internationale de la presse cinématographique (FIPRESCI). Ce livre retrace la carrière foisonnante de Lakhdar-Hamina et met en lumière son apport décisif au rayonnement du cinéma algérien. Pour Mohamed Allal, commissaire du festival, cette publication illustre la volonté de « préserver la mémoire cinématographique nationale » tout en valorisant les grands noms qui ont marqué l'histoire du cinéma algérien et arabe. Plusieurs personnalités ont pris la parole pour rappeler l'importance de l'œuvre du réalisateur disparu. Le cinéaste Ahmed Rachedi a souligné que cet hommage allait bien au-delà de l'homme : « C'est toute la cinématographie algérienne que l'on honore à travers Lakhdar-Hamina. Son parcours a hissé le cinéma national sur la scène mondiale et continue d'inspirer les jeunes créateurs ». De son côté, le comédien Hassen Benzerari a exprimé sa fierté de participer à cette commémoration, rappelant que le défunt « a joué un rôle fondateur dans la construction de la mémoire cinématographique algérienne ». Selon lui, ce geste posthume est « le minimum que l'on puisse offrir à un géant de cette envergure ». Outre l'hommage à Lakhdar-Hamina, cette édition du Festival d'Annaba met à l'honneur d'autres figures marquantes : le réalisateur algérien Ghaouti Bendeddouche, l'acteur égyptien Khaled El Nabawi, ainsi que la cinéaste espagnole Pilar Bardem. Le programme prévoit également la projection de films algériens et arabes, suivis de débats, d'ateliers et de séminaires destinés à renforcer la coopération internationale et à stimuler l'industrie cinématographique nationale. Le parcours d'un maître du cinéma Né le 26 février 1934 à M'Sila, Mohamed Lakhdar-Hamina a traversé le siècle avec la caméra comme arme de création et de mémoire. Après des études en France, il rejoint en 1958 le Gouvernement provisoire de la République algérienne à Tunis, où il découvre le cinéma par le biais de stages aux actualités tunisiennes. Il poursuit sa formation à la prestigieuse Académie du cinéma de Prague (FAMU), se spécialisant dans la prise de vue. À l'indépendance, il fonde et dirige l'Office des actualités algériennes (1963-1974) avant de prendre la tête de l'Office national pour le commerce et l'industrie cinématographique dans les années 1980. Son œuvre est jalonnée de succès : Le Vent des Aurès (1967), qui obtient à Cannes le prix de la première œuvre, puis Chronique des années de braise, Palme d'or en 1975, qui reste son film le plus célèbre. Il réalisera ensuite Hassan Terro, Décembre, Vent de sable et La Dernière image. Lakhdar-Hamina n'était pas seulement réalisateur, mais aussi producteur et coproducteur de plus de trente films, parmi lesquels figurent Z de Costa-Gavras ou Le Bal d'Ettore Scola. Son engagement et son talent en ont fait le premier cinéaste africain et maghrébin à remporter la Palme d'or, consacrant ainsi le cinéma algérien sur la scène mondiale. Le 23 mai 2025, à l'âge de 91 ans, il s'éteint à Alger. Le lendemain, le Festival de Cannes projetait une version restaurée de Chronique des années de braise dans la section « Cannes Classics », un dernier hommage coïncidant avec son départ. À Annaba, quelques jours plus tard, le Festival méditerranéen a réaffirmé ce que beaucoup savaient déjà : Mohamed Lakhdar-Hamina restera à jamais un pilier du cinéma mondial, une voix qui a su traduire les luttes et les rêves d'un peuple à travers l'image et la lumière.