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Masque d'ange
Jean Marais
Publié dans La Nouvelle République le 22 - 11 - 2010

«Jeannot est né le 13 décembre 1913 à 13 heures. Son père le gifla parce qu'à l'âge de 4 ans, il montait à cheval sur un saint-bernard. Cette gifle décida sa mère à partir avec ses deux fils. Jeannot n'a jamais revu son père.» Ainsi, commence le portrait subjectif (1) rédigé par Jean Cocteau au début des années 1950 en l'honneur de son compagnon pour l'éternité, Jean Marais, que le poète ne cessera jamais d'appeler Jeannot. De cette mère, Jean Marais mettra beaucoup de temps avant d'oser en dire plus. Un peu mythomane, sans doute, menteuse professionnelle, c'est certain, elle a connu des petits ennuis judiciaires pour, au minimum, grivèlerie. La voir en prison a, certes, été pour Jean Marais une épreuve décisive : il devait faire en sorte qu'elle n'ait jamais plus besoin d'agir ainsi. Mais l'influence de la personnalité de sa mère sur Marais dépasse probablement cette anecdote : «Elle jouait tout le temps à être autre. J'ai eu de faux oncles, de fausses adresses, de faux noms. Peut-être même un faux père !» De quoi forger un caractère d'acteur, sinon une morale. «Je n'ai aucune morale, sauf la mienne et elle me guide», déclarait, il y a encore peu, Jean Marais, qui aimait aussi affirmer : «Je me fous de la postérité !» Nous voilà prévenus.
Avant de se décider pour l'art dramatique, Jean Marais fut aide photographe, copiste de cartes postales, et se rêvait peintre, passion qu'il allait retrouver sur le tard. Le réalisateur Marcel L'Herbier lui acheta par gentillesse une de ses premières toiles. Il lui proposa aussi ses premiers rôles : des apparitions dans l'Epervier et l'Aventurier (1933). Jean Marais suivit ensuite, les cours de théâtre de Charles Dullin. Son baptême des planches est une figuration muette dans oedipe roi, mis en scène par Jean Cocteau : «J'étais là à peu près par hasard. Les représentations étaient très houleuses, le public sifflait et moi je le fusillais du regard. Je lui tenais tête. Cocteau a remarqué mon courage et m'en sut gré. C'était en 1937 et cette rencontre a été pour moi une véritable seconde naissance.»
Sa notoriété explose pendant la guerre, avec l'incoulable Eternel retour de Jean Delannoy (1943) qui allait faire son lit dans la mémoire collective française et s'épanouir jusque dans les soirées télé des années 1960. Mais c'est avec la Belle et la Bête, d'une modernité poétique toujours ahurissante, que Cocteau et Marais inaugurent, en 1945, cette collaboration artistique et amoureuse qui, de l'Aigle à deux têtes (1947) aux Parents terribles (1948), puis d'Orphée (1949) en Testament d'Orphée (1960), constitue une aventure créatrice exemplaire et, pour l'époque, tout à fait unique.
Très habilement, mais peut-être sans calcul, Marais refuse, néanmoins, de se laisser enfermer dans une quelconque chapelle. Il passe des bras de Christian-Jacque (Carmen et Voyage sans espoir, tous deux en 1943) à ceux de Pierre Billon (Ruy Blas, 1947), puis d'Henri Calef (les Chouans, 1946) à René Clément (le Château de verre, 1950), sans jamais abandonner le théâtre.
Pendant la guerre, une mésaventure a beaucoup contribué à la notoriété de Jean Marais dans les rangs résistants. Il jouait Néron dans la Machine à écrire de Cocteau, pièce qui déplut à un critique influent de la presse collaborationniste, Alain Laubreaux, qui l'écrivit. Ce même Laubreaux attaqua violemment Marais au moment de son admission à la Comédie-Française. Un soir, au restaurant, on dit à Marais qu'il venait de serrer la main de Laubreaux. Aussitôt, il lui cracha au visage, l'attendit dans la rue et le rossa. Cocteau lui conseilla de disparaître quelque temps. Un peu plus tard, Philippe Henriot, dans son éditorial de Radio Paris, accusa Jean Marais d'être «plus dangereux pour la France que les bombes anglaises», ce qui est un vrai compliment. Cette affaire fut plus tard reconstituée par François Truffaut dans le Dernier métro.
C'est dans le registre du cinéma franchement populaire que Jean Marais va prendre son essor, tous ces films dits à performances sportives entrepris à un âge (40 ans) où, disait-il, les autres s'arrêtent. Tout commença en effet avec Ruy Blas (1947), toujours sous la haute surveillance de Cocteau, qui encourageait son Jeannot à exploiter sa nature sportive. Jean Marais n'en finira plus de voler de cape en épée : du Comte de Monte-Cristo de Robert Vernay, au Capitaine Fracasse de Pierre Gaspard-Huit (1958), en passant obligatoirement par les patrimoniaux le Bossu (1959) et le Capitan (1960), tous deux d'André Hunebelle, ou le Masque de fer de Henri Decoin (1962). Tous ces films font des triomphes colossaux, Marais y exultant dans la silhouette du bretteur jovial au sourire élégamment distancié.
Mais le temps passe et Jean Marais a largement dépassé l'âge de traverser un salon Renaissance suspendu à un lustre et même celui de s'envoler au volant d'une DS. Commence alors, à partir de 1966, une période d'absences répétées. Mais il n'en concevait aucune amertume : «On ne me proposait plus que des films d'aventures. Le piège que j'avais voulu éviter toute ma carrière se refermait. J'ai commencé par refuser. Et puis on ne m'a plus rien proposé du tout.» Son seul regret ? Ne pas avoir joué dans Mort à Venise, de Visconti, le rôle du professeur Aschenbach, finalement dévolu à Dirk Bogarde.
En 1970, Jacques Demy, en hommage à Cocteau, tourne Peau d'âne et, très naturellement, il confie à Jean Marais le rôle du roi, papa de Peau d'âne-Catherine Deneuve. Il y est somptueux dans la citation vivante et un rien inquiétant dans la gravité qu'il met à son personnage de père incestueux. Et c'est dans le même esprit d'hommage-citation que Bernardo Bertolucci lui offre, en 1995, son dernier rôle dans Beauté volée, où il incarne un vieux critique d'art excentrique qui dit son fait à la compagnie des humains.
La toute fin de carrière de Jean Marais fut exclusivement consacrée au théâtre et, surtout, à la conservation fidèle de la mémoire de Jean Cocteau, dont il restait l'infatigable ange protecteur. S'il incarna au théâtre quelques figures de vieux sage, Jean Marais n'en avait pas moins gardé le tempérament juvénile. En 1986, il déclarait: «Ce qui compte pour moi, c'est de m'amuser. Ça me plaît, je le fais. Ça ne me plaît pas, je ne le fais pas. On dit que l'âge donne de la sagesse, mais la sagesse n'a rien à voir avec le sérieux. Et j'ai pas envie de l'être.»


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