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Le coeur et la raison du complexe militaro-industriel et de l?am?ricanisme
Publié dans La Nouvelle République le 18 - 11 - 2008

«The RAND Corporation was the ur-think tank, the Cold War granddaddy of them all, and it's still with us...» c'est la phrase d'introduction de Tom Engelhardt, pour le texte qu'il publie sur son site le 29 avril. Il s'agit d'un texte de l'historien Chalmers Johnson.
(Johnson, tout en n'étant pas précisément un «dissident» à la sauce US, est un historien avec une très grande expérience dans le domaine du complexe militaro-industriel [CMI], y compris une expérience pratique, comme acteur à l'intérieur de ce CMI. In illo tempore, Chalmers Johnson fut un «cold warrior», partisan de la ligne conformiste dure du Pentagone. Ses réflexions sont d'autant plus fructueuses et utiles. Avec son livre, «Blowback», et d'autres qui ont suivi, Johnson est devenu un critique éminent, incisif et radical du CMI.)
Le sujet de ce texte est la très fameuse RAND Corporation, basée à Santa-Monica. L'intérêt considérable de l'analyse de Johnson, c'est qu'à travers la recension, assez critique, d'un livre qui vient de paraître sur la RAND (Soldiers of Reason: The RAND Corporation and the Rise of the American Empire, par Alex Abella, Harcourt), Johnson met cette même RAND à sa place, au coeur de la nébuleuse du CMI, – sa place, pas loin d'être au coeur, sinon d'en être la pensée et, par conséquent, la raison.
L'enfant de l'USAF et du complexe militaro-industriel
Les précisions apportées dans ce texte sont très intéressantes, voire fascinantes. Elles comportent plusieurs aspects. Le premier est, sans aucun doute, de donner à la RAND sa véritable situation. Il s'agit, vraiment, du coeur du CMI (pour la raison, on verra plus loin). La RAND fut formée en 1946, à l'initiative de l'USAAF (qui n'était pas encore l'arme indépendante, – USAF, – qu'elle deviendrait en 1947), rejoignant, en cela, les origines du complexe militaro industriel qui fut, d'abord, un complexe scientifico-industriel appuyé, essentiellement, sur l'industrie aéronautique. Johnson définit ainsi la RAND :
«Soon enough, however, RAND became a key institutional building block of the Cold War American empire. As the premier think tank for the U.S.'s role as hegemon of the Western world, RAND was instrumental in giving that empire the militaristic cast it retains to this day and in hugely enlarging official demands for atomic bombs, nuclear submarines, intercontinental ballistic missiles, and long-range bombers. Without RAND, our military-industrial complex, as well as our democracy, would look quite different.»
Le CMI
est le couronnement de l'américanisme
Une exploration de la RAND Corportation, ses méthodes de travail, ses tendances, ses centres d'intérêt et ses sources, constitue une démarche fascinante parce qu'elle nous permet d'embrasser, à partir d'un exemple complet, – et quel exemple, «le coeur et la raison du CMI», – la véritable substance de l'américanisme dans son achèvement. Le CMI et la RAND ne sont pas des accidents, ou des aberrations, mais la suite logique et le couronnement de l'américanisme.Le long passage, ci-dessous, permet d'embrasser ce que nous suggérons. (La firme Douglas, – future McDonnell Douglas, en 1964, avant d'être incorporée dans Boeing, en 1997, – est citée dans le début de cet extrait parce que RAND fut créée en 1946, d'abord comme une division de la société Douglas, avant de devenir indépendante, en 1948. Le détail est intéressant car l'on a, ainsi, un exemple de plus, particulièrement éclairant, de la connexion intime entre le secteur privé et le soi-disant secteur public aux USA. Cette connexion intime est la marque du CMI autant que, dans son sens plus large, de l'américanisme. Dans ce cas, également, le CMI est une quintessence de l'américanisme.)
L'américanisme comme «idéologie de la technologie»
Voilà donc, résumée, la quintessence de la RAND, qui est celle du CMI par extension, celle de l'américanisme par extension supplémentaire. L'approche est totalement «scientifique», écartant tout intérêt sérieux pour l'aspect humain, y compris l'aspect humain scientifiquement observé comme peut l'être la psychologie. Mais cette démarche «scientifique», qui mérite des guillemets, est plutôt pseudo-scientifique, dans la mesure où elle est complètement pervertie par l'idéologie. L'expérimentation de base, fondement de la démarche scientifique, est réduite, pour s'en tenir à des faits «scientifiques», déjà élaborés et constitués, grâce au ciment principal de la chose qu'est l'idéologie. L'objet «scientifique» principal est la technologie, artefact soi-disant «scientifique» mais, essentiellement, idéologique : l'américanisme est, d'abord, une «idéologie de la technologie».
Il s'agit, non seulement de la caractéristique de l'américanisme et, éventuellement, de sa puissance, mais aussi de la faiblesse mortelle de l'américanisme. L'absence du «facteur humain», de sa recherche, de son identification, de sa connaissance, etc., caractérise toutes les activités de l'américanisme. Elle caractérise le renseignement, comme elle caractérise toutes les activités militaires qu'on connaît aujourd'hui ; elle caractérise les actions d'influence, l'activité de la corruption etc., qui portent essentiellement sur les moyens militaires et vénaux. Les américanistes n'ont jamais compris que la principale puissance de leur influence, durant la Deuxième Guerre et la Guerre froide, était psychologique, obtenue sans qu'ils s'en rendent exactement compte, pour des raisons objectives influençant les psychologies des communautés, des nations et des psychologies conquises (ou plutôt «sous influence»). La chose a tenu durant ces périodes, notamment durant la Guerre froide, à cause des conditions spécifiques, notamment l'existence d'une menace communiste perçue comme subversive (psychologique) autant que comme militaire, sinon plus, par les alliés «sous influence». (Les américanistes ont également compris bien peu de choses à la subversion communiste : ils l'ont prise pour une technique, alors que c'était une psychologie utilisant des techniques.)
Une incompréhension de la spécificité humaine
Depuis la fin de la Guerre froide et 9/11, cette influence américaniste décroît, très vite, parce que les choses ont été dépouillées de tout leur apparat d'objectivité, avec l'écroulement du communisme et que cette soudaine nudité est apparue au grand jour avec 9/11. Les américanistes ont continué à travailler dans le «technique» et «l'idéologie technologique», avec «l'idéologie démocratique» comme faire-valoir de relations publiques dont le but ultime reste de pure conquête matérialiste. Les alliés «sous influence», eux, ont perdu ce miel américaniste de leur illusion psychologique à cet égard. Ils sont en grand désarroi et leur alignement ressemble, de plus en plus, à une servilité vénale ou pathologique, qui a perdu toute sa légitimité du temps de la Guerre froide, quand l'alignement pro-US se déclinait, avec émotion, sur le thème de «la défense de la liberté».
Le CMI, ou la RAND comme exemple d'application intégrale du CMI, est, certes, le cœur et la raison de l'américanisme mais aussi un concentré de ces tares mortelles. Il s'agit de l'incompréhension de la spécificité humaine, c'est-à-dire d'un corps de doctrine absolument anti-humaniste, pour autant qu'on donne au mot «humanisme» son sens profond, originel et classique.
Le «M» de CMI est accessoire
Il faut aussi, pour bien comprendre la chose, échapper à l'obsession de la critique politique classique du CMI, aux USA et en Europe. Pour cela, il faut revenir aux sources, que nous avons déjà tenté de rappeler. Substantiellement, le CMI n'est pas fondé sur la dimension militaire (si le «M» n'est pas accessoire, il est certainement de circonstance). Il est d'abord civil, et fondé sur «l'idéologie de la technologie» comme outil d'une volonté de puissance de type darwinien (et nullement nietzschéen, dont il est l'exacte caricature antagoniste pour des aspects essentiels). Au départ, le CMI n'a rien de militaire, mais il s'appuie sur l'aéronautique comme expression principale aux USA de «l'idéologie de la technologie». (Tout cela se fait dans une époque darwinienne par excellence aux USA, celle des années 1920 et 1930, d'où cette identification d'une volonté de puissance de type darwinien). Le CMI deviendra militaire, à cause des circonstances de la Deuxième Guerre mondiale et sans trahir sa substance originelle, puisque cette évolution se fera en connexion intime avec le surgissement de la puissance aérienne (durant la Deuxième Guerre mondiale) et de l'USAF, devenu service autonome en 1947, – donc, toujours l' «idéologie de la technologie» liée à l'aéronautique. La RAND est l'émanation institutionnalisée de tout cela. Elle est née du rapport «Toward the Horizon», réalisé en 1945-46, qui avait été initié par le général Arnold (chef de l'USAAF, de 1941 à 1946) et dont la réalisation fut confiée, par ce même Arnold, à une équipe dirigée par le physicien de l'aéronautique, Theodore von Karman. «Toward the Horizon» faisait un catalogue des développements technologiques à lancer pour le quart de siècle à venir, pour l'aéronautique militaire. La RAND fut aussi l'émanation institutionnalisée de «Toward the Horizon».
Le CMI (la RAND) comme matrice ultime de la modernité américaniste
Le CMI, et la RAND par conséquent, n'a rien à voir avec les idéologies européennes telles qu'on aime à les citer pour faire frissonner les invités du soir, dans les dîners en ville. Le CMI n'a rien d'une sorte de monstruosité fasciste. Il s'agit d'une structure absolument moderniste, appuyée sur les principes libéraux, proclamant l'idéologie moderniste de la démocratie et utilisant la communication d'une façon extensive, tout cela dans les normes conformistes du système. (C'est par la démocratie à la sauce américaniste et libérale que le CMI fait son office. Il n'est, ainsi, pas entravé par les subtilités régaliennes d'un véritable Etat à fondation historique, attentif au bien public et à toute cette sorte de chose. Il est parfaitement en ligne, car c'est bien ainsi que fonctionne la démocratie américaniste.) La RAND représente cette spécificité, dans le luxe de Santa Monica (Californie) et les salaires plantureux des experts. C'est une interface d'honorabilité, une entreprise de recyclage dont l'objet précis est d'institutionnaliser des idées et des thèses dont le CMI a besoin, pour des raisons diverses (politiques et idéologiques, commerciales, etc.). RAND a, aussi, un rôle non négligeable de subordination mondaine de relais étrangers. A la RAND, dont le prestige atlantiste est considérable, on recrute avec élégance les apprentis-experts et autres (journalistes, experts, futurs hommes politiques, etc.) des pays de la communauté atlantique, dont on espère, avec patience et confiance, qu'ils seront plus tard des relais américanistes appréciés. La RAND fut, notamment, le creuset de la Transatlantic New Generation, lancée au début des années 1980, «vivier», comme on dit, de recrutement pour le CMI et les américanistes, et dont nous subissons aujourd'hui l'amicale pression par le biais de divers dirigeants et hommes d'influence, dans nombre de pays d'Europe. Cet aspect de son activité complète son rôle et sa place centrale, au cœur du CMI et pour exalter sa raison.


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