Brahim Ghali: toute solution ne respectant pas la volonté du peuple sahraoui est "totalement rejetée"    Les organisations de la famille révolutionnaire saluent l'intérêt accordé par Monsieur le président de la République à l'histoire et à la mémoire nationale    Commerce extérieur: Rezig préside une réunion d'évaluation pour la révision des mesures réglementaires du secteur    Rentrée universitaire: prés de 2 millions d'étudiants rejoindront lundi les établissements d'enseignement supérieur    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Coup d'envoi de la semaine de sensibilisation à la santé scolaire    Rentrée scolaire: bonnes conditions d'organisation et réception de nouveaux établissements dans le Sud    Education: préparation d'un concours de recrutement de 45.000 enseignants et de 24.000 fonctionnaires administratifs    ONSC : Hamlaoui a reçu une délégation de notables de la wilaya de Djanet    Ghaza: le bilan s'alourdit à 65.283 martyrs et 166.575 blessés    Nasri félicite Djamel Sedjati pour sa médaille d'argent au 800 m à Tokyo    Jordanie: réouverture partielle du poste-frontière avec la Cisjordanie occupée    Création d'un comité central chargé du suivi de la réalisation des lignes minières Est et Ouest    L'Algérie, la Chine et la Russie au 3e soir du 13e Festival de danse contemporaine    Ouverture du 13e Festival international du Malouf: célébration vivante d'un patrimoine musical    Aït Messaoudene au chevet des victimes après une attaque de chien mortelle    Ali Badaoui en mission de reconnaissance en Chine    Un partenariat entre l'AOHP et la fondation italienne Enrico Mattei pour améliorer la formation en dentisterie    L'Algérie dénonce un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    Développement des énergies renouvelables et de l'hydrogène vert    Rentrée scolaire: l'Etat engagé à assurer les fondements du développement cognitif pour une génération éveillée    Le wali instruit les entreprises chargées de la réalisation au respect des délais    Le veto américain prolonge le génocide    Des abus graves contre les écolières    Sayoud instruit d'accélérer la réalisation des projets du secteur des ressources en eau    Développement notable et perspectives prometteuses pour la filière pomicole    Arrestation de deux individus en possession de 1.000 comprimés psychotropes à Ammi Moussa    Ligue 1 Mobilis (5e journée) L'OA et le MBR creusent l'écart et confirment leurs ambitions    inter-régions : La FAF prolonge le mercato estival jusqu'au 30 septembre    L'Algérien Yasser Triki termine 4e en finale    Bendouda inspecte les travaux de réhabilitation et le projet de numérisation des manuscrits    La 20e édition a attiré un public nombreux    Imene Ayadi remporte le prix du meilleur court-métrage de fiction avec «Nya»    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati remporte la médaille d'argent sur 800 m    Basket / Championnat arabe des clubs féminins/Finale : le GS Cosider décroche la médaille d'argent    Le président de la République préside une réunion du Haut Conseil de sécurité    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Sa signification étymologique, son évolution sémantique, sa portée symbolique
Le Bougnoule
Publié dans La Nouvelle République le 06 - 03 - 2010

En ces temps là, « la chair à canon » carburait à la gnôle. Par un subterfuge dont la raison détient seule le secret, qui n'en révèle pas moins les présupposés d'un peuple, les ressorts psychologiques d'une nation et la complexion mentale de ses dirigeants, la revendication ultime préludant au sacrifice suprême -« Aboul Gnoul », apporte l'alcool- finira par constituer, par un dévoiement de la pensée, la marque d'une stigmatisation absolue de ceux qui auront massivement contribué, à deux reprises, au péril de leur vie, à vaincre, paradoxalement, les oppresseurs de leurs propres oppresseurs.
Le contexte historique
« Bougnoule » tire son origine de l'expression argotique de cette supplique ante mortem. Elle finira par confondre dans la même infamie tous les métèques de l'Empire, piétaille de la République, promus au rang de défenseurs occasionnels de la Patrie, défenseurs essentiels d'une patrie qui s'est toujours voulue distincte dans le concert des nations, qui se distinguera souvent d'une façon lumineuse, d'une façon hideuse parfois, traînant tel un boulet, Vichy, l'Algérie, la collaboration, la délation, la déportation et la torture, les pages honteuses de son histoire, peinant des décennies durant à expurger son passé, et, pour avoir tardé à purger son passif, en paiera le prix en termes de magistère moral.
Curieux rapport que celui qui lie la France à sa mémoire, étrange rapport que celui qui lie ce pays à lui-même, à la fois « Patrie des lumières et des Droits de l'Homme » et patrie du « Code Noir » de l'esclavage, le code de l'abomination, de la traite de l'Ebène et du mépris de l'Indigène. Etrangement curieux le rapport qui lie ce pays à ses alliés de la période coloniale, les peuples colonisés d'Outre-mer. Par deux fois en un même siècle, phénomène rarissime dans [l'histoire, ces soldats de l'avant, les avant-gardes de la mort et de la victoire, goumiers Algériens, spahis Marocains, tirailleurs Tunisiens, Sénégalais et Soudano nigériens, auront été embrigadés dans des conflits qui leur étaient, étymologiquement, totalement étrangers, avant d'être rejetés, dans une sorte de catharsis, dans les ténèbres de l'infériorité, renvoyés à leur condition subalterne, sérieusement réprimés aussitôt leur devoir accompli, comme ce fut le cas d'une manière répétitive pour ne pas être un hasard, à Sétif (Algérie), en 1945, cruellement le jour de la victoire alliée de la seconde Guerre Mondiale, au camp de Thiaroye (Sénégal) en 1946, et, à Madagascar, en 1947, sans doute à titre de rétribution pour leur concours à l'effort de guerre français.
Substituer une sujétion à une autre, se faire décimer, au choix, sur les champs de bataille ou sur le terrain de la répression au retour au pays, avant d‘être mobilisé à nouveau pour la relance de l'économie de la Métropole, que de conséquences traumatiques ils pâtiront de cette « querelle de blancs ». Il n'était pas question à l'époque de « seuil de tolérance » mais de sang à verser à profusion. Beaucoup acquitteront leur tribut du sang en faisant l'apprentissage de l'ébriété, sans connaître l'ivresse de la victoire.
Beaucoup survivront à l'enfer de Verdun ou de Monte Cassino avant de sombrer dans le désarroi de l'incompréhension au sein de la cohorte des alcooliques anonymes. Beaucoup en perdront la raison devant une telle aberration de comportement. Beaucoup, plus tard, bien plus tard, basculeront dans une révolte libératoire qui sonnera le glas de l'empire français.
Recru d'épreuves au terme d'une vie brève mais houleuse, Lapaye Natou, vaillant combattant de l'armée de l'Union Française, miné par les ravages de l'alcool de palme, s'effondrera un crépuscule de l'été 1961. Gisant au pied du baobab de sa ville natale de Kaolack, dans la région du Sine Salloum, au Sénégal, un des centres mondiaux de l'arachide, qui fit la fortune des comptoirs coloniaux des négociants bordelais, Lapaye Natou, -l'auteur en a été le témoin-, apostrophera dans un ultime sursaut de fierté son auditoire en ces termes : « C'est moi Lapaye Natou, l'homme de l'homme, coeur de lion, peau de panthère, l'homme qui en fait son dawar, en a Mer, en a Méditerranée, en à l'Est Baden-Baden. Celui qui me connaît ça va, celui qui ne me connaît pas tant pis ».
En termes policés, c'est à dire en termes moins rudimentaires mais certainement moins expressifs, cela donnerait : « C'est moi Lapaye Natou, un être humain, courageux et résistant, un homme qui a répondu à l'appel du devoir en participant, loin de son pays natal, à tous les combats de la France, de la Méditerranée jusqu'au point de jonction des forces alliées au coeur de l'Europe. Je rends grâce à ceux qui reconnaissent ma valeur et voue aux gémonies ceux qui méconnaissent ma valeur et celle de mes semblables ». Que d'imprécations devant cette malédiction du destin auront ainsi été proférées en un siècle hors de portée de leurs véritables destinataires. Que de ressentiments étouffés dans l'anonymat le plus complet.
Que de colères contenues devant tant de désinvolture à l'égard de ce que l'un des leurs, Frantz Fanon, qualifiera de « damnés de la terre ». Rares sont les populations qui auront connu pareil parcours chaotique sans jamais cultiver une idéologie victimaire, sans jamais en faire usage ultérieurement dans leur combat pour leur acceptation.
Un agrégé de grammaire de l'Université française, une discipline où les lauréats sont rarissimes, qui présidera par la suite aux plus hautes destinées de son pays, Léopold Sedar Senghor, gratifiera ces victimes muettes de l'Histoire de la dignité de « dogues noirs de la République ». Ciselée avec soin par un orfèvre dans l'art sémantique pour affirmer sa douloureuse solidarité avec ses frères de race, cette formule passera à la postérité comme la marque de scarification morale de leurs cerbères et de leurs héritiers naturels. « Les dogues noirs de la République », anti-mémoire de la France, sa face cachée, ainsi que son prolongement conceptuel, la « Négritude », que cet enfant chéri de la Francité forgera par opposition identitaire à ses anciens maîtres, constitueront le levier d'affranchissement du continent noir, son thème mobilisateur vers son indépendance.
(A suivre)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.