Terrible nouvelle. Biyouna est décédée. À maintes reprises, les réseaux sociaux avaient relayé à tort sa disparition, et elle avait dû réapparaître — parfois souriante, parfois bouleversée — pour démentir ces rumeurs infondées. Mais cette fois, l'annonce n'a rien d'une rumeur : Biyouna n'est plus. L'Algérie perd aujourd'hui, une artiste exceptionnelle. Née le 13 septembre 1952 à Belcourt, Baya Bouzar, plus connue sous le surnom de Biyouna (petite Baya) affiche très jeune sa passion pour l'art, le chant en particulier. Elle intègre d'abord la troupe de Fadhéla Dziria où elle tient les chœurs en jouant du tambourin. Puis, avec sa complice Flifla, elle forme un duo qui donnera naissance à sa propre troupe. Devenue chanteuse principale, elle illumine dès son plus jeune âge les fêtes de mariages, captivant l'audience par sa voix puissante et sa présence. A 17 ans, elle est repérée par le réalisateur Mustapha Badie, qui lui offre son premier rôle au cinéma : elle incarne Fatma dans la série « El Hariq » (L'Incendie), adaptation du roman de Mohammed Dib. C'est le début d'une renommée nationale. Biyouna se mue en actrice avec brio. A la télévision ou au cinéma, elle campe des personnages inoubliables. Elle a, à son actif, des dizaines de rôles dans notamment « Leïla et les autres » de Sid Ali Mazif (1978), « Hassan Terro au maquis » de Moussa Haddad (1978), « Les vacances de l'Apprenti » de Benamar Bakhti (1999), « La Voisine » de Ghaouti Bendedouche (2000) ... Cependant, Biyouna connaît un véritable triomphe avec la trilogie ramadanesque Nass Mlah City (2002-2005) de Djaâfar Gacem, où elle devient une figure familière du foyer algérien. Personnage haut en couleur, doté d'un humour 100% algérien, elle définitivement adulée par le public. Sur scène, elle se distingue également au théâtre : en 2006, elle joue dans Electre de Sophocle, mise en scène par Philippe Calvario, aux côtés de Jane Birkin. En 2009, elle revient à Paris avec La Célestine, puis monte son propre spectacle solo Biyouna !, en 2012… En parallèle de sa carrière d'actrice, Biyouna laisse une empreinte profonde dans la musique. En 2001, l'album Raid Zone, fruit de sa collaboration avec le compositeur John Bagnolett, révèle une artiste sincère, attachée à ses racines. Quelques années plus tard, elle publie Une Blonde dans la Casbah, opus emblématique qui mêle subtilement influences françaises et algériennes. Biyouna n'était pas seulement une artiste : elle incarnait une force vive, un symbole de modernité. À travers ses rôles, sa musique et son humour, elle a traversé les époques sans jamais trahir son identité. Son charisme, sa spontanéité et sa générosité sur scène ont touché plusieurs générations. Sa carrière témoigne aussi d'une forme de résilience. Dans un contexte souvent difficile, elle parvient à naviguer entre tradition et innovation, entre l'Algérie de ses origines et l'Europe de ses succès. Son art a toujours été un pont, un moyen de rassembler. C'est à Alger, la ville qui l'a vue naître et briller, que Biyouna vient de nous quitter. Sa disparition résonne comme un coup de tonnerre dans le monde du spectacle algérien et international. Elle laisse derrière elle une œuvre riche, empreinte de sincérité et d'émotion, et un souvenir impérissable dans le cœur de ceux qui l'ont aimée. À travers ses chansons, ses films, ses sketches et ses éclats de rire, Biyouna a façonné un héritage inestimable. Son passage parmi nous nous rappelle qu'un vrai artiste ne meurt jamais vraiment : tant que son œuvre subsiste, son étoile continue de briller. En ces moments de peine, les hommages affluent de toutes parts. Biyouna s'en va, mais sa lumière, elle, reste.