Elle devait durer du samedi 20 à zéro heure au vendredi 26 novembre à minuit. Elle, c'est la campagne électorale officielle du second tour. De fait, c'est bien samedi dernier, au réveil, que les électeurs ont découvert, placardées un peu partout dans les villes de Côte d'Ivoire, les nouvelles affiches des deux candidats. Sur celles de Laurent Gbagbo, de nouveaux visages apparaissent. A la différence du premier tour, le candidat de la majorité présidentielle n'est plus seul sur toutes ses affiches. Parfois même, son sourire solitaire, version campagne du premier tour, a laissé place à des héros ordinaires, Ivoiriens anonymes venus porter ses slogans et vanter son programme. Sur les affiches d'Alassane Ouattara, coucou, le revoilà ! Pourtant, éliminé au premier tour, Henri Konan Bédié pose en majesté au côté de l'ancien Premier ministre. Le RHDP en 4 X 3. Le RHDP du sol au plafond. Paradoxe de cette campagne, l'électeur aura davantage aperçu la photo de Bédié au second tour qu'au premier. Le rôle de faiseur de roi siérait-il mieux au roi baoulé que celui de candidat ? Pas le temps de se poser la question. Car, justement, le temps presse. Pour la coalition d'opposition, c'est cette semaine ou jamais. Sept jours pour convaincre. Avec un cumul de 60 % des voix au premier tour et le soutien de l'ancien président Bédié, la mission est tout sauf impossible pour Alassane Ouattara. La guerre des mots Mais dans les meetings, la campagne du second tour, c'est surtout la veille de son départ officiel qu'elle a débuté. Vendredi dernier, à Vridi, commune de Port-Bouët, dans le port d'Abidjan, Laurent Gbagbo ouvre le bal. Et le feu. A boulets rouges, le Président sortant tire sur son adversaire. Pour la première fois directement, il accuse son rival d'avoir «fait le coup d'Etat de 99», et d'être responsable de trois tentatives de coup d'Etat. La guerre des mots éclate. Et s'achèvera le jeudi 26 novembre au soir, à l'issue du face-à-face télévisé Gbagbo-Ouattara. Entre temps, c'est l'escalade verbale. Six jours durant, le berger répondra à la bergère. Samedi 20, Alassane Ouattara tient meeting au Parc des sports de Treichville. Piqué au vif la veille, le challenger fait parler la poudre. «Quand on n'a aucun bilan, aucun programme, on la ferme», lance-t-il à son rival, qu'il accuse en écho d'être arrivé au pouvoir en l'an 2000 par un «coup d'Etat». Pour faire bonne mesure, le candidat de l'opposition accuse le Front populaire ivoirien, parti créé par Laurent Gbagbo, d'avoir «amené la violence en Côte d'Ivoire en 1992» et d'avoir «assassiné le général Gueï». N'en jetez-plus. Porté au pouvoir par les mutins lors du coup d'Etat militaire de décembre 1999, Robert Gueï avait été assassiné aux premières heures de la guerre en septembre 2002. A ce jour, l'énigme demeure. Qui a tué «Bob» ? Et sa famille ? Que s'est-t-il passé le 19 septembre 2002 ? Qui a armé le bras de la rébellion ? Pourquoi l'ancien Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny est-il toujours craint de nombre d'Ivoiriens qui lui imputent, à tort ou à raison, la responsabilité de la guerre ? Au coup d'envoi de la campagne électorale, à Treichville, devant une foule compacte, surexcitée par les chauffeurs de stade, tout à son enthousiasme, Alassane Ouattara s'enhardi. A deux reprises, il menace. «On se connaît ici en Côte d'Ivoire, attention, on se connaît», prévient-il. Mais le Président-candidat n'en a cure. A la même heure, en meeting à Agboville, Laurent Gbagbo résume le vote de ce dimanche en une bataille entre «les démocrates et les putschistes (…), le jour contre la nuit (…), le bien contre le mal». Bigre ! Le temps d'une campagne, les candidats vont haranguer les foules comme on tire à la carabine. Et ce vitriol va faire craindre le pire aux Ivoiriens.