Deux ans après s'être engagée à indemniser ses ouvriers migrants pour les frais de recrutement abusifs qu'ils ont dû payer, Amazon est accusée de ne pas avoir tenu parole. Des dizaines de travailleurs originaires du Népal, d'Inde, du Bangladesh, du Pakistan et du Kenya affirment n'avoir toujours rien reçu, malgré les promesses de la multinationale. En 2023, le géant américain avait reconnu que des milliers d'ouvriers recrutés par des sous-traitants pour ses entrepôts en Arabie saoudite avaient versé entre 800 et 2 300 dollars à des agences pour obtenir leur emploi — une pratique contraire aux normes de l'ONU et aux propres standards de l'entreprise. Amazon avait alors promis de rembourser ces sommes et versé environ 2,6 millions de dollars à près de 950 travailleurs. Mais aujourd'hui encore, nombre d'entre eux attendent leur dû. « Ne nous prenez pas pour des idiots. Nous ne mendions pas, nous réclamons justice », s'indigne Rameshwar Sharma, un ouvrier népalais toujours sans nouvelles de son remboursement.Selon Amnesty International, ces retards sont « inacceptables » pour une entreprise dont les profits se chiffrent en milliards. « Chaque jour de retard prolonge la souffrance de ces travailleurs », souligne Ella Knight, spécialiste des droits du travail à Amnesty. Amazon assure poursuivre le processus de remboursement « aussi vite que possible ». Mais pour beaucoup, le doute s'installe. « Cette somme est dérisoire pour Amazon, mais pour nous, c'est une vie », résume le Bangladais MD Foisal Mia, qui a dû s'endetter pour payer ses frais de recrutement.Au-delà des chiffres, cette affaire met à nu le cynisme structurel d'un empire économique bâti sur l'exploitation des plus vulnérables. Amazon, qui vante à longueur de rapports sa responsabilité sociale et ses standards éthiques, laisse en réalité des travailleurs pauvres mendier la restitution de sommes dérisoires au regard de ses profits colossaux. Ce double discours illustre une logique bien rodée : se draper dans la morale quand la lumière des médias se braque, puis retomber dans le silence dès que l'attention publique faiblit. Derrière les entrepôts ultramodernes et les slogans sur l'innovation, ce sont encore des vies brisées qui payent le vrai prix de la mondialisation version Amazon.n