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De Si Mabrouk a Si Toufik
LE DRS FACE À SES DETRACTEURS
Publié dans La Nouvelle République le 11 - 10 - 2025

Le DRS, ou le Département du Renseignement et de la Sécurité, a toujours suscité bien des fantasmes et il est utile de savoir comment il est né, d'où il vient, et quel a été son rôle dans la protection de l'Etat algérien.
Pour comprendre, il faut remonter à la Guerre de libération nationale où les services de renseignement algériens ont vu le jour, et aussi être conscient que ceux-ci ont été construits et portés par des géants, des hommes d'une rare intelligence et du plus haut degré de patriotisme, qui ont pris, en pleine jeunesse, des responsabilités immenses et qui ont été les gardiens de l'Etat algérien. Leurs parcours de vie au service de la patrie s'inscrivent dans la formidable épopée qu'a vécu l'Algérie depuis la Révolution de novembre.
Abdelhafid Boussouf, dit Si Mabrouk,
un bâtisseur méthodique et visionnaire
Le colonel Boussouf, l'un des chefs historiques du FLN ayant participé à la réunion des ''Vingt-deux'' au Clos Salembier (El Madania actuel) en juin 1954 et ayant été l'adjoint de Larbi Ben M'hidi dans la wilaya V lors du déclenchement de la Révolution, est considéré comme le père fondateur des services de renseignement algériens modernes. Il faisait partie des Trois B légendaires avec Lakhdar Bentobal et Krim Belkacem. A l'âge de 31 ans, en 1957, il est nommé à la tête du MALG (ministère de l'Armement et des Liaisons générales), le service de renseignement de l'ALN qui assurait les liaisons entre l'intérieur et l'extérieur, et qui gérait aussi les flux d'armes et les communications.
Surnommé « l'Homme de la virgule », Si Mabrouk était un perfectionniste dont le souci extrême du détail le poussait à exiger une orthographe, une ponctuation et une syntaxe parfaites dans tous les rapports, télégrammes, lettres et notes internes. Il relisait personnellement les documents et corrigeait les moindres erreurs de ponctuation, y compris les virgules, sachant qu'une mauvaise virgule ou un mot mal placé pouvait changer le sens d'un message codé et provoquer une erreur fatale sur le terrain. Cette « virgule » est devenue le symbole du perfectionnisme et de la discipline absolue qu'il imposait à ses collaborateurs, mais aussi un gage de sécurité. Ses anciens agents disaient que rien ne passait sans que Si Mabrouk n'y ait mis sa virgule. La virgule symbolisait la rigueur, la discipline et le secret, les trois piliers du renseignement algérien naissant.
Boussouf avait une totale maîtrise des liaisons, qui sont essentielles pour coordonner l'action des Moudjahidine sur le terrain. La totale invisibilité de ses opérations grâce à un réseau de communication et de renseignements parfaitement organisé et d'une redoutable efficacité au sein de l'ALN pendant la Guerre de libération nationale a été un atout majeur dans la lutte contre la France coloniale. Il a également mis en place un réseau de formation pour les jeunes cadres du renseignement et bon nombre d'entre eux seront admis en URSS dès 1958 pour être formés dans les écoles du KGB. A l'Indépendance, certains deviendront les hauts responsables de la Sécurité militaire (SM), héritière du MALG, et ensuite du DRS.
Mohamed Mediène, dit Si Toufik,
le stratège du silence
Patron du DRS de 1990 à 2015, Mohamed Mediène a dirigé de main de maître les services de renseignement algériens pendant 25 ans. Son parcours est un exemple de patriotisme et de dévouement puisqu'il a rejoint la Révolution en 1957 à l'âge de 16 ans. Originaire de Bab El-Oued, il avait été recruté au cours de la Bataille d'Alger par notre glorieux martyr Taleb Abderrahmane, dit Mohand Akli, l'artificier de la Zone Autonome d'Alger (ZAA), tombé à 28 ans au champ d'honneur sous le couperet barbare du bourreau français à la prison de Serkadji alors Barberousse.
Le jeune Mediène était chargé de surveiller les mouvements des policiers français et d'en rendre compte chaque soir aux chefs de la ZAA. En 1961, il a alors vingt ans, il rejoint l'ALN dans l'Est où il se forme en tant qu'agent de renseignement du MALG et, à l'Indépendance, il poursuit sa formation à Cuba, en Yougoslavie et à l'Académie militaire de renseignement de Moscou, en ex-URSS. A son retour en Algérie, il intègre la Sécurité militaire, la SM, héritière du MALG.
C'est en 1990 que Mohamed Mediène est nommé chef du DRS, lequel succède à la Sécurité militaire. Le DRS que le général Mediène incarne, car il en a été le véritable architecte, était en charge du contre-espionnage avec la surveillance des réseaux politiques, économiques et diplomatiques, de la sécurité de l'Armée, du renseignement extérieur avec, notamment, une coopération avec des services étrangers tels que la CIA, la DGSE, le MI6, etc., et de l'infiltration des groupes terroristes armés. Le DRS de Toufik était considéré comme l'un des services les plus performants d'Afrique et du monde, respecté et souvent craint par ses homologues. Sa coopération avec les grandes agences étrangères a donné au renseignement algérien une dimension internationale. A l'interne, le DRS assurait la protection de l'Etat et de l'Armée, et cela n'a pas changé, car nos services de renseignement sont toujours les yeux de l'Armée. Sans l'étroite collaboration entre ces deux institutions et la vigilance extrême du DRS face aux agressions, aux infiltrations et aux crises internes successives, l'Algérie aurait pu être disloquée à maintes reprises.
Dans les années 1990, alors que le pays était au bord de la désintégration, Toufik a fait de la sécurité sa mission absolue et a mis en place une stratégie d'infiltration des groupes terroristes, permettant à l'Armée de reprendre le contrôle du territoire. Son efficacité opérationnelle a empêché la chute de l'Etat national algérien. Et d'ailleurs, de nombreux analystes étrangers reconnaissent que, sans lui, l'Algérie aurait pu s'effondrer et devenir un nouvel Afghanistan ou une autre Libye. Cela explique les multiples attaques que nos services de renseignement ont subies et continuent à subir de la part des résidus des réseaux islamistes qui ont été pulvérisés par le DRS, que ces larves terroristes considèrent – à juste titre d'ailleurs – comme leur principal ennemi. Dans cette lutte implacable contre le terrorisme, Si Toufik a su bâtir des relations secrètes mais solides avec les services américains, français, russes et même africains, positionnant l'Algérie comme une puissance régionale, voire internationale, de renseignement. Il comprenait les rapports de force mondiaux et a placé l'Algérie comme acteur incontournable dans la lutte contre le terrorisme. Le nom de Mediène a été cité par George Tenet, ancien directeur de la CIA, un signe de respect professionnel rare. J'ai personnellement interviewé l'ancien officier de la CIA et conseiller de Barak Obama, Bruce Riedel, qui a souligné le professionnalisme du DRS, reconnaissant la solidité de son expertise dans l'infiltration des groupes terroristes et son efficacité dans le renseignement antiterroriste. Doté d'une capacité d'analyse froide et lucide alliée à une intelligence stratégique exceptionnelle, Si Toufik maîtrisait l'art de l'anticipation, ce qui lui permettait de prévenir les nombreuses crises internes plutôt que de les subir. Le fondement de l'Etat algérien étant constitué par un trépied dont les trois piliers sont l'Armée, la Présidence et les services de renseignement, Toufik avait des dossiers sur tout le monde et savait tout de chacun, ce qui lui permettait de tenir un rôle d'arbitre et de préserver la stabilité de l'Etat. Il était aussi celui qui a lutté contre la corruption en contrariant les ambitions de certains personnages et/ou clans qui ne se souciaient que de leurs intérêts personnels, à l'opposé de ceux du pays. On se rappelle l'affaire Khalifa ou encore l'affaire Sonatrach aux mains de l'agent étranger Chakib Khelil, pour ne citer que ces deux affaires parmi tant d'autres. Bien entendu, chaque clan ou individu écarté par le DRS de Toufik est devenu un ennemi acharné de celui-ci. On l'a vu avec la dissolution du DRS en 2015 par le clan Bouteflika et avec la mise à la retraite, suivie de son incarcération, du général de corps d'armée Mohamed Mediène. Lavé de tout soupçon et acquitté par la Cour militaire de Blida en janvier 2021, Si Toufik n'a jamais parlé ni attaqué le système publiquement, restant fidèle à sa mission de protéger l'Etat, estimant que le silence protège plus que les mots.
La coopération du DRS avec les services étrangers en matière de lutte antiterroriste
l la France
Le DRS avait toujours plusieurs longueurs d'avance sur tout le monde en matière de lutte antiterroriste. Déjà dans les années 1990, le DRS, en première ligne dans la lutte anti-GIA, transmettait des informations à la DST et à la DGSE. Il était vu comme une source indispensable par son expérience du terrain et ses infiltrations. Par exemple, lors des attentats du RER à Paris en 1995, les services français avaient été avertis de la menace que représentaient les réseaux du GIA actifs en France, le DRS suivant de près plusieurs terroristes islamistes franco-algériens comme Khaled Kelkal et d'autres. Mais les avertissements n'ont pas été retenus et les attentats ont quand même eu lieu.
Dans les années 2000, le DRS a partagé des informations avec les Français sur les réseaux d'AQMI au Sahel, notamment lors des prises d'otages de ressortissants européens, transmettant des données sur les caches et les zones d'activité d'AQMI au nord Mali et au Niger. On oublie souvent aussi de signaler que le DRS avait transmis des avertissements aux services français concernant les projets d'attentats islamistes de janvier et novembre 2015 à Paris (Charlie Hebdo, Hyper Cacher en janvier, et le Bataclan, les terrasses et le stade de France en novembre), ce qui a été confirmé par d'anciens agents français. Selon les propos de ces derniers, les avertissements ont été ignorés ou mal exploités par les services français.
Malgré les tensions politiques, la France a toujours eu besoin du DRS comme partenaire incontournable dans la lutte antiterroriste, et le DRS a été pour elle un fournisseur de renseignements précieux, surtout en matière de terrorisme islamiste. Même si la France n'en a fait que peu de cas, comme on l'a vu. Et qu'elle soit une ingrate, comme on le voit aujourd'hui. Et comme on l'a vu avec Mitterrand qui a tout fait pour isoler l'Algérie lors de la décennie noire. Sans parler des campagnes incessantes de l'infâme « Qui tue qui ».
l Les Etats-Unis
En septembre 2001, le général Mediène s'est déplacé personnellement à New York quelques jours avant les attentats du 11/9 pour alerter les services américains qu'un attentat majeur contre les Etats-Unis était imminent. Cela n'a pas été pris en compte comme on l'a vu. Le jour des attentats, seuls deux avions civils ont eu l'autorisation de décoller, celui de la famille Ben Laden et des princes saoudiens, et celui du général Mediène.
l La Belgique
Le 22 mars 2016, la Belgique a elle aussi été frappée par des attentats à l'aéroport de Zaventem et dans le métro bruxellois à Maelbeek. Or, les services algériens avaient transmis des avertissements aux Belges citant les frères El Bakraoui et leurs liens avec les filières djihadistes. Une fois de plus, ces alertes ont été, elles aussi, ignorées.
Quoi qu'il en soit, Si Toufik a fait du DRS l'un des rares services dans le monde à avoir réellement infiltré les groupes djihadistes et à les avoir combattus avec efficacité. Et il a toujours alerté les autres pays des menaces décelées grâce aux infiltrations. Si celles-ci n'ont pas été prises en compte par les services étrangers concernés n'est pas imputable à nos services.
Néanmoins, ces alertes ont consolidé la réputation du DRS comme un service incontournable. Si Toufik a toujours été d'une loyauté absolue à l'Etat qu'il a servi fidèlement toute sa vie, mais il n'était pas homme d'allégeance et n'appartenait à aucun clan ou parti. Cela explique qu'il soit resté à la tête des services de renseignement pendant 25 ans. Il exigeait de ses hommes une discrétion et une discipline absolues qu'il mettait lui-même en pratique puisqu'il s'est toujours tenu loin des caméras, des micros et des appareils photographiques. Sa force tenait dans le silence.
Mediène parle peu, mais ses silences sont plus explicites que les discours. Cette distance a renforcé son autorité : dans un système où tout le monde parlait, Si Toufik observait. Il a traversé la décennie noire, les luttes internes, les attaques médiatiques, sans jamais dire un mot. La seule fois où il s'est exprimé, c'est pour prendre la défense du général Hassan, condamné à cinq ans de prison sous le règne du clan Bouteflika, et qui, réhabilité, est devenu aujourd'hui le patron de la DGSI, la sécurité intérieure. Lui-même pourchassé par le clan Bouteflika, Si Toufik n'a jamais parlé, ni après sa chute en 2015, ni lors de son arrestation en 2019, ni lors des attaques contre sa réputation. Il n'a jamais attaqué le système publiquement, voulant préserver l'Etat à tout prix, même en se sacrifiant. Cette maîtrise émotionnelle prouve qu'il est resté fidèle à sa devise selon laquelle le silence protège plus que les mots. En véritable gardien de l'Etat algérien auquel il a toujours voué une loyauté à toute épreuve, Il a joué un rôle d'arbitre en maintenant l'équilibre entre l'Armée, la Présidence, les partis, et les oligarques. Sous son commandement, le DRS a formé des cadres de haut niveau : agents de renseignement, analystes, experts en géopolitique, cybersécurité, contre-espionnage... Cette génération a ensuite servi dans d'autres institutions, contribuant à la solidité de l'appareil d'Etat. Le patriote Mohamed Mediène a marqué un demi-siècle de l'histoire de l'Algérie et a su préserver la stabilité de l'Etat dans des périodes très douloureuses et chaotiques, et nous lui devons un immense respect et une profonde reconnaissance.
C'est l'institution qui prime,
et non les hommes qui la servent
Il est temps de rendre à César ce qui appartient à César en rendant hommage à l'Armée algérienne, notre ANP, colonne vertébrale de l'Etat algérien et à nos services de renseignement qui sont, nous insistons, les yeux de l'Armée. C'est l'institution qui nous intéresse et non les hommes, qui passent et se relaient pour poursuivre leur œuvre de protection et d'arbitrage de notre patrie. Bien sûr, certains noms ne seront jamais oubliés et ils laisseront leur trace dans l'Histoire de l'Algérie pour avoir accompli leur devoir avec dévouement, intelligence et efficacité.
Je pense particulièrement au général de corps d'armée Mohamed Mediène, dit Toufik, dont j'ai retracé succinctement le parcours ci-dessus. Il est le dernier des Janviéristes après le décès du regretté général Nezzar, et nous rendons à tous deux un hommage vibrant ainsi qu'à tous les faucons, à tous ceux qui ont souffert de situations dramatiques et qui sont restés dignes.


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