Lettre du Président français: Précisions des Autorités algériennes    Adrar: le PDG de Sonatrach s'enquiert du plan de développement de la production énergétique    Sahara Occidental: discussions à Londres entre le ministre sahraoui des Affaires étrangères et le ministre d'Etat britannique pour la région MENA    L'armée sahraouie cible deux bases de l'armée d'occupation marocaine dans le secteur de Farsia    Chaib souligne depuis le Turkménistan l'importance de développer la coopération Sud-Sud    Les six raisons du faible impact de la revalorisation de l'allocation devises en Algérie de 750 euros sur le cours du dinar sur le marché parallèle    Chantage à l'antisémitisme pour justifier le Palestinocide    «L'injustice ne doit pas devenir la nouvelle situation normale !»    L'Algérie remporte la première édition    CHAN 2024 Des sélectionneurs veulent ressusciter l'offensive    Cherfa lance la campagne nationale de la moisson du tournesol depuis Bejaia    Production des engrais phosphatés: signature d'un mémorandum d'entente entre Sonarem et la société pakistanaise "Fatima"    Natation / Traversée de la Baie d'Alger : 350 nageurs annoncés à la 3e édition samedi prochain    ONPO: poursuite de l'accompagnement des pèlerins et du suivi des agences de tourisme et de voyages    Tissemsilt : commémoration du 64e anniversaire du martyre du colonel Djilali Bounâama    Une étude sur le lectorat de la langue amazighe finalisée (HCA)    ANP: mise en échec de tentatives d'introduction de plus de 4 quintaux de kif via les frontières avec le Maroc    Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel: Boughali présente ses condoléances    Prolongation du délai de dépôt des demandes de mutation pour tous les enseignants hors de leur direction d'affectation pour l'année scolaire 2025-2026    CHAN 2024: la sélection algérienne reprend les entraînements    Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel: Nasri présente ses condoléances    Réception de la tranche restante du projet de la pénétrante de l'autoroute Est-Ouest prévue fin 2026    34 morts et 1.884 blessés en une semaine    «66 % des bacheliers ont opté pour les filières des sciences et des technologies»    Quelle est la structure du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles du Gouvernement ?    Plus de 200 journalistes exigent l'accès à Ghaza et dénoncent un blackout sioniste    « Hommage à Abdelhamid Mehri : Un homme d'Etat, une conscience nationale »    Voyage au cœur d'un trésor vivant...    CHAN-2025 : Ouganda 0 – Algérie 3 Du jeu, de l'engagement, du ballon et une belle victoire    La Protection civile déplore cinq blessés    Jane Austen, une écrivaine toujours actuelle    Jeux africains scolaires: le Président de la République honoré par l'ACNOA    Abdelmadjid Tebboune préside la cérémonie    Boudjemaa met en avant les réformes structurelles et la modernisation du système judiciaire    La "Nuit des musées" suscite un bel engouement du public à Tébessa    Le président de la République honore les retraités de l'Armée et leurs familles    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le calvaire de Djamila et Bettina (IV)
Publié dans La Nouvelle République le 24 - 09 - 2008


Deux filles et autres anecdotes
C'est à cette époque que le capitaine Vrigny ramena d'opération deux femmes des Betahias qui s'étaient ralliées. Il me proposa d'en faire des infirmières.
La construction du gourbi, pompeusement appelé dispensaire, situé près de l'école, venait d'être achevée.
Une tâche difficile m'incombait : former deux femmes du beld ne sachant ni lire ni écrire et parlant à peine le français.
L'une d'elles, je l'appellerai Djamila, était plutôt jolie, une vingtaine d'années, de taille moyenne, les attaches fines, un bel ovale de visage, des lèvres charnues, un regard intelligent.
L'autre, je l'appellerai Bettina, beaucoup plus âgée, les traits épais, forte corpulence. Toutes deux étaient revêtues du costume traditionnel, longues tuniques floues retenues à la taille par une ceinture fine, un foulard noué sur les cheveux. La tenue de Djamila était dans les marrons violacés avec des motifs floraux plus clairs, celle de Bettina rouge carmin brillant et uni.
Pour couronner le tout, Letendre ayant obtenu la quille, je venais d'hériter d'un nouvel infirmier, à former lui aussi, garçon de café dans le civil, Barthélémy, sympathique rouquin qui semblait heureusement assez débrouillard.
En résumé, je disposais de deux Arabo-Berbères illettrées, d'un garçon de café et d'un gourbi qu'il fallait, par un coup de baguette magique, transformer en infirmières, infirmier et dispensaire. Et moi, le magicien, j'étais un étudiant en médecine en fin de cinquième année.
Au début, tout se passa bien. Les consultations du dispensaire attirèrent beaucoup de monde. Certains jours, le nombre de consultants dépassait la cinquantaine. Les femmes exprimaient plus librement leurs problèmes à des femmes qui parlaient leur langue.
Djamila apprit vite à désinfecter et panser les plaies, à passer des colorants sur les dermites, à instiller des collyres. Le rôle de Bettina consistait surtout à maintenir les locaux propres.
Je lui confiais aussi mon linge à laver. J'obtins pour Djamila des vêtements européens et une blouse blanche. Ce fut peut-être une erreur, car sa tenue lui arrivait juste au-dessous du genou et les villageois furent choqués de la voir se promener jambes nues.
Dans la louable intention de progresser en français, Djamila passait une grande partie de son temps libre à l'école. Elle fit effectivement de rapides progrès ce qui me rendit service pour les interrogatoires et les prescriptions thérapeutiques. Mais ce qui devait arriver arriva : G…, un des instituteurs, ne put résister à son charme et noua des rapports très étroits avec son élève.
Quant à Bettina, elle ne tarda pas à subir les assauts d'un des artilleurs, F… qui dut mener l'attaque avec trop de brusquerie, car elle se plaignit au capitaine. F… fut convoqué par ce dernier et reçut une verte semonce :
« Mais enfin F… qu'est-ce qui vous a pris ? Vous verriez un tronc d'olivier revêtu d'une jupe que vous ne pourriez pas résister !... »
Il est un fait que mes petits gars astreints à une longue continence, avaient la tête qui tournait facilement.
Il y avait bien le bordel d'Orléansville, surveillé par l'armée et régulièrement contrôlé par un médecin militaire, mais les occasions de la descente dans cette ville étaient exceptionnelles et encore fallait-il avoir la chance de faire partie de la section désignée pour assurer la protection du chef de poste ou de l'aspirant chargé d'une mission à Orléansville. Il y avait dans cet établissement une équipe de filles qui pratiquaient apparemment leur spécialité avec beaucoup de conscience professionnelle : en allant récupérer un jour mes gars devant la porte de cette maison, j'ai en mémoire l'image du deuxième classe M… sortant le visage défait, les genoux fléchis, soutenu par deux camarades.
Il venait de passer un moment avec une certaine Dédé…
A la suite de la plainte de Bettina, le capitaine donna à mes infirmières un sifflet à utiliser au cas où elles seraient à nouveau importunées.
Les jours suivants, on entendit plusieurs coups de sifflets…
«Mais mon capitaine, je ne l'ai même pas touchée, je lui ai seulement fait de vagues propositions…»
Par la suite, les choses eurent l'air de se calmer. En réalité, elles allaient en s'aggravant. Effectivement, au fil des jours, Bettina se fit de plus en plus compréhensive.
La nuit, des petits malins s'arrangeaient avec les sentinelles pour sortir du poste et se diriger vers le dispensaire où il y avait tout ce qu'il fallait pour s'ébattre tranquillement. On passa à une vitesse supérieure lorsque les harkis se mirent de la partie.
Le capitaine eut vent de l'affaire. La méthode sifflet étant devenue obsolète, il acheta une lampe électrique de forte puissance, un véritable projecteur que la nuit il allumait soudainement en direction du dispensaire, mais il ne réussit à prendre personne sur le fait par cette méthode.
On commençait à sombrer dans le vaudeville.
Djamila suivit-elle l'exemple de Bettina ? Je ne peux l'affirmer, toujours est-il que les deux filles partagèrent la même réputation qui s'étendit rapidement dans les autres batteries du 3/65° régiment d'artillerie.
Etant donné qu'elles étaient à mon service, je commençais moi-même à passer pour un personnage pas très net. Un jour que j'étais en visite à Draâ Messaoud, un MDL., ancien d'Indochine, me prit violemment à partie :
« Ces filles c'est une honte ! Non… ça n'a pas de nom, Arrêtez… Il ne faut pas faire ça…» Il écumait littéralement de rage.
Finalement la présence de ces femmes fut plutôt pour nous un problème et n'eut pas vis-à-vis de la population l'effet positif escompté.
Pour couronner le tout, les médicaments entreposés dans le dispensaire baissaient de façon inhabituelle, le bruit courut d'une partie servait à alimenter les hôpitaux clandestins de l'ALN. Cette fois-ci, la coupe était pleine, c'est pourquoi j'allais trouver le capitaine Vrigny pour le persuader d'arrêter là l'expérience et d'expédier Bettina et Djamila par le prochain convoi à Larmartine, ce qui fut fait quarante-huit heures plus tard. Ces filles furent employées à la SAS et se firent oublier.
Le calme revint à Abd El-Kader
L'instituteur fit une dépression nerveuse. Récemment j'ai contacté un ancien harki d'Abd El-Kader, il évoquait le souvenir de Bettina, le visage épanoui éclairé d'un large sourire et d'un air sous-entendu :
« Ah ! Bettina…! Bettina…!
Les rapports entre le capitaine et ses hommes étaient parfois explosifs. Dans le souci de les entraîner, il avait décidé de leur imposer une demi-heure de gymnastique tous les matins. Ensuite, ils défilaient sous le commandement du brigadier Félix Flatteau en chantant :
«Quand l'artilleur de Metz arrive en garnison, toutes les femmes de Metz se mettent à leur balcon…»
Et de son bureau, le capitaine écoutait avec satisfaction ses soldats chanter d'une voix mâle ces couplets traditionnels de l'artillerie. Or, les petits gars du contingent n'appréciaient pas du tout ces séances de gymnastique. Ils estimaient qu'ils crapahutaient assez comme cela.
Un matin, le capitaine faillit attraper «un coup de sang» et surgit de son bureau rouge de colère en hurlant :
« Non… Félix… Halte… Tout de suite dans mon bureau…»
Les collines d'Abd El-Kader répercutaient au loin les échos d'un chant qui n'avait rien de militaire :
« Ah ! c'qu'on m'emmerde ici…
Ah ! c'qu'on s'emmerde ici…
Merd'ici, merd'ici, merd'ici... Tsoin tsoin…»
Felix eut deux jours d'arrêts de rigueur…
Mais quelques semaines plus tard, le capitaine annula ces séances de gymnastique. L'après-midi touche à sa fin, je suis dans ma chambre infirmerie. Gredais, un de mes collègues aspirant, entre dans la pièce afin de converser avec moi avant le dîner.
Ma MAT 49 est posée sur la table. La conversation tombe sur cette mitraillette. Tout en discutant, je la prends dans la main :
«C'est effectivement
une arme excellente»
Je l'arme. J'étais persuadé que mon chargeur était vide. Je m'apprête à appuyer sur la détente. Mais le canon est dirigé sur la tête de Gredais. Une des rares phrases apprises à l'instruction me revient :
«On ne vise jamais un camarade même avec une arme vide».
J'élève le canon de façon à viser le plafond. Je presse la détente et atterré lâche une rafale. Gredais plonge sous la table et m'engueule copieusement.
Les balles trouent le toit et passent au-dessus de la tête d'un harki qui montait la garde sur les remparts du fortin dominant le poste. Aussitôt coup de fil du piton :
«Venons de recevoir une rafale de mitraillette. Que se passe-t-il ?
Ce n'est rien, c'est le toubib. »
Deux ans auparavant, un jeune appelé de la neuvième batterie pointa également par jeu son arme, un fusil Garand, sur un camarade. Il était lui aussi persuadé qu'il n'était pas chargé.
Il l'avait nettoyé une heure avant, mais il n'appliqua pas au dernier moment le précepte appris à l'instruction. Son ami d'enfance, Gilbert Rogaume, qui habitait le même village de la Creuse reçut la balle dans la tête et mourut peu après.
Que s'était-il passé ?
Un artilleur avait pris par erreur ce fusil placé à côté du sien pour effectuer une courte patrouille. Au retour, il avait remis l'arme à sa place en laissant une balle dans le canon…
A suivre


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.