En France, ces dernières années le peuple fait l'objet d'un véritable procès pour «crime de lèse-majesté informationnel», accusé de complotisme, pour s'être affranchi du discours médiatique dominant propagé d'ordinaire sans rencontrer de scepticisme, de doute, de résistance. Ce souci pédagogique de moralisation s'exprime aussi au sein de la corporation médiatique, aux revenus alimentés essentiellement par les subventions étatiques, instance journalistique renommée pour son impartialité analytique, son indépendance professionnelle, la scientificité de ses articles élaborés avec des outils conceptuels maniés avec une conscience déontologique soucieuse de l'épanouissement intellectuelle du lectorat, et, surtout, de la Vérité, c'est-à-dire celle de ses patrons, ses maîtres, les puissants. Aujourd'hui, la classe dominante française est confrontée, outre à l'abstentionnisme électoral, à la discréditation complète de toutes ses institutions : étatiques, policières, politiques, éducatives, médicales, scientifiques, médiatiques, culturelles, massivement contestées, copieusement vilipendées. La bourgeoisie française a perdu la bataille des idées. De la confiance. Du contrôle idéologique. De la gouvernance, vilipendée et contestée. À l'évidence, cette commission, sous couvert d'assainissement scientifique de l'information supposément vérolée, vise en réalité à promouvoir un processus législatif de judiciarisation de toute dissidence politique et informationnelle. En d'autres termes, dans cette période d'exacerbation de la lutte des classes et de radicalisation des mouvements sociaux, elle a pour dessein de criminaliser la pensée antisystème, le militantisme politique radicale, la presse alternative. Et, dans cette phase d'aggravation des tensions internationales et de préparatifs de guerre, de « développer une analyse historique et géopolitique de l'exposition de la France aux menaces internationales», prétextes à l'embrigadement des esprits par la propagation virale de l'idéologie de l'union nationale et ses succédanés : discours populiste, rhétorique xénophobe, posture néocoloniale, politique impérialiste. Pour preuve de la volonté d'encadrement totalitaire de la pensée, le président de cette commission macronienne, le sociologue Gérald Bronner, a évoqué la possibilité d'instaurer un Conseil scientifique qui, à l'instar du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel en charge notamment de la répartition du temps de parole (et de la partition politique consensuelle que doivent jouer tous les politiciens pour pouvoir s'exhiber à la télévision), endosserait l'exécution de la même mission de surveillance policière avec les scientifiques, sélectionnés en fonction de leur célébrité médiatique mais, surtout, leur inféodation aux entreprises (pharmaceutiques, pétrolières, militaires, etc.), et leur proximité obséquieuse avec les instances gouvernementales. Assurément, cet instrument étatique de contrôle politique constituera un efficace moyen d'élimination de la pensée dissidente par l'institutionnalisation d'un « consensus scientifique » imposé par l'Etat, exclusif détenteur et dispensateur de l'imprimatur de la Vérité authentiquement certifiée. Sans conteste, le gouvernement Macron vit dans une mentalité d'assiégé face à ce qu'il considère comme une entreprise de déstabilisation menée sur tous les fronts par les «activistes», en résumé les « complotistes », les Gilets jaunes, pour affaiblir sa glorieuse politique sociale exemplaire. En effet, le gouvernement absolutiste macronien cultive une mentalité d'assiégé. Cette approche défensive et pessimiste est symptomatique d'une fièvre obsidionale qui s'est emparée du régime macronien en plein déclin. Le régime est persuadé d'être entouré d'adversaires, encerclé d'ennemis tapis au sein du pays. Ce faisant, à ses yeux cernés par la peur obsidionale, tout récalcitrant aux mesures coercitives, tout citoyen ne s'alignant pas sur l'agenda libéral du gouvernement devient potentiellement dangereux, un dissident, un ennemi qu'il convient, non de convaincre, faute d'arguments politiques probants, mais de vaincre par la peur, voire la terreur. Or, on ne gouverne pas un pays par la peur et la terreur. Ni avec des imaginaires politiques paranoïaques. Ni avec les «tribunaux inquisitoriaux sionistes» ou les officines étatiques de censure et de bannissement. C'est un signe de fragilité gouvernementale, de fébrilité sécuritaire, de nervosité politique. Avec Macron, cette politique obsidionale prend une dimension obsessionnellement pathologique. À trop cultiver le délire d'accusation complotiste, le gouvernement Macron a fini par perdre le sens des réalités. Corrélativement, à s'aliéner et à radicaliser la population française, exaspérée par les accusations de complotisme portées sans cesse contre les dissidents de la politique antisociale gouvernementale, les opposants de la politique sioniste de Macron, ces nouveaux refuzniks de la France totalitaire, notamment les militants pro-palestiniens. Nul doute, le pouvoir Macron est en proie à une névrose dénommée complexe de Massada, la citadelle assiégée. Le complexe de Massada du régime macronien se manifeste par son autisme politique orgueilleux, son enfermement sécuritaire jusqu'au-boutiste, appuyés sur sa certitude fanatique d'être l'unique détenteur de la « vérité politique et économique » fondée sur les fondamentaux capitalistiques, face à l'ensemble du peuple français animé uniquement, selon le pouvoir de Macron, par l'ignorance, égaré de surcroît par les réseaux sociaux administrés par des complotistes. Et ce n'est pas par pur hasard que les accusations de complotisme aient pris de l'importance à notre époque moderne hautement numérisée. De nos jours, les médias dominants, autrement dit les médias consensuels défenseurs de la « vérité étatique et capitalistique », c'est-à-dire la parole divine des gouvernants et des grands patrons, sont concurrencés par les réseaux sociaux animés directement par des femmes et hommes du peuple, porteurs d'informations alternatives, par ailleurs inscrits dans une dynamique de purification idéologique et de démystification médiatique. Assurément, en France comme dans tous les pays, l'avènement du numérique a bousculé le rapport à l'information, en particulier, et à la connaissance, en général. Avec la popularisation numérique de l'information et des connaissances savantes, la défiance, longtemps exprimée de manière latente, a pu se développer vis-à-vis des médias traditionnels dominants, avec une critique portant sur leur orientation idéologique dans l'interprétation et l'analyse de l'information, leurs mensonges et, surtout, leur arrogance. Ironie de l'histoire, étonnamment, les réseaux sociaux remplissent le même rôle de « révolution culturel » que les livres à l'époque de l'invention de l'imprimerie. De contre-pouvoir informationnelle et politique. Avec la fabrication et la diffusion massive des livres, favorisées notamment par des ateliers d'imprimerie clandestins, établis secrètement pour échapper à la censure des pouvoirs monarchiques et ecclésiastiques toujours prompts à excommunier de la communauté chrétienne tout hérétique (comme les grands groupes capitalistes du numérique – You Tube, Face Book, Twitter – bannissent tout membre accusé de contrevenir au discours dominant), les populations pouvaient accéder à des ouvrages interdits, souvent rédigés dans leur langue vernaculaire, vecteurs de paradigmes profanes subversifs et de représentations sociales sécularisées émancipatrices. (A suivre…) Khider Mesloub