Mohamed Lakhdar-Hamina vient de tirer sa révérence. Ce vendredi 23 mai 2025, le monde du cinéma a perdu l'un de ses plus grands conteurs.Dans un message de condoléances adressé à la famille du défunt, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a exprimé son « immense tristesse et profonde affliction suite au décès du moudjahid et grand réalisateur, survenu à la veille de la célébration par l'humanité du cinquantième anniversaire de sa Palme d'or remportée au Festival de Cannes pour son chef-d'œuvre +Chronique des années de braise+, œuvre magistrale qui a révélé au monde entier un pan des souffrances du peuple algérien durant la colonisation ». Le président de la République a également souligné dans son message, qu'« avant d'être un cinéaste créatif de renommée internationale ayant marqué l'histoire du septième art de son empreinte indélébile, il fut un moudjahid fier et engagé, ayant contribué à la libération de sa patrie à travers des images et des scènes qui ont transmis à l'humanité les épopées de la Révolution algérienne ». Considéré comme le doyen des lauréats de la Palme d'Or, le cinéaste algérien nous a quittés, à l'âge de 95 ans, laissant derrière lui une oeuvre monumentale et un héritage cinématographique enraciné dans l'histoire de l'Algérie et du cinéma mondial. Natif de M'sila, il y a vu le jour le 26 février 1934. Mohamed Lakhdar-Hamina a traversé les époques avec une rare intensité, témoin et acteur d'un siècle marqué par la colonisation, la guerre, l'indépendance de l'Algérie, et les aspirations culturelles d'un peuple en quête de porte-voix. Formé à la prestigieuse école de cinéma de Prague, après un passage par Tunis pendant la guerre de libération, il a très tôt compris que le cinéma pouvait être bien plus qu'un art : un vecteur de mémoire, un outil de résistance, un espace de dialogue entre les deux rives, nord et sud. Son œuvre emblématique, Chroniques des années de braise qui a valu la Palme d'Or en 1975, est bien plus qu'un film. C'est un cri, une fresque lyrique, une épopée du peuple algérien racontée avec une puissance visuelle et narrative exceptionnelles. A travers ce film, le réalisateur n'a pas seulement la Croisette, il a donné au 7e art algérien, africain et arabe une visibilité rarement atteinte jusque-là et, aujourd'hui encore, il demeure le seul réalisateur du monde arabe et africain à avoir reçu cette prestigieuse distinction. Avant cela, il avait fait forte impression avec son autre long-métrage, « Le Vent des Aurès qui lui a valu le prix de la première œuvre à Cannes en 1967. Ce film épuré, bouleversant, marquait déjà la singularité de son regard : un cinéma épique, mais profondément enraciné dans le réel, la douleur et l'espoir des hommes et des femmes pris dans la tourmente de l'histoire. Lakhdar-Hamina poursuivra dans cette même veine avec, notamment, Vent de sable ou Décembre, également projetées en sélection officielle à Cannes, confirmant ainsi son statut d'auteur majeur sur la scène internationale. Au-delà de ses propres réalisations, Mohamed Lakhdar-Hamina a joué un rôle central dans la structuration du 7e art algérien post-indépendance. En 1963, il crée l'Office des Actualités Algériennes qu'il va diriger jusqu'en 1974, de même qu'il prend la direction de l'ONCIC entre 1981 et 1984, contribuant ainsi à l'éclosion d'un cinéma national fort, engagé et audacieux. Il fut aussi un producteur prolifique, apportant son soutien à des films-phares comme Z de Costa-Gavras ou Le Bal d'Ettore Scola. Jusqu'à la fin, Mohamed Lakhdar-Hamina est resté une figure admirée par les nouvelles générations de cinéastes qui voyaient en lui un pionnier, un visionnaire et un maître. Le Festival de Cannes lui a, à ce titre, rendu hommage récemment, en projetant une version restaurée en 4K de Chroniques des années de braise, dans le cadre de la section Cannes Classique. Mohamed Lakhdar-Hamina n'est plus, mais sa production filmique, demeurera comme un phare éclairant la mémoire d'un peuple et la beauté d'un art qu'il aura porté à son summum. Les funérailles de Mohamed Lakhdar-Hamina ont eu lieu, hier, samedi, 24 mai, après la prière d'El Asr, au cimetière de Sidi-Yahia à Alger. Une foule nombreuse l'a accompagné dans le recueillement et l'émotion jusqu'à sa dernière demeure.