Lancement de la réalisation d'une centrale solaire à Guerrara    La revalorisation des retraites vise à préserver le pouvoir d'achat    Le bilan de l'agression sioniste s'élève à 70 667 martyrs et 171 151 blessés    Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA décompose la situation en Somalie    Des têtes de porc profanent un cimetière musulman après l'attentat antisémite de Bondi    Le cris de détresse d'un prisonnier politique sahraoui détenu à la prison de Kenitra    Démantèlement de 32 réseaux et arrestations de 197 individus    Deux morts et 7 blessés dans une violente collision    FIFA : La FAF présente à la réunion plénière des commissions    Grande satisfaction populaire pour sa promotion en circonscription administrative    Le PSG condamné à payer près de 61 millions d'euros à Kylian Mbappé    Quand le football algérien révèle ses vérités…    Les colosses d'Amenhotep III se dressent à nouveau    Ouverture de la 1RE édition    Festival national du théâtre pour enfants La 21e édition s'ouvre dimanche prochain à Constantine    Un seul peuple, une seule patrie, un seul destin    Le Président Tebboune signe un Décret accordant une grâce totale à Mohamed El Amine Belghith    Revirement vers le crime de haute trahison !    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ya douktour !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 08 - 02 - 2010

Ce matin-là, un vent puis-sant charriait des colon-nes de sable jaune et gris sur Abou Dhabi. Une atmosphère électrique régnait dans la capitale des Emirats arabes unis. Fatigué, ayant peu dormi, je me sentais moi-même peu enclin à sourire ou à faire la conversation. Une seule envie, le silence et la tranquillité. L'homme, la quarantaine maussade, était arrivé en avance. Dans sa berline noire - je vérifiai d'emblée que ce n'était pas une Toyota - il m'attendait, tête et épaules rejetées à l'arrière, moteur et climatiseur allumés. C'est lui qui devait me conduire à l'autre bout de la ville.
«Bonjour Docteur», m'a-t-il lancé avec un fort accent égyptien alors que je bouclais ma ceinture. J'ai eu envie de lui expliquer que je n'étais pas «douktour» mais j'ai finalement laissé courir. Inutile d'insister ou de se perdre dans de longues précisions sur mon parcours académique, la formule tenant plus de la politesse et du respect que de la reconnaissance d'une quelconque compétence universitaire. Comme je m'y attendais, il m'a demandé d'où je venais.
Sa question n'était pas frontale. «Le docteur est marocain ?», s'est-il enquis tout en s'engageant sur la corniche. «Algérien» ai-je répondu en guettant sa réaction. Je m'attendais à un petit sourire en coin, une mine triomphante ou bien alors, et cela aurait été pire, un air faussement contrit, celui qu'arbore le vainqueur quand il cherche à consoler le perdant. J'imaginais même l'inévitable discussion qui allait suivre. Le monde arabe divisé, les frères égyptiens et algériens qui n'auraient jamais dû se quereller, nos dirigeants qui profitent de ces divisions et qui savent si bien attiser la haine… Il n'en fut rien.
«L'Algérie… Ah, docteur. C'est un magnifique pays. J'y suis né, ya douktour ! Mon père enseignait l'arabe à Blida. Normalement, si les lois étaient de vraies lois, je devrais avoir la nationalité algérienne. J'ai habité Blida jusqu'à l'âge de dix ans et puis nous sommes rentrés en Egypte. Ah, ya douktour. J'avais cinq ou six ans quand mon père m'a emmené pour la première fois à Alger. Quelle ville ! Vous en avez de la chance. L'Algérie, c'est déjà l'Europe, ya douktour !»
Ce n'était pas la première fois que mon chemin venait à croiser la descendance de l'un de ces «coopérants» grâce auxquels notre système éducatif a été miné dès le début des années 1970. Des «frères» qui, pour la plupart, ont fait haïr l'arabe classique à des dizaines de milliers de jeunes algériens. Mais comme l'homme avait eu le bon goût de ne pas aborder le douloureux sujet du football – l'équipe de son pays venait de remporter le trophée africain quelques jours auparavant – je me forçai à adopter une attitude conciliante. Tant pis pour le silence, l'heure était à la discussion. «Ya douktour, ya douktour. Comme j'envie les Algériens. Vous êtes si proches de l'Europe. Vous parlez la langue française, vous avez des millions (sic) d'Algériens qui vivent en France et qui peuvent vous aider à vous y installer. Moi, je vis dans le Golfe depuis dix ans. J'étais en Arabie Saoudite. Ensuite au Koweït. Et me voilà ici. Je trime, douktour. Je trime du matin jusqu'au soir. Tout ce que je gagne, je l'envoie au Caire. Ça fait vivre ma mère et mes deux sœurs qui ne sont pas encore mariées. Je trime...»
Je hochai la tête, lançai quelques interjections pour signifier ma sympathie, mon respect aussi, sachant tout de même que cela ne pouvait guère interrompre la complainte. Que faire ? Lui dire de se taire ? Ghayr maâqoul ! Et cela ne s'est pas arrêté. Pire, nous étions coincés dans les embouteillages matinaux. Il n'y avait rien d'autre à faire pour lui que de parler, et pour moi d'écouter. «Ya douktour, en Europe, il y a des lois pour protéger les travailleurs. Les gens ont des horaires et s'ils travaillent plus, on leur donne de l'argent. Moi, ici, je travaille à n'importe quelle heure. J'ai des journées de quinze heures, parfois vingt. Cette nuit, je n'ai dormi que trois heures»
A travers la vitre, je regardai un Ferrari se faufiler dans la circulation. Une épaisse couche de sable et de poussière s'était déposée sur sa robe rouge. Sur ma gauche, la mer du Golfe prenait une teinte ocre. Son téléphone portable a alors sonné. Rapide conversation en dialecte égyptien. Une histoire de roue de secours prêtée et jamais rendue. Et, très vite, retour en force des lamentations. «Je ne suis pas marié, ya douktour. Et je sais que si je reste ici, ça ne m'arrivera jamais. Je ne gagne pas suffisamment d'argent. Il faudrait que je parte en Europe. Là-bas, je travaillerai aussi dur qu'ici mais j'aurai du temps libre. Je pourrai surfer sur internet. Je pourrai me marier. J'ai envie d'aller en France. C'est le pays qui m'attire le plus. Je connais quelques mots : ‘bounejouuuur', ‘mierciii', ‘crouassante'.»
J'aurais pu lui parler de Besson, de l'identité nationale, des centres de rétention. Mais je l'ai laissé à ses paroles, me disant que c'était un miracle que la France puisse encore faire rêver. Puis la circulation est devenue fluide. Je n'avais plus que quelques minutes à patienter. «Ya douktour, je te le dis avec sincérité, du fond de mon cœur d'homme pieux. Je suis prêt à me marier avec une Française. Même si elle est âgée. Et jamais, tu entends, jamais je ne lui ferai du mal. Comment offenser celle qui m'aura sauvé, tu comprends ya douktour ? Elle sera au-dessus de ma tête.»
Je ne lui ai pas demandé comment il comptait faire pour rencontrer cette âme sœur. Peut-être avait-il déjà un plan, une ‘afsa' bien à lui. Au moment où il m'a déposé, le vent s'est mis à souffler avec plus de violence. Les yeux piqués par les rafales, je n'ai pas entendu ses dernières paroles. Je l'ai salué de la main en lui criant bonne chance et en lui souhaitant un heureux mariage. Il m'a alors souri. C'était bien la première fois depuis que nous avions pris la route.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.